Eau en bouteille ou eau du robinet, à laquelle se fier ?

Eau en bouteille, eau du robinet, une nouvelle enquête du magazine "60 Millions de consommateurs" ce mois-ci. Les Français achètent 8 milliards de bouteilles d’eau par an. Décryptage avec Patricia Chairopoulos,
Article rédigé par Catherine Pottier, Ersin Leibowitch
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Enquête du mensuel de l'INC sur la qualité de l’eau que nous buvons chaque jour. (Illustration) (SWISSMEDIAVISION / E+ / GETTY IMAGES)

Il y a deux mois, franceinfo révélait les conclusions d’un rapport de l’ANSES sur la qualité sanitaire des eaux du groupe NESTLE. Les experts notaient un niveau de confiance insuffisant, en raison de contaminations microbiologiques régulières, et l’utilisation de traitements de purification illicites. Peut-on encore se fier aux eaux en bouteille ? 

La journaliste Patricia Chairopoulos, ce mois-ci dans 60 Millions de consommateurs, consacre un long article sur la qualité de l’eau que nous buvons chaque jour. 

franceinfo : Peut-on vraiment dire que l’eau en bouteille est moins polluée que l’eau du robinet ? 

Patricia Chairopoulos : Pas forcément ! Un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), remis au ministère de la Santé mi-2023, pointait le non-respect de la qualité des eaux du groupe Nestlé Waters (Perrier, Contrex, Vittel, Hépar…). En cause : des contaminations microbiologiques régulières (bactéries coliformes, Escherichia coli, entérocoques) sur de nombreux puits, la présence de per et polyfluoroalkylés (PFAS), ou encore de résidus de pesticides.  

Cela veut dire que l’eau minérale ou l’eau de source que l’on achète n’est pas forcément naturelle ? Qu’elle est parfois traitée elle aussi ? 

On peut le dire, du moins pour certaines marques. Un autre rapport, cette fois de l’Inspection générale des Affaires sociales, a montré qu’environ 30% des marques d’eaux en bouteille subissaient des traitements de purification strictement interdits, tels que des filtres à charbon actif. 

Et l’eau du robinet ? On dit parfois que ses qualités sont meilleures que l’eau en bouteille ? 

De fait, elle est très contrôlée. Mais elle est aussi plus exposée à diverses contaminations liées aux activités industrielles et agricoles, à proximité des zones de captage. C’est pour cela que les Agences régionales de santé veillent à une multitude critères ; il y a par exemple 200 à 300 pesticides et métabolites obligatoirement recherchés, auxquelles peuvent s’ajouter d’autres polluants, selon les activités agricoles locales, les quantités de pesticides vendues, etc. 

Quelles sont les contaminations les plus fréquentes et les plus dangereuses pour la santé ? 

Dans l’eau du robinet, on a rarement affaire à des contaminations bactériologiques, puisque l’eau est chlorée, avant sa distribution dans le réseau. Le problème majeur tient surtout aux contaminants que l’on ne connaît pas encore, donc qui ne sont pas recherchés.

C’est le cas de produits de dégradation de certains pesticides, dont on ignore la dangerosité ou encore des polluants éternels, c’est-à-dire des perfluorés. À certains endroits, notamment dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, on dépassait le seuil de normalité (0,1 microgramme/litre) pour la somme des 20 PFAS retenus par l’Europe, pour leur forte probabilité d’être retrouvés dans l’eau, et de s’accumuler dans les organismes. 

Mais quelle est l’autorité de contrôle ? Comment ça se passe ? 

Ce sont les Agences régionales de santé qui gèrent les listes de molécules à rechercher, et chaque opérateur est tenu de mener des contrôles réguliers. De leur côté, les agences font des prélèvements ponctuels, et en particulier, sur des zones réputées à risque, par exemple à forte activité industrielle. 

Mais quand une eau est contaminée, est-ce qu’elle redevient vraiment potable après traitement ? 

Déjà, une eau peut être classée "non conforme" pendant quelques jours, à la suite d'un seuil réglementaire dépassé, mais pas non potable, au sens sanitaire. Cela étant, les stations sont équipées de systèmes de filtration complexes, à base de charbon actif ou d’osmoseur inverse, efficaces à retenir les pesticides classiques… Mais pas toujours les micropolluants tels que les métabolites, plus petits. Les gros producteurs ont les moyens de s’équiper en systèmes plus performants, comme le traitement nano membranaire. 

Mais ces traitements coûtent cher… Est-ce que toutes les usines de production se valent ? En milieu rural par exemple, est-ce que les structures existent ? 

Et non. En milieu rural, les moyens financiers sont souvent plus faibles, et on peut craindre une qualité de l’eau du robinet à deux vitesses.

Dernière chose, on parle de plus en plus des moyens disponibles à domicile pour filtrer l’eau du robinet et améliorer sa qualité, les carafes filtrantes par exemple, est-ce fiable ? 

Oui, pour retenir le chlore, et donc ôter le goût parfois désagréable de l’eau du robinet, ainsi qu’une petite partie des ions responsables de la formation du calcaire et aussi, certains métaux comme le plomb. Mais aucune étude récente n’a permis d’évaluer leur efficacité pour les polluants comme les pesticides, résidus de médicament, perfluorés, etc.  

 

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