franceinfo conso. Un "toxiscore" pour les produits ménagers dès 2022 ?
En 2019, "60 Millions de consommateurs" a lancé une pétition pour une information claire sur la toxicité des produits ménagers. Les 37 000 consommateurs qui l'ont signée commencent à être entendus.
Le gouvernement veut être plus transparent sur la toxicité des produits ménagers mais sans aller jusqu'à imposer une réglementation sur l'affichage. Benjamin Douriez, rédacteur en chef adjoint au magazine 60 Millions de consommateurs revient sur cette question qui devient essentielle pour les consommateurs. Un dossier publié ce mois-ci dans le magazine.
franceinfo : Le gouvernement veut jouer la transparence et afficher le niveau de toxicité des produits ménagers, c’est nécessaire ?
Benjamin Douriez : Oui, aujourd’hui les étiquettes des produits ménagers sont à la fois incomplètes et difficiles à interpréter. D’abord, ces produits n’indiquent pas leur composition complète, contrairement à ce qui est obligatoire pour les cosmétiques ou les aliments. Là, seules les substances principales doivent être affichées. De surcroît, il faut être expert pour savoir que telle ou telle substance peut être problématique. Et s’il y a des pictogrammes ou des avertissements pas forcément compréhensibles au premier coup d’œil ou noyés dans un flot d’informations.
Mais à quoi pourrait ressembler ce "ToxiScore" ? Et sur quels types de produits on devrait le voir ?
Ce ToxiScore, il y a été évoqué par la ministre de l’Écologie, Barbara Pompili, il y a huit jours. Il figure dans le nouveau Plan national santé environnement, publié au même moment. C’est un score de toxicité pour les produits ménagers, donc les produits d’entretien que vous utilisez à la maison, pour la cuisine, les sols, la salle de bain, mais aussi par exemple les lessives ou les produits pour la vaisselle.
Naturellement, il pourrait ressembler au Nutri-Score qui existe sur les produits alimentaires, désormais assez bien connu des consommateurs, avec une lettre qui classerait les produits associés à un code couleur, allant du vert pour les produits qu’on peut utiliser les yeux fermés, au rouge pour ceux qu’il faut utiliser avec beaucoup, beaucoup de précautions, ou réserver à des usages très spécifiques.
Il devrait répertorier quels risques, ce toxiscore ?
Deux grandes familles. Les risques pour l’utilisateur et les occupants du logement : risques par contact, risques par inhalation, parce que certaines substances sont irritantes, très fortement allergisantes ou sont des perturbateurs endocriniens. L’autre type de risques, ce sont les risques pour l’environnement : de nombreux ingrédients sont pas ou peu biodégradables, ils se retrouvent dans les eaux usées.
Manifestement cet étiquetage sera facultatif, dès lors, on peut se demander s’il sera vraiment utile et transparent ? Ce serait trop compliqué de l’imposer aux fabricants ?
La réglementation européenne ne permet pas de l’imposer facilement et rapidement. L’éventualité de le rendre obligatoire est renvoyée à plus tard. C’est dommage, en effet. Cet étiquetage sera mis en place par les fabricants volontaires. Cela veut dire qu’il mettra plus de temps à s’imposer. Mais ce n’est pas forcément rédhibitoire. Il suffit de voir ce qui se passe avec le Nutri-Score, sur les produits alimentaires : il s’impose doucement, sans être obligatoire. ·
Mais c’est un système qui existe déjà pour certains produits ? C’est même une initiative de 60 Millions de consommateurs. Il y a une différence entre le projet de la ministre et le Ménag’Score que vous avez mis en place en 2019 ?
Oui, on défend nous-mêmes fait un tel étiquetage simplifié pour les produits d’entretien depuis deux ans. Nos experts, les ingénieurs du Centre d’essais de l’institut national de la consommation, ont mis au point une échelle d’évaluation – on l’a appelé le Ménag’Score, et cela correspond tout à fait à ce qui est envisagé aujourd’hui par le gouvernement. On l’utilise désormais dans les essais comparatifs de produits ménagers que l’on publie régulièrement.
Quels types d’ingrédients peuvent conduire à pénaliser certains produits que vous analysez ?
On peut citer quelques exemples de substances qui peuvent conduire à un mauvais score. Il y a par exemple des molécules de la famille des thiazolinones : elles sont utilisées comme conservateurs, mais elles sont fortement allergisantes. Certains ingrédients de la famille des silicones pèsent aussi sur l’évaluation, parce qu’ils sont toxiques pour les milieux aquatiques.
Donc, la seule présence de ces ingrédients suffit à rendre risquée l’utilisation du produit ?
Non, dans l’évaluation que font nos experts avec le Ménag’Score, c’est une évaluation globale de risque toxicologique. On prend aussi en compte la concentration de l’ingrédient, la forme du produit (selon qu’il s’agisse d’un produit liquide ou d’un aérosol, ce n’est pas pareil…) ou encore l’éventuel effet cumulatif pour des ingrédients qui sont très présents dans les produits de consommation.
Justement, à la lueur de ce que vous avez retenu depuis deux ans, quels sont les enseignements du Ménag’Score ?
D’abord, qu’il est difficile de se fier à une marque pour choisir les produits les moins problématiques. Par exemple, dans l’une de nos études en 2019, pour une même marque, on avait un bloc WC qui était classé A, donc la meilleure note sur notre Ménag’Score, et un gel WC qui était classé D, donc mal classé.
Autre enseignement : les produits très performants sont parfois très mal notés sur le plan de la toxicité. On l’a mis en évidence notamment dans un test de lessives , où les marques qui avaient la meilleure efficacité de lavage, vérifiée par nos tests, ont dû être rétrogradées en raison d’un très mauvais Ménag’Score (elles étaient classées E).
Les consommateurs sont friands de ce type de notation ? C’est quelque chose qui guide leurs achats ou pas ?
Oui, on voit par exemple avec le Nutri-Score, que c’est un élément dont on discute parfois dans les familles, pour savoir ce qu’il faut acheter. Certains fabricants font évoluer leurs recettes pour pouvoir afficher un meilleur score. Donc oui, ce type de notation compréhensible au premier coup d’œil est utile. Cela répond à un besoin de clarté et de transparence des consommateurs, qui veulent être mieux informés sur l’impact pour la santé et pour l’environnement de ce qu’ils achètent.
À votre avis, quand verrons-nous apparaître ce "Toxiscore " ?
La ministre de l’Écologie a évoqué 2022. Il y a une volonté politique de ne pas trop tarder sur ce dossier. C’est bien. Est-ce que c’est trop optimiste ? Tout dépendra du volontarisme des fabricants. Après les études que nous avons publiées à 60 Millions de consommateurs, certains nous ont contacté et sont désireux d’afficher un tel score. S’il y a une émulation entre fabricants, courant ou fin 2022, oui c’est possible pour les premiers produits affichant ce nouveau score sur les emballages.
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