"Métiers en tension" et immigration : comment font le Canada et l'Australie ?
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Dans son projet de loi sur l'immigration, dont les contours ont été dévoilés mercredi 2 novembre, le gouvernement français envisage un titre de séjour "métiers en tension". Il permettrait de régulariser des travailleurs sans-papiers, déjà présents en France et qui évoluent dans des secteurs en manque de main d'œuvre. Direction le Canada et l'Australie où ces deux pays ont adopté ce modèle d’immigration de travail il y a déjà des décennies, l’Australie et le Canada.
En Australie, une immigration qualifiée privilégiée
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Australie instaure une première politique migratoire. Au sortir de la Guerre, il y a 7 millions d’habitants en Australie et on croit alors qu’on a échappé de peu à une invasion japonaise. Les autorités de l’époque décident donc de lancer une politique d’immigration massive, qui sera baptisée : “Peupler ou périr”. Elle s’adresse à tous les ressortissants européens et du Commonwealth et les seules conditions à remplir, c’est qu’il faut être en bonne santé et avoir moins de 45 ans. Ce n’est en fait que dans les années 1980, qu’apparaissent les premières exigences en matière professionnelle, la maîtrise de l’anglais d’abord, un certain niveau de diplôme ou de qualification et puis la création d’une liste, très précise, de professions recherchées. Elle est très régulièrement actualisée et dans sa dernière mouture, il y a 674 métiers recherchés, la liste n’a jamais été aussi longue. On y trouve un peu de tout : chirurgien, économiste, prof de plongée, ingénieur, gardien de zoo mais aussi footballeur, joueur de golf et plus étonnant encore, parlementaire.
Ce système fonctionne plus ou moins. Certains chefs d’entreprise, surtout dans la période actuelle, où l’Australie est frappée par une pénurie généralisée de main d’œuvre voudraient la supprimer car ils trouvent que cette liste est trop restrictive et surtout qu’elle est trop rigide et ne permet donc pas de répondre à temps à leurs besoins. En revanche, le principe de privilégier l’immigration qualifiée n’est lui absolument pas contesté. Avant le Covid-19, cette filière représentait 70% des visas délivrés, contre 30% pour l’immigration humanitaire et familiale, que le gouvernement fait tout pour limiter au maximum. Ainsi pour obtenir un "partner visa", auquel les personnes qui sont mariées à un citoyen australien sont éligibles, il faudra payer 5 000 euros. Le même titre de séjour en France, coûte 225 euros.
C’est donc un système strict mais qui accueille pourtant beaucoup de monde. En Australie, 30% de la population est née à l’étranger. Car il est prouvé que l’impact de l’immigration est largement positif: les immigrés en Australie sont plus diplômés et qualifiés que la moyenne, ils rapportent plus qu’ils ne coutent à l’Etat, ils créent des emplois et boostent la croissance économique. C’est la raison pour laquelle les quotas d’immigration vont être relevés de plus de 20% en 2023.
Au Canada, une "immigration choisie" pour relancer l’économie
Pays d’immigration depuis plusieurs siècles, le Canada entend amplifier encore cette tendance et faire des nouveaux arrivants, comme on les appelle là-bas, le moteur de sa croissance économique et démographique. Une immigration choisie sur la base des compétences professionnelles et de l’éducation depuis 1967.
Les citoyens nés ailleurs dans cet immense pays ont une importance énorme. Huit habitants de Toronto sur dix, la plus grande ville canadienne, se définissent comme des immigrants de première ou de seconde génération. À l’échelle du pays, près du quart des Canadiens ont vu le jour ailleurs, soit la proportion la plus élevée du G7. Près de 60% des nouveaux arrivants, qui viennent en grande partie d’Asie, sont sélectionnés à partir d’une grille de points. Elle comptabilise notamment leur expérience professionnelle, leurs diplômes, mais aussi le nombre de leurs enfants. Autant que possible, il s’agit d’attirer du personnel qualifié dans des métiers en demande, comme les professions de la santé, les technologies de l’information, les métiers techniques. D'ici trois ans, le gouvernement canadien espère recruter 1,5 million de personnes. Un élément essentiel pour relancer l’économie et maintenir la croissance démographique d’une société canadienne vieillissante.
Autant de nouveaux venus dans un pays qui compte 38 millions de personnes risquent de changer la composition démographique du Canada. Surtout dans les principales villes du pays où les nouveaux arrivants pourraient devenir majoritaires, par rapport aux habitants établis dans le pays depuis plusieurs générations. Cet apport de population venue d’ailleurs accentue aussi le déclin des francophones au sein, de la fédération canadienne. En partie notamment parce que le Québec, où la langue officielle est le français, prend le contre-pied d’un recrutement massif d’étrangers. Le gouvernement actuel prévoit accueillir seulement 50000 immigrants par an, soit 10% de la cible canadienne. Les autorités de cette province veulent en effet préserver sa culture francophone et s’assurer que les nouveaux arrivants s’intègrent bien à leur société d’accueil. Cette façon de faire va donc avoir pour effet de baisser la proportion de Québécois au sein du Canada. Et de réduire par conséquent leur poids politique.
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