Intelligence artificielle : des législations peu contraignantes en Australie et au Japon
Les députés européens ont adopté ce mercredi 13 mars des règles pour encadrer les systèmes d'intelligence artificielle (IA), " les premières règles contraignantes et complètes au monde pour une IA fiable", s'est félicité Thierry Breton, le commissaire européen en charge du dossier. Le club des correspondants s'intéresse aux stratégies d'autres pays concernant une technologie que certains considèrent comme étant potentiellement la plus importante avancée depuis la découverte de l'électricité.
En Australie, par exemple, le gouvernement vient de mettre en place un plan d'action pour développer l'IA, avec le moins de barrières possibles et n'envisage pas de voter une loi pour l'encadrer. Tandis que le Japon, que l’on imagine souvent à la pointe des technologies, tente de rattraper son retard en accueillant les géants Américains, avec une réglementation encore moins contraignante.
Australie : la même approche que les États-Unis et le Royaume-Uni
Le gouvernement australien a adopté, tout début 2024, un plan d'action relatif à l'intelligence artificielle. L'idée générale est d'accompagner et de favoriser le développement de l'intelligence artificielle, qui pourrait apporter plus de 200 milliards d'euros supplémentaires par an à l'économie australienne d'ici à 2028. Et pour cela, le gouvernement veut imposer aux entreprises et aux chercheurs qui travaillent sur l'IA le moins de barrières possibles.
Il y aurait bien sûr quelques garde-fous sur les sujets considérés comme les plus à risque. Il sera interdit par exemple à la police d'utiliser des algorithmes pour prédire les chances de récidive d'un délinquant. Autre exemple, les entreprises ne pourront pas se servir de l'IA pour faire le tri des CV qu'elles reçoivent. Et par ailleurs, l'Australie n'envisage pas d'adopter une loi. On est donc sur une approche bien moins contraignante que celle envisagée par l'Union européenne et qui s'aligne, presque parfaitement, sur celle prise par les États-Unis et le Royaume-Uni, les alliés de l'Australie dans le cadre du pacte Aukus.
Le pacte Aukus et l'IA appliquée au champ militaire
Aukus, c'est ce pacte sécuritaire dans le cadre duquel l'Australie, avec l'aide des Américains et des Britanniques, va faire l'acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire, un accord scellé aux dépens de la France. Mais ça n'est pas le seul aspect que recouvre ce pacte. Il prévoit également des partages de technologies de pointe, notamment en matière d'intelligence artificielle. En effet, il y a un deuxième pilier à Aukus, que certains considèrent être en fait le plus important au sein de cette alliance, et surtout le plus à même de se réaliser. Il repose sur le développement et le partage de capacités militaires en matière cyber, de technologies quantiques et donc d'intelligence artificielle.
Un premier test a d'ailleurs été conduit en fin d'année dernière en Australie méridionale, où des véhicules robotisés ont été chargés de réaliser des tirs de précision de longue portée, tout en étant soumis, entre autres, à des attaques électroniques. On n'en est encore qu'aux balbutiements, mais l'IA appliquée au champ militaire est très sérieusement étudiée par les trois alliés du pacte Aukus et chacun de leurs états-majors est convaincu qu'elle jouera un rôle central dans les conflits du futur.
Japon : le laboratoire des géants Américains
Le Japon est dans une situation paradoxale. Il est très doué pour tous les développements matériels et dispose de très bonnes infrastructures et de serveurs puissants, mais il a raté le virage du logiciel et de l’intelligence artificielle. 99% des sociétés japonaises sont des très petites et moyennes entreprises qui n’ont souvent pas du tout eu pour priorité de s’informatiser et encore moins de faire appel à l’IA. Le pays n’a pas su créer assez tôt des start-up, n’a pas assez investi dans le développement des algorithmes, qui désormais régissent en partie le monde et vont prendre une importance croissante. Résultat, ces dernières années le gouvernement s’inquiète de ce retard qu’il veut à tout prix rattraper.
Pour combler ses lacunes, le Japon se tourne vers les géants Américains. Le gouvernement japonais veut que les sociétés nippones accélèrent la cadence. Et pour les Américains, le Japon est un laboratoire idéal, puisque les autorités, les entreprises et même les citoyens sont plutôt bien disposés vis-à-vis de l’IA en général ou de l’IA générative, celle qui fabrique des textes, images, vidéos à partir de données issues de divers contenus protégés.
Une réglementation plus lâche qu'aux États-Unis
Le cadre légal au Japon est très lâche comparé à ce qu’il est ou s’apprête à devenir en Europe, ou même en regard des règles aux États-Unis, ce qui offre des occasions importantes pour ces mastodontes. Et cet environnement, encore non réglementé, est aussi censé permettre aux NTT, Softbank ou aux start-up comme Elyza qui vient de développer l’équivalent de ChatGPT en langue japonaise native.
Un plan de réglementation sera dévoilé dans le courant de l’année 2024, mais au Japon, la préoccupation et la motivation première sont économiques. Le principe est de ne pas trop brider les entreprises et de s’appuyer tant que faire se peut sur des guides de bonnes pratiques, qui ne sont pas légalement contraignants et non assortis de sanctions. Les risques inhérents à l’intelligence artificielle générative incitent néanmoins les experts à demander aux autorités d’être plus sévères.
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