Pourquoi la Chine et la Russie sont soupçonnées d'ingérences numériques
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction la Chine et la Russie, deux pays soupçonnés d'être à l'origine d'ingérences numériques.
Comment lutter contre les manipulations de l'opinion venues de l'étranger ? En vue de la campagne présidentielle, le gouvernement français vient de créer l’agence Viginum. Sa mission est de surveiller les réseaux sociaux à la recherche de fake news ou de tentatives de piratage. Plusieurs pays sont dans la ligne de mire, notamment la Russie et la Chine.
Des capacités chinoises gigantesques
On estime à deux millions le nombre de ces petits soldats de l’informatique au service du gouvernement chinois. Une étude américaine menée par l’université de Stanford estime que la moitié d’entre eux sont directement au service du gouvernement, les autres sont des mercenaires en quelque sorte que l’on appelle ici les WU MAO, c’est-à-dire les "50 cents", c’est traditionnellement ce qu’ils seraient payés par message postés sur internet. Des messages qui visent à la fois à attaquer les opposants à la Chine sur des sujets comme les droits de l’Homme, Taiwan ou encore Hong Kong mais aussi à poster des fake news. Elles sont particulièrement nombreuses ses fausses nouvelles depuis l’épidémie de Covid-19 et surtout la polémique sur ses origines de Wuhan. En 2020, Twitter a fermé près de 2 millions de faux comptes chinois qui disséminaient de fausses informations sur l’épidémie. C’est donc une force de frappe importante pour la Chine.
Et dans ce domaine, l’armée est aussi mobilisée. La base 311 est le centre nerveux de cette guerre d’influence menée par la Chine. La base est dissimulée derrière l'adresse d'une simple piscine dans la ville de Fuzhou en face de Taiwan. Elle a été créée en 2005 pour centraliser ces opérations de guerre psychologique. On ne connaît ni l’identité de ses dirigeants ni le nombre de soldats de l’internet qui y sont stationnés. On sait simplement qu’elle est une composante de l’armée populaire de libération placée sous le commandement de la force de guerre électronique. Plusieurs missions lui sont attribuées : créer des entreprises écrans pour tenter d’infiltrer des sociétés étrangères, encadrer des hackers rouges au service du Parti communiste chargés d’attaquer les systèmes informatiques et lancer des opérations d’influence sur les réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook.
Selon le renseignement français, la France ne ferait pas partie des cibles prioritaires de Pékin. Seule la Nouvelle-Calédonie, géographiquement plus proche, semble vraiment l'intéresser, dans le but de soutenir les mouvements indépendantistes et ainsi espérer ramener le territoire dans sa zone d’influence du Pacifique. Il faut savoir que le référendum sur l’indépendance est prévu le 12 décembre et que le nickel calédonien intéresse beaucoup les Chinois qui chercheraient via les réseaux sociaux à déstabiliser le scrutin et peser en faveur de l’indépendance ce qui lui permettrait de prendre pied sur le territoire.
La Russie accusée d'ingérence sur des élections et de piratage
La Russie est aussi accusée à de nombreuses reprises de tenter d'influencer les opinions occidentales et d'interférer dans plusieurs élections aux États-Unis et en Europe. L'équivalent de la base 311 en Russie s'appelle unité 26-165 du GRU, le renseignement militaire, ou encore Internet Research Agency... Une mystérieuse organisation basée à Saint-Pétersbourg et derrière laquelle se trouve l'oligarque Evgueni Prigojine, réputé proche de Vladimir Poutine.
Ces organisations sont accusées d'avoir tenté d'influer sur l'élection de Donald Trump en 2016. Le rapport du procureur Mueller avait affirmé que l'État russe s'était immiscé dans la présidentielle américaine. Le Congrès américain a également affirmé qu'il y avait eu des tentatives de manipulation de l'opinion venues de Russie lors de la présidentielle de 2020. Il y aurait eu des ingérences russes lors du débat sur le Brexit en Grande-Bretagne. Et puis, en France, des travaux de chercheurs ont montré que les MacronLeaks en 2017, quand l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron avait été victime d'une fuite de ses emails 48 heures avant le deuxième tour, auraient été orchestrés par des pirates russes. Malgré de nombreux éléments, des preuves, le Kremlin a toujours démenti toute implication dans ces opérations d'intox.
C'est sur un autre terrain aujourd'hui que se concentrent les soupçons des ingérences numériques de la Russie, celui des ransomwares (les rançongiciels en français). Ces piratages informatiques d'ampleur qui voient des entreprises, des services publics rackettés par des pirates qui bloquent leurs systèmes informatiques et leur réclament une forte somme d'argent pour pouvoir retrouver leurs données et leurs applications. Ces derniers mois, ces attaques se sont multipliées, notamment aux États-Unis, visant entre autres un gestionnaire d'oléoduc ou un géant de la viande et menaçant l'approvisionnement des supermarchés.
Ces dernières semaines, Joe Biden a haussé le ton en direction de Moscou en demandant à son homologue Vladimir Poutine de mettre fin à ces attaques venues de Russie bien souvent. À Moscou, le dirigeant d'une société de sécurité informatique russe a publiquement interpellé le Premier ministre en l'accusant de fermer les yeux et de protéger de fait un pirate informatique notoire, qui parade dans les rues de Moscou au volant d'une Lamborghini. Le gouvernement a contesté cette accusation mais en réponse, le dirigeant de la société informatique a été emprisonné. Le message envoyé par le Kremlin était assez clair.
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