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Réseaux d'influence chinois : la Suède et Taïwan, parmi les premières cibles de la Chine

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction Taïwan et la Suède, deux pays visés par de multiples opérations de désinformation la part de la Chine.

Article rédigé par franceinfo - Anne-Françoise Hivert et Adrien Simorre
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le drapeau chinois, le 2 juillet 2015. (SEBASTIEN JARRY / MAXPPP)

L’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem) a publié lundi 20 septembre un rapport baptisé "Les opérations d'influence chinoises : un moment machiavélien". Les auteurs y pointent des opérations de désinformation menées par Pékin, notamment à Taïwan et en Suède.

Taïwan, cible n°1 de la désinformation chinoise

Le rapport de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem), sur le gigantesque réseau d'influence chinois dans le monde, consacre une partie importante à Taïwan, pays démocratique de 24 millions d’habitants revendiqué par Pékin. Selon les auteurs de ce rapport, Taïwan serait un "laboratoire de la stratégie d’influence" chinoise.

Ils pointent la diffusion de fausses informations dans le but d'affaiblir la démocratie taïwanaise et résigner les Taïwanais à accepter l’annexion chinoise. Le schéma est le suivant : les médias d’État chinois publient dans un premier temps un faux contenu qui est ensuite repris par l’intermédiaire de faux comptes sur les réseaux sociaux taïwanais. Enfin, les médias taïwanais reprennent cette information, sans la vérifier. Ainsi, au bout du compte, le lecteur ne connaît plus l'origine de la nouvelle. 

Puis, comme ailleurs, la Chine utilise à Taïwan un levier économique. Un exemple très parlant est celui des célébrités taïwanaises, beaucoup d’entre elles font carrière en Chine, où le marché est beaucoup plus important qu’à Taïwan. Les autorités chinoises n’hésitent donc pas à faire pression sur elles, afin qu’elles deviennent des porte-voix du Parti communiste chinois.

Néanmoins, selon le rapport de l'Irsem, cette stratégie ne s'avère pas si payante. Elle serait même contre-productive. Malgré les efforts de Pékin, à peine 1,5% des Taïwanais sont favorables à une annexion chinoise. Mais comme l’observent les auteurs du rapport, la Chine s’adapte et fait évoluer sa stratégie : par exemple en axant désormais ses fausses informations sur le domaine militaire pour faire croire aux Taïwanais qu’une invasion chinoise est inéluctable ou pour fournir des prétextes à une intervention militaire de Pékin.

La Suède, un pays qui intéresse Pékin à plusieurs titres 

Comme ses voisins nordiques, la Suède constitue une porte d’entrée vers l’Arctique et l’Europe. La Chine y a aussi beaucoup investi. Jusqu’en 2018, les relations entre les deux pays étaient plutôt cordiales mais ce n’est plus le cas depuis la nomination par Pékin d'un nouvel ambassadeur à Stockholm. Gui Congyou, un expert de la Russie, n'avait jamais les pieds en Suède avant son arrivée en juin 2017. Depuis il n’arrête pas : critique des médias et de leur couverture de l’actualité chinoise, menaces contre les journalistes, intimidations et provocations en tous genres… Il s'en prend à la Suède, un pays très en pointe sur la défense des valeurs démocratiques, en concurrence avec la Chine dans des secteurs clés. Pékin l’aurait choisi pour y tester sa stratégie de déstabilisation, avant de l’étendre en Europe.

Un incident est assez révélateur de ce changement dans les relations entre Pékin et Stockholm : en janvier 2018, l’éditeur Gui Minhai, naturalisé suédois et très critique du régime de Pékin, a été kidnappé, en Chine, alors qu’il était accompagné de deux diplomates suédois. Il a depuis été condamné à dix ans de prison pour espionnage. En Suède, son arrestation a fait scandale : tribunes, manifestations, mobilisation des intellectuels et députés… Tous demandent sa libération. L’ambassadeur Gui Gongyou enrage. Et c’est dans ce contexte que début septembre 2018, une famille de touristes chinois affirme avoir été violentée par la police stockholmoise. Tout montre qu’il s’agit d’un coup monté. Pourtant, l’ambassadeur s’empare de l’affaire, reprise immédiatement par les médias chinois. Il dénonce une violation des droits de l’homme. Dans la foulée, Pékin publie une alerte sur la Suède : les touristes chinois sont mis en garde contre les risques de vol et d’agression.

Stockholm réagit assez mal à ces coups d’éclat. Si l’objectif était de discrètement déstabiliser le pays scandinave, c’est raté : l’attitude de l’ambassadeur suscite un rejet massif, dans l’opinion publique. Les médias locaux n’hésitent pas à publier des articles très critiques sur la Chine. Il y a même des conséquences économiques et stratégiques importantes, avec la décision suédoise par exemple de boycotter l’équipementier Huawei, et ce malgré les répercussions négatives pour le Suédois Ericsson sur le marché chinois. Si la Suède avait été identifié comme un maillon faible en Europe par Pékin, la stratégie déployée semble avoir eu des effets largement contre-productifs.

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