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Journalisme : les atteintes à la liberté de la presse en Birmanie et à Hong Kong

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. L'association Reporters sans frontières vient de publier son rapport annuel pour 2021, l'occasion d'aller voir ce qu'il en est à Hong Kong et en Birmanie.

Article rédigé par franceinfo - Juliette Verlin et Florence de Changy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Un militant de Reporter sans frontière devant un drapeau chinois à Berlin, le 25 juin 2021. Photo d'illustration. (TOBIAS SCHWARZ / AFP)

Le rapport annuel de Reporter sans frontières (RSF) a été publié jeudi 16 décembre. Il dresse un bilan du nombre de journalistes détenus, tués, en otage ou disparus, dans le monde. Le rapport de 2021 mentionne un record dans le nombre de journalistes emprisonnés. En tout, 488 journalistes sont derrière les barreaux en 2021. D’après le rapport, c’est principalement le fait de trois régimes dictatoriaux : le Bélarus, en pleine répression après la réélection contestée du président Loukachenko en 2020, la Chine, notamment depuis la vague de répression de Hong Kong, et la Birmanie, puisqu’avant le coup d’État du 1er février, le pays ne détenait que deux journalistes, contre 53 au 1er décembre.

De ce rapport il faut aussi mentionner le nombre record de femmes journalistes détenues. Il y en a un tiers de plus qu’en 2020, soit 60 personnes, dont la lauréate du prix RSF 2021, Zhang Zhan, en Chine. En revanche, on note aussi une baisse du nombre de journalistes tués, passé pour la première fois sous la barre des 50 depuis 2003, et les deux tiers de ces décès sont des assassinats ciblés, et non pas le fruit d’une balle perdue en zone de conflit par exemple.

La Birmanie, l'une des plus grandes prisons de journalistes

La Birmanie rejoint aussi le classement des cinq des plus grandes prisons de journalistes du monde. Depuis le coup d’Etat en Birmanie, les centres de détention et d’interrogation se sont multipliés. Le profil type du journaliste birman emprisonné est un homme, reporter de terrain plutôt que membre du staff, et qui travaille dans une grande ville, Rangoun en tête. Pendant les premiers mois du coup d'État, quand les manifestations se sont transformées en guerres de tranchée dans rues, les journalistes se faisaient arrêter lors d’une charge de police, ou se faisaient repérer pendant la journée et arrêter ensuite à leur domicile. Il est aujourd'hui trop dangereux de manifester, les journalistes sont enlevés chez eux, et parfois alors qu’ils se cachaient en logement sécurisé, comme Sithu Aung Myint et Htet Htet Khine, qui travaillaient entre autre pour BBC media action et le magazine birman anglophone Frontier.

Mardi 14 décembre, on a appris la mort en détention du journaliste indépendant Soe Naing, qui a été arrêté vendredi pendant qu’il prenait des photos du "jour du silence" à Rangoun. Une journée pendant laquelle les habitants ont décidé de paralyser la ville en restant chez eux pour marquer leur opposition au coup d'État. RSF avait d’ailleurs fait un communiqué après l’annonce de sa mort, pour condamner son décès à la suite de ce qu’ils ont nommé "un violent interrogatoire". Effectivement, les centres d’interrogation et de détention en Birmanie sont connus pour être des lieux de torture où plus d’une centaine d’opposants politiques et de civils ont été tués depuis le coup d'État, mais c’est le premier journaliste à y laisser la vie. Il est encore trop tôt pour dire si ce décès marque une nouvelle étape dans la violence de la junte contre les journalistes, mais la nouvelle de sa mort a évidemment secoué la population et le monde des médias.

Hong Kong, la loi de sécurité nationale marque un tournant


Dans la catégorie des pays avec des journalistes en prison, c’est la Chine (en chiffres absolus) qui arrive en tête. Il y a 127 journalistes chinois qui sont actuellement derrière les barreaux. Le bilan de RSF mentionne que la situation de Hong Kong, considéré autrefois comme un modèle pour la liberté de la presse, s’est considérablement dégradée.

Depuis l’adoption de la loi de sécurité nationale, qui est entrée en vigueur le 30 juin 2020, les journalistes ont vraiment perdu la grande liberté dont ils jouissaient jusque-là. Cette liberté n'était pas totale car il y avait tout de même des incidents d’intimidation mais l’adoption de cette loi de sécurité nationale a vraiment marqué un tournant. On est aujourd’hui dans un nouveau contexte où il est en fait interdit de critiquer les autorités centrales, c’est-à-dire le gouvernement chinois. En un an, on a assisté à la fermeture de force du grand journal d’opposition pro-démocratie le Apple Daily, à l’arrestation de plusieurs de ses dirigeants et journalistes, son fondateur Jimmy Lai, est également en prison depuis plus d’un an. D’autres journalistes dans des journaux d’opposition qui existent encore en ligne ont démissionné.

Le service public d’audiovisuel RTHK n’est plus l’ombre de ce qu’il était, et ressemble de plus en plus à un media de propagande. Avec tout cela Hong Kong est tombée de la 18e place du classement de RSF qu’elle occupait au début des années 2000 à la 80e place. Le bilan de RSF rappelle aussi que parmi les journalistes emprisonnés en Chine, 19 sont des femmes. A Hongkong c’est notamment l’une des responsables du Apple Daily, une journaliste très respectée de la profession et comme les deux autres détenues ces trois journalistes sont en détention préventive depuis plusieurs mois en attente de leur procès. En Chine continentale, il y a notamment la journaliste Sofia Huang Xueqin, célèbre pour son implication dans le mouvement local #MeToo en Chine et biensur la journaliste Zhang Zhan dont la vie est menacée selon ses proches. Zhang Zhan avait enquêté sur l’épidémie de Covid-19 dans la province de Wuhan.

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