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Violences faites aux femmes : la situation en Turquie, au Royaume-Uni et aux États-Unis

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Jeudi, direction la Turquie, qui a quitté la Convention d'Istanbul censée prévenir les violences sexistes. Et le Royaume-Uni et les États-Unis, où perdure le mariage des enfants.

Article rédigé par franceinfo - Anne Andlauer, Richard Place et Loïc Loury
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Une manifestation durant la journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes à Istanbul le 25 novembre 2021. (YASIN AKGUL / AFP)

Jeudi 25 novembre marque la journée contre les violences faites aux femmes. En Turquie, pour les ONG féministes qui manifestent, ce 25 novembre a une importance particulière. Depuis le 1er juillet, le pays n’est plus membre de la Convention d’Istanbul, traité du Conseil de l’Europe et premier texte au monde qui contraint les États à protéger les femmes. Au Royaume-Uni, une loi veut interdire le mariage avant 18 ans tandis qu'aux États-Unis, les adolescents voire les enfants peuvent se marier dans de nombreux États.

En Turquie, les femmes fragilisées par l'abandon de la Convention d’Istanbul

En Turquie, pour les ONG et pour les victimes, la dénonciation de la Convention d’Istanbul qui réprime les violences faites aux femmes reste un coup dur et une grande source d’inquiétude. Les associations qui luttent contre ces violences continuent de brandir un slogan, "Nous ferons vivre la Convention d’Istanbul". Cela ne veut pas dire qu’elles espèrent que le président Erdogan changera d’avis. Ce dernier a redit il y a quelques jours que la Convention était enterrée du point de vue de la Turquie. Mais les féministes promettent de continuer à réclamer toutes les mesures détaillées dans cette Convention, qui est extrêmement complète et oblige les États à s’attaquer autant aux violences et aux conséquences des violences contre les femmes, qu’aux causes profondes de ces violences.

Moins que les lois, c’est surtout leur application que dénoncent les féministes turques. Car même sans la convention d’Istanbul, la Turquie est toujours censée appliquer son droit interne, en l’occurrence la "loi de prévention contre les violences faites aux femmes", adoptée en 2012 précisément pour transposer la Convention dans le droit turc. Or les mentalités mettent du temps à changer. On trouve toujours des juges turcs qui font preuve d’indulgence à l’égard des agresseurs ou des meurtriers de femmes, des policiers qui font preuve d’indifférence face à celles qui ont le courage de porter plainte. Et le retrait de la Turquie de la convention n’a évidemment pas aidé à faire évoluer les mentalités. Depuis le début de l’année, selon un décompte non officiel, plus de 350 femmes ont été tuées par un homme en Turquie.

Au Royaume-Uni, la lutte contre les mariages forcés

Le Parlement britannique planche actuellement sur un projet de loi pour interdire les mariages avant 18 ans. Pour l’heure, il est possible de convoler à partir de 16 ans, il suffit de l’assentiment des parents. C’est un premier pas mais ça ne suffira pas à régler le problème.
 
Il y a plus de 1 300 mariages forcés chaque année. Cette statistique prouve une réalité effrayante : d’après les associations qui travaillent sur le sujet, le nombre est beaucoup plus élevé. Mais puisqu’il faut se fier aux chiffres officiels, on constate également qu’un quart de ces unions sous la contrainte concernent des mineurs.

C’est le cas de Bridget Hall. Cet été, elle a créé la sensation dans le pays en dévoilant son histoire. Un récit vu des millions de fois. Issue de la communauté des gens du voyage, elle a été mariée de force à un adolescent de son âge. C’est sur le réseau social TikTok que cette influenceuse a raconté ce qu’elle décrit comme la pire journée de sa vie. "Je ne savais pas que j’allais me marier jusqu’au matin de mes 16 ans. À mon réveil, il y avait une grande robe de mariée toute blanche. On m’a forcée à me marier", explique-t-elle. Aujourd’hui divorcée, elle explique qu’elle ne se sentait absolument pas prête à ce mariage. Emportée par la tradition, les obligations. Sans jamais penser à elle.
 
S’attaquer à ce problème, c’est aller au cœur de communautés, de traditions et ce n’est pas simple. D’ailleurs, c'est ce que Natasha Rattu constate quotidiennement. Elle dirige une association qui vient en aide à ces mariés de force, très majoritairement des femmes. Sur SkyNews, elle reconnaît la difficulté d’enquêter sur le sujet. "Un grand nombre de cas se produisent dans des communautés minoritaires, ce qui fait que les professionnels ont peur de s'y attaquer. De ce fait, il y a une forme de normalisation", explique-t-elle.

Une tâche délicate. D’autant plus que nombre de ces mariages forcés sont uniquement religieux, sans existence légale. Il faut donc parfois aller percer des secrets enfouis dans des communautés fermées.
 

Aux Etats-Unis, le mariage des adolescents, voire des enfants légal dans de nombreux États 

Aux États-Unis, ces unions d'adolescents voire d'enfants sont de moins en moins fréquentes mais la pratique n’est pas abolie pour autant dans l'écrasante majorité des États.

Sur la période qui va de 2000 à 2018, selon une étude récente, près de 300 000 mineurs de moins de 18 ans ont ainsi été mariés aux États-Unis. Pour la grosse majorité, ce sont des adolescentes de 16 et 17 ans qui sont unies à des hommes plus âgés. Mais la situation concerne aussi des enfants de 10 ans à peine.
Dans la plupart des États américains, c’est pourtant bien la limite des 18 ans qui est la norme. Sauf que des dispositions juridiques permettent le mariage des jeunes, notamment via une simple signature des parents (ou consentement rime avec coercition). Quatre États conservent aussi des lois spécifiques autorisant le mariage des adolescentes et jeunes filles lorsqu’elles sont enceintes.

La situation est toutefois en train de s’améliorer. Quasiment chaque année, le nombre de mineurs mariés diminue : 75 000 en 2000, 2 500 en 2018. Ce n’est pas grâce aux autorités puisque malgré de nouvelles lois depuis quelques années dans une poignée d’Etats, le mariage des enfants reste légal dans 44 des 50 États américains. Un comble pour un pays qui l’an dernier dénonçait le mariage des enfants dans d’autres pays comme une "violation des droits humains qui contribue aux difficultés économiques". La fondatrice de l’ONG Unchained at Last (enfin libéré), interrogée par le magazine Elle, évoque le secret "le plus sale et le mieux gardé d’Amérique". 

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