Mort de trois soldats américains en Jordanie : la riposte des États-Unis vue de Syrie, d'Irak et de Russie
Les États-Unis ont mené des frappes contre 85 cibles sur quatre sites en Syrie et trois en Irak, visant les Gardiens de la Révolution islamique, armée idéologique de l'Iran, et des groupes armés pro-iraniens, selon Washington. Ces frappes sont une riposte après l'attaque, attribuée par les États-Unis, à des groupes soutenus par l'Iran, contre une de leur base en Jordanie qui a tué trois militaires américains, le 28 janvier.
La Syrie est régulièrement frappée par les États-Unis qui visent les milices pro-iraniennes installées sur le territoire. En Irak, la population craint une escalade de la violence, alors que la Russie a immédiatement dénoncé ces récentes frappes américaines et obtenu une réunion en urgence du Conseil de sécurité de l'ONU le 5 février.
Syrie : les frappes américaines durent depuis des années
Les milices pro-iraniennes installées sur le territoire syrien sont devenues des cibles privilégiées de Washington. D'abord parce qu'elles menacent des intérêts américains, notamment pétroliers, dans la région, mais surtout parce qu'elles s'en prennent directement aux milliers de militaires américains déployés sur place. Fin janvier, trois soldats américains ont été tués à la frontière syro-jordanienne dans une opération menée par l'une de ces milices. Les groupes armés téléguidés par Téhéran sont très nombreux en Syrie, ce sont des alliés de Bachar Al-Assad.
Ces mercenaires, principalement Irakiens et Libanais seraient encore plus de 10 000 aujourd'hui. Ils épaulent le régime dans sa guerre contre les rebelles et contrôlent une bonne partie du territoire. Cette attaque contre des soldats américains a entraîné une riposte musclée de Washington le week-end dernier. L'opération a duré une trentaine de minutes, quatre sites militaires ont été visés et au moins 23 combattants pro-iraniens sont morts dans les frappes.
La crainte d'un embrasement régional
Depuis des années, les États-Unis frappent des positions pro-iraniennes en Syrie. Mais dans le contexte actuel avec la guerre à Gaza, certains craignent que cela déclenche un embrasement régional. Depuis le 7 octobre, les États-Unis ont frappé des bases abritant des Gardiens de la Révolution. Israël, le premier allié de Washington, a tué, fin décembre, le général iranien Razi Moussavi, à Damas. Razi Moussavi était justement en charge de coordonner toutes les factions soutenues par Téhéran dans la région. Ravagée par 13 ans de guerre, la Syrie est devenue l'un des principaux théâtres des affrontements, toujours indirects, entre l'Iran et les États-Unis.
Irak : l’inquiétude prédomine dans le pays
Certains groupes armés irakiens, proches de l’Iran, affirment vouloir continuer à prendre les Américains pour cible et la peur gagne la population. "À n’importe quelle heure, à n’importe quel moment, on peut être attaqué", explique Saif Adnan Kadhem, un vendeur ambulant, à Bagdad.
Des milliers d’Irakiens sont venus de tout le pays dans la capitale pour un pèlerinage en la mémoire de l’imam Moussa al-Kazim et nombreux sont ceux qui s’inquiètent de ce qui pourrait se passer dans les jours à venir. "L’Irak est devenu le lieu pour régler ses comptes. Des gens de l’extérieur viennent résoudre leurs conflits ici et des gens innocents sont tués", déplore Aya. "Ils nous parlent de souveraineté et de sécurité ? Où est la souveraineté ? Où est la sécurité ?", surenchérit Hashem Adnan.
Les Irakiens sont las d’être pris entre deux feux
Le pays est pris en tenaille entre l’Iran et les États-Unis et les Irakiens expliquent la nécessité de faire respecter la souveraineté de l’Irak, après des décennies de guerre. "Les États-Unis doivent se coordonner avec le gouvernement, s’il y a une attaque contre eux, ils doivent éviter les bombardements et passer par les voies diplomatiques", souligne Arkan Taher.
Des discussions sont en cours pour mettre fin au mandat de la coalition internationale contre Daech, que le gouvernement irakien veut voir partir. Une rencontre avec des représentants iraniens a eu lieu, mais en attendant, les Irakiens craignent toujours une escalade de violence.
Russie : le Kremlin obtient une réunion en urgence du Conseil de sécurité de l'ONU
Moscou a immédiatement réagi après les frappes américaines en Syrie et en Irak. Le ministère des Affaires étrangères russes a immédiatement dénoncé ce qu'il considère comme un nouvel acte flagrant d'agression américano-britannique contre des États souverains. Le gouvernement russe estime que les Anglo-Saxons menacent la paix et la sécurité dans le monde et bafouent le droit international. Une rhétorique classique au Kremlin.
La Russie défend ensuite son allié iranien en expliquant que les milices visées ne sont pas liées à Téhéran, mais que l'armée américaine aurait visé des positions de l'armée syrienne qui luttent contre l'État islamique. Le Kremlin accuse Washington d'offrir une protection aux terroristes. L’ambassadeur de Russie auprès des Nations unies estime même que les États-Unis cherchent à enflammer le Moyen-Orient.
Protéger ses alliés et détourner l'attention de l'Ukraine
L'intérêt de la Russie à réclamer une réunion du Conseil de sécurité est double. D'une part la Russie défend ses alliés dans la région, c'est-à-dire le régime syrien que Moscou a soutenu à bout de bras depuis 2015. De l'autre, l'Iran, qui n'a pas toujours été un allié de la Russie, mais les deux pays se sont énormément rapprochés depuis le début de la guerre en Ukraine, frappés tous les deux par des sanctions d'ampleur, et ayant un ennemi commun : les États-Unis.
D'autre part, pour Moscou, le Moyen-Orient est un horizon qui permet de détourner l'attention de la communauté internationale. Plus on en parle et moins on parle de l'Ukraine. Le Kremlin avait déjà instrumentalisé la guerre entre Israël et le Hamas de la même manière, quitte à sacrifier ses relations avec Tel Aviv. Tout ce qui peut permettre d'affirmer que les États-Unis bafouent le droit international permet à Moscou d'imposer sa version des choses à savoir que la Russie se bat en Ukraine contre l'hégémonie occidentale et pour sa propre sauvegarde.
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