Guerre en Ukraine : le sentiment antirusse progresse-t-il dans les pays baltes et en Finlande ?
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Jeudi 10 mars, direction le nord de l'Europe, dans des pays où existe une forte minorité russophone.
La guerre en Ukraine est regardée de près dans les pays voisins de la Russie ou dans les anciennes républiques soviétiques. Une forte communauté russophone vit au sein de ces pays et subit des menaces ou des discriminations liées à la guerre en Ukraine. Direction la Finlande et les pays baltes.
Dans les pays baltes, les autorités appellent au calme
Les trois pays baltes ont tous une minorité russophone. elle représente jusqu’à 30% de la population en Lettonie et en Estonie. Dans la région, il y a toujours une partie des Russophones qui adhèrent aux idées de Vladimir Poutine et qui ne croient pas qu’une guerre se déroule actuellement en Ukraine. Il s’agit pour la plupart de personnes qui ne regardent que les médias russes et ne parlent ni letton, ni estonien.
C’est aussi une question de génération. Les personnes nées avec l’indépendance des pays baltes il y a trente ans ont en général un tout autre point de vue. En Estonie, de nombreux efforts ont été faits pour intégrer cette population russophone. Penser à un retour en arrière où les deux communautés seraient opposées parait donc inimaginable. Pour cela dès le début de l’invasion il y a deux semaines, Maris Lauri, la ministre de la Justice, s’est tout de suite exprimée sur les réseaux sociaux pour mettre les choses au clair et a appelé à ne pas faire d'amlgame : "Il y a des forces dans la société russe qui ont un intérêt à ce que des tensions apparaissent dans la société estonienne. Ces russophones qui habitent en Estonie ne sont pas à accuser. Poutine ou Loukachenko sont les responsables."
L’information est le nerf de la guerre. Les pays baltes investissent donc désormais dans ce domaine pour contrer la propagande russe. Dès le début du conflit, le média public lituanien a annoncé allonger ses programmes en russe à la radio. LSM, la télévision publique lettone diffuse une chaîne de télévision en ukrainien. C’est la même chose en Estonie. Un financement supplémentaire va être accordé à la télévision publique estonienne en russe pour toucher plus de monde. Cela ne fait que depuis 2016 que ETV+, la télévision à destination des russophones d’Estonie a été créée. Une lacune que le gouvernement a comblée trop tard, mais qui a finalement rencontré son public.
Les réseaux sociaux sont aussi dans le viseur des autorités. Les Premiers ministres des pays baltes et de Pologne ont envoyé une lettre aux grandes compagnies technologiques pour mieux lutter contre la désinformation. Les députés estoniens et lituaniens vont se pencher prochainement sur des projets de loi pour permettre de mieux punir les discours de haine sur les réseaux sociaux et les sites internet.
En Finlande, les russophones s’inquiètent
Plusieurs incidents ont déjà eu lieu en Finlande et les russophones s’en inquiètent. Les responsables politiques, y compris la Première ministre Sanna Marin, ont réagi et condamné les éventuelles agressions et discrimination.
Ce sentiment anti-russe se manifeste sous plusieurs formes. Par exemple à Hesinkli, nous avons rencontré le personnel d’une association qui œuvre pour l’intégration des russophones. Il y a une semaine, ses employés ont trouvé une une lettre de menace devant leur local. Un énorme drapeau ukrainien, jaune et bleu, a été peint sur les portes en verre du centre culturel et scientifique russe, à Helsinki encore – il s’agit d’une institution financée par Moscou. Son directeur a porté plainte, comme l’association d’ailleurs. Une association de protection de l’enfance a déclaré aussi avoir reçu de nombreux appels d’enfants d’origine russe, qui disent être victimes de harcèlement à l’école ces derniers jours.
Il est assez difficile de dire pour le moment si ce phénomène est vraiment massif. Ce qui est certain, c’est qu’il y a une véritable inquiétude chez les russophones – pas seulement chez les russes d’ailleurs, mais tous ceux qui parlent le russe. Ils sont 80 000 en Finlande et sont originaire de Russie, mais aussi des pays baltes ou d’Ukraine. Beaucoup hésitent à parler leur langue en public. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas nouveau puisque plusieurs études ont montré que la discrimination contre les russophones en Finlande était un fait avéré : sur le marché du travail, dans l’accès au logement. Une fois naturalisé, certains changent même de nom pour faire oublier leurs origines.
Le phénomène est lié a un passé très compliqué entre les deux pays. Le grand duché de Finlande était une province autonome au sein de l’empire russe jusqu’en 1917, année de son indépendance. En 1939, l’URSS a attaqué la Finlande, lors de la guerre d’hiver et lui a pris 10 % de son territoire. En 1941, la Finlande a répliqué lors de la guerre de continuation. Il y a eu ensuite les longues décennies de “finlandisation”. Cette époque où la Finlande était certes indépendante mais affichait une neutralité conciliante à l’égard de Moscou. Il ne fallait surtout pas provoquer l’ours russe, à l’est, avec lequel la Finlande partage 1 300 km de frontières. Aujourd’hui, les Finlandais sympathisent à 100 % avec les Ukrainiens – avec lesquels d’ailleurs beaucoup s’identifient.
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