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L'Afrique est-elle l'oubliée de la campagne de vaccination contre le Covid-19 ?

Dans le Club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se fait ou se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction l'Afrique du Sud, la Tunisie et le Sénégal. 

Article rédigé par franceinfo - Claire Bargelès, Nathanaël Charbonnier, Maurine Mercier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Un test de dépistage du Covid-19 en Afrique-du-Sud, à l'aéroport d'Ekurhuleni, le 30 décembre 2020. (LUCA SOLA / AFP)

En France, l'objectif fixé par le gouvernement est de vacciner un million de personnes contre le Covid-19 d'ici la fin du mois de Janvier. Les stratégies de vaccination ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre. Jeudi 21 janvier, direction l'Afrique du Sud, la Tunisie et le Sénégal pour voir les réponses apportées pour faire face à la pandémie en Afrique. 

Les hôpitaux sont débordés en Afrique du Sud

C'est de là que vient l'un des variants du Covid-19 les plus scrutés, l'Afrique du Sud. C'est le pays le plus touché du continent, la population attend aussi toujours les premières doses de vaccin. Le pays compte désormais au total plus de 1,3 million de cas et 38 000 décès. Et si le deuxième pic de la pandémie semble avoir été dépassé il y a quelques jours, les hôpitaux sont encore débordés par le nombre de patients. Le ministre de la Santé entend vacciner 67% de la population d’ici la fin de l’année. Mais pour l’instant, au niveau des commandes, on en est encore très loin. Le gouvernement a été très critiqué pour la lenteur de sa stratégie vaccinale, malgré les essais cliniques qui se sont déroulés dans le pays. Le problème, c’est que l’Afrique du Sud est à la fois trop riche pour bénéficier des doses gratuites de la plateforme mise en place par l’OMS. Mais elle est aussi trop pauvre pour se permettre d’énormes pré-commandes.

C’est finalement le vaccin AstraZeneca qui devrait faire son entrée en premier dans le pays, avec 1,5 million de doses fabriquées par le Serum Institute, en Inde, et attendues d’ici le mois prochain. De quoi vacciner seulement une partie des soignants. Pour le reste, entre l’achat de doses auprès de la plateforme COVAX, et celles sécurisées par l’Union Africaine, le président Cyril Ramaphosa estime que plus de 20 millions de doses sont garanties. C’est donc encore très loin des quantités nécessaires pour administrer deux doses à quelque 40 millions de sud-africains, soit le nombre de personnes défini par le ministre de la santé pour atteindre l’immunité collective. Sans compter qu’on ne sait pas encore exactement comment le variant découvert dans le pays réagira face aux vaccins. Pour l’instant, les scientifiques n’ont en effet aucune certitude. Des tests sont en cours pour savoir si l’efficacité des vaccins pourrait être réduite face à ce variant. Découvert en octobre dernier, il représente désormais la majorité des nouveaux cas détectés ici. Pour l’heure le gouvernement n’entend pas reculer dans sa stratégie, mais si les résultats des tests prouvent une moindre efficacité des vaccins, il faudra les adapter, ce qui pourrait repousser encore un peu plus la campagne de vaccination. Les premiers éléments de réponse sont attendus d’ici quelques semaines.

Le gouvernement tunisien critiqué pour son inaction

En Tunisie, la nouvelle est tombée mercredi, l’enregistrement pour se faire vacciner a débuté. Car on parle bien d'enregistrement concernant la vaccination. La campagne devrait démarrer en février. Mais le ministère de la Santé utilise le conditionnel. Des membres du comité scientifique répliquent que c’est impossible. Et qu’il faudra attendre avril. La Tunisie a signé des accords pour obtenir six millions de doses. Ce qui fait donc trois millions de vaccinés pour ce pays qui compte près de 12 millions d’habitants. Objectif : 120 000 vaccinations par jour. Les vaccins seront gratuits. Libre à chacun de décider s’il veut ou non se faire vacciner. Impossible pour la Tunisie de vacciner l’ensemble de sa population. Elle compte notamment sur le programme COVAX de l’Organisation mondiale de la santé. Elle fournira au moins 360 000 doses, mais c'est bien loin des besoins. Si le gouvernement tente de rassurer, la population reste sceptique. Le gouvernement semble naviguer à vue. Alors que la pandémie sévit plus fort que jamais le pays. "Cette année, nos autorités n’ont pas été fichues de réussir à commander suffisamment de vaccins contre la grippe saisonnière, imaginez pour le Covid" résument les Tunisiens. Les commentaires sont sarcastiques. "Nous aurons le vaccin lorsque l’épidémie aura disparu" pronostiquent les plus optimistes parmi la population. Le gouvernement a perdu toute crédibilité en ouvrant prématurément ses frontières cet été. Aujourd’hui, la situation dans le pays dégénère. Le nombre de cas flambe. Les lits de réanimation manquent. Personne ne croit aux chiffres publiés par le ministère de la Santé. Il y a un vrai problème de confiance entre les Tunisiens et leur gouvernement.

Pas de vaccin avant le mois de mars au Sénégal

Au Sénégal, le pays a enregistré plus de 23 000 cas de Covid-19, plus de 19 000 guéris. Moins de 550 décès ont été recensés. Les autorités craignent une nouvelle vague. Elles ont donc remis en place un couvre-feu la nuit, et préparent déjà la suite mais elles doivent s’armer de patience. Au Sénégal, on prépare l’arrivée des vaccins mais avec une donnée importante: ils ne devraient pas être disponibles avant le mois de mars, c’est à dire dans près de deux mois. Les autorités commencent à communiquer sur le sujet, avec deux pistes de travail qui ont été présentées au président Macky Sall. Comme en Tunisie, le Sénégal compte sur le programme COVAX, lancé notamment par l’OMS, qui rassemble 172 pays. Il a pour but de garantir un accès équitable des vaccins une fois qu’ils sont fabriqués et autorisés. Les autorités attendent que le programme réponde à ses promesses de répartir les doses partout sur la planète. Les vaccins Pfizer et Moderna sont concernés. L’autre piste est Chinoise. Des discussions ont commencé pour un premier envoi de 200 000 doses. Des doses que le Sénégal devrait payer si l’on en croit le ministre de la Santé. Une précision importante car un cafouillage avait laissé penser qu’il pouvait s’agir d’un don de la Chine.

Cette course entre vaccins occidentaux et chinois n’est pas anodine. Le souci reste le transport et le stockage des vaccins. Car c’est un pays chaud. Or les vaccins occidentaux demandent une chaîne du froid très particulière à mettre en place. C’est un véritable handicap face aux vaccins chinois fabriqués de façon plus classique et qui ne demandent pas autant de précautions. Un calendrier a déjà été imaginé. Les premiers concernés seront les plus de 60 ans. Les personnes qui présentent des maladies chroniques ou encore les personnes particulièrement exposées au Covid-19, soit plus de 3,5 millions de personnes.

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