Migrants : quelle situation au Liban et en Tunisie
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction le Liban et la Tunisie, deux portes de sorties vers l'Europe, pour de nombreux migrants.
Les circonstances du naufrage du navire qui a coulé samedi 23 avril au large de Tripoli sont encore assez floues mais ce nouveau drame, au moins une dizaine de morts selon un bilan provisoire, provoque un regain de tension au Liban car les habitants de ce pays du Proche-Orient sont actuellement poussés à l’exil en raison l’effondrement de l'économie. La Tunisie est elle aussi confrontée à de nombreux naufrages, même si, selon les autorités, une centaine de personnes ont été sauvées, la semaine dernière.
Au Liban, émotion et colère après le naufrage d’un bateau de migrants
Selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés au moins 84 personnes étaient à bord de l'embarcation qui a coulé samedi, provoquant la mort d’au moins une dizaine de personnes. Ce bilan provisoire risque malheureusement d’être encore plus dramatique car si 48 passagers ont été secourus et huit corps repêchés, il y a toujours une trentaine de disparus.
Les circonstances du naufrage sont encore assez floues. Le bateau a coulé au large de Tripoli, la grande ville du nord du Liban, proche de la frontière avec la Syrie. C’est une ville extrêmement pauvre. Et c’est une région où il y a régulièrement des départs de migrants, ou des tentatives de départs car la marine libanaise est déployée pour les empêcher. D’après l’armée libanaise, ce bateau qui transportait près de 80 personnes avait été construit en 1974, soit quasiment 50 ans ! Il mesurait 10 mètres de long sur trois de large. Surchargé donc. Il a coulé après avoir percuté une vedette militaire qui le pourchassait. Une enquête a été ouverte pour faire toute la lumière sur ce drame.
C’est loin d’être le premier départ de migrants depuis les côtes libanaises mais ce naufrage-là a provoqué des réactions de colère dans le pays. Ces dernières années, les migrants qui tentaient la traversée vers Chypre, à 170 kilomètres seulement des côtes libanaises étaient des réfugiés syriens ou palestiniens. Mais sur le bateau qui a coulé samedi soir, la majorité des candidats au voyage étaient Libanais. Des Libanais poussés à l’exil par l’effondrement économique et financier du pays, par l’inertie de la classe politique clientéliste et corrompue. Après deux ans et demi de crise, les trois quarts des Libanais ont basculé sous le seuil de pauvreté.
Ce drame a donc réveillé la colère avec des scènes d’émeutes, des routes coupées et même des tirs dans les quartiers les plus pauvres de Tripoli. À Beyrouth, une manifestation a eu lieu devant le domicile du Premier ministre, lui-même originaire de Tripoli et parmi les hommes les plus riches du monde. Ailleurs au Liban, des convois ou rassemblements ont été organisés pour dénoncer la responsabilité des dirigeants politiques. Enfin, à Beyrouth, un ministre a été pris à parti et bousculé à la sortie d'un bar, accusé d'être ivre quand des Libanais meurent pour fuir un pays en ruine.
À 15 jours des élections législatives, les autorités se sont agitées toute la semaine pour désamorcer la tension programmant une réunion extraordinaire du gouvernement. L’état-major militaire a été convoqué. Les autorités ont également promis une enquête contradictoire et le déblocage de fonds pour les familles de victimes.
En Tunisie, la question migratoire toujours d’actualité
Les autorités ont déclaré avoir sauvé 97 personnes dans quatre naufrages qui ont eu lieu la semaine passée. Dix-sept ont péri. La majorité des migrants sont d’origine subsaharienne. Des ONG comme le Forum des droits économiques et sociaux (FTDES) ont remarqué une recrudescence des candidats à l’exil d’origine Subsaharienne dans les sauvetages en mer et les tentatives de migration avortées. Cela peut être expliqué par plusieurs facteurs. Tout d’abord la Tunisie est rarement une terre d’accueil pour ces Subsahariens qui viennent souvent travailler deux ou trois ans dans le pays afin de payer une traversée vers l’Europe. Deuxièmement, avec la pandémie, ces travailleurs, pour la plupart journaliers et sans filet de protection sociale, ont vu leur situation empirer et n’envisagent pas, après le pic de la période Covid, leur avenir en Tunisie même provisoirement.
Des problèmes de racisme et de mauvais traitements demeurent. La Tunisie a voté une loi en 2018 qui définit le racisme et qui lutte contre les discriminations raciales mais beaucoup de ces migrants ont peur de porter plainte n’ayant pas les papiers en règle et encore moins les moyens de se payer un avocat. Mais tous font part de comportements et de remarques racistes dans le travail ou dans la rue. Globalement, comme le pays n’a pas de loi sur l’asile ou de loi qui réglemente davantage le statut des travailleurs étrangers, la plupart des migrants ont beaucoup de mal à s’intégrer et donc se sentent en partie exclus de la société.
Depuis 10 jours des réfugiés organisent un sit-in devant le siège du HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés) à Tunis. Ce sont pour la plupart des rescapés en mer ou des migrants arrivés de Libye. D’origine Soudanaise, Tchadienne ou encore Nigériane, ils ont fait une demande d’asile auprès du HCR et ont obtenu pour certains le statut de réfugié. Mais en raison des restrictions financières du HCR, il leur est demandé de quitter les logements mis à disposition pour les personnes vulnérables. Depuis ces réfugiés sont dans une impasse. Ils n’ont nulle part où aller, ne veulent ou ne peuvent pas travailler dans les conditions qu’on leur propose et demandent a être évacués dans un autre pays. Le HCR dit ne pas pouvoir procéder à ce genre d’évacuation humanitaire qui ne se fait que dans un pays de tension extrême, ni pouvoir réinstaller facilement ces migrants dans un autre pays. Ce phénomène risque de prendre de l’ampleur avec l’amélioration de la météo et la reprise des départs en mer.
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