La réforme des retraites en Espagne et en Turquie
Alors que le gouvernement français a décidé jeudi 16 mars de se passer d'un dernier vote à l'Assemblée nationale pour faire passer sa réforme des retraites, en utilisant l'article 49.3 de la Constitution, le sujet fait aussi l'actualité en Espagne et en Turquie.
En Espagne, une réforme pour augmenter la contribution des plus riches
Après des mois de négociation, le gouvernement de gauche au pouvoir en Espagne a conclu le 10 mars un accord sur une réforme du mode de calcul des pensions de retraite. Exigé par Bruxelles, en échange de la quatrième tranche des fonds du plan de relance européen post-Covid, il va mettre davantage à contribution les revenus les plus élevés.
Cette réforme, clé pour le gouvernement de Pedro Sánchez, a fait couler beaucoup d’encre. En novembre 2021, il avait déjà annoncé un accord sur la hausse des cotisations, sans report de l’âge légal de départ à la retraite, qui doit passer à 67 ans en 2027. Mais il restait un point crucial, source de discorde entre les socialistes et leurs partenaires de Unidas Podemos : la période de travail prise en compte pour le calcul des retraites. Finalement, le système retenu prévoit que le montant des pensions reste calculé sur la base des 25 ou 29 dernières années cotisées, en excluant les deux moins bonnes. Et le retraité va pouvoir choisir l’option la plus avantageuse pour lui.
Mais cette réforme vise aussi à augmenter les recettes. Au lieu de baisser les pensions ou de repousser encore davantage l’âge légal, l’Espagne a donc décidé d'augmenter la contribution des revenus les plus élevés. Le ministre espagnol de la Sécurité sociale, José Luis Escrivá, a salué cet accord, qui a reçu le feu vert de Bruxelles : "Il s’agit d’une réforme historique, d’une pertinence extraordinaire. Il suffit de penser au nombre de personnes positivement touchées : 11 millions de retraités et tous ceux qui, plus tard, c’est-à-dire la grande majorité des personnes sur le marché du travail à l’heure actuelle, seront des retraités. Et surtout, nous donnons ainsi aux jeunes une référence à moyen et long terme", a-t-il déclaré.
"Non seulement nous rendons le système absolument robuste et durable, mais nous le faisons avec des éléments très puissants d’équité intergénérationnelle."
José Luis Escrivá, ministre de la Sécurité sociale en Espagnesur franceinfo
Les deux principaux syndicats de salariés, UGT et Commissions ouvrières, ont signé ce mercredi 15 mars un accord, qualifié d'historique, avec le gouvernement de Pedro Sánchez. De leur côté, la CEOE, - la principale organisation patronale - et les partis de droite, dont le PP, rejettent frontalement cette réforme. Ils estiment qu'elle se fait aux dépens des entreprises et des salariés. Le Conseil des ministres a approuvé jeudi 16 mars le texte, qui sera ensuite débattu au Parlement. Les partenaires gouvernementaux devraient normalement apporter leur soutien.
En Turquie, un texte approuvé par la population
En Turquie, la situation est atypique : la récente réforme des retraites, actée en décembre 2022, est populaire. Grâce à elle, le gouvernement espère pouvoir gagner des voix lors des prochaines élections. Si le texte est validé par la population, c'est parce que le président Recep Tayyip Erdoğan a aboli l’âge légal de départ, fixé à 58 ans pour les femmes et à 60 ans pour les hommes.
De nombreux actifs, qui avaient commencé à travailler jeunes et qui remplissaient les conditions de départ à la retraite - avoir cotisé 20 ans pour les femmes, 25 ans pour les hommes - ne pouvaient pourtant pas y prétendre, coincés par l’âge légal. Recep Tayyip Erdoğan a donc souhaité leur tendre la main : "Avec la réforme que nous vous offrons aujourd’hui, ce sont environ 2,25 millions de nos concitoyens qui gagnent le droit de partir à la retraite. Aucun âge légal ne leur sera imposé", avait affirmé le chef d'État. Des millions de salariés, cinq au total, qui sont autant d’électeurs potentiels supplémentaires. Les premières pensions seront versées en avril 2023, soit un mois avant les élections.
Juste après l'annonce du président Erdogan, 700 000 personnes concernées se sont manifestées auprès des services de sécurité sociale, les guichets auxquels il faut se signaler, créant un véritable engorgement. Une ruée telle que les employés se sont plaints, contraints de faire des heures supplémentaires.
Une filière spéciale, baptisée VIP selon la presse d’opposition, a même été créée. Plus rapide, elle permet de faire enregistrer ses droits et est réservée aux proches du pouvoir. Le niveau des pensions, lui, n’est pas extraordinaire. La retraite minimum, fixée à 5 500 livres turques - soit environ 280 euros - est inférieure au salaire minimum. En moyenne elle est d’un peu moins de 450 euros.
Le gouvernement chiffre la mesure à 150 milliards de livres, contre deux voire trois fois plus selon des économistes indépendants. Cela représente 10% du budget de la Turquie. L’opposition, quant à elle, accuse le pouvoir de vider les caisses et d’endetter l’État pour gagner des voix.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.