Euthanasie et fin de vie : comment la Pologne, la Suisse et l'Espagne se sont saisies du débat
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, la question de l'euthanasie et celle du débat sur la fin de vie en Pologne, en Suisse et en Espagne.
Une proposition de loi pour une "fin de vie libre et choisie" est proposée au débat, en France, devant l'Assemblée nationale jeudi 8 avril. Des députés de tous bords s'allient pour faire évoluer la législation, mais le gouvernement y est défavorable. Ailleurs en Europe, la question est abordée de façon différente : en Espagne en légalisant l'euthanasie, en Suisse en poursuivant son ancienne démarche pro-active sur le sujet, et en Pologne en l'interdisant.
En Suisse, la question a déjà été tranchée
Alors qu'en France, la loi sur la fin de vie libre et choisie est examinée jeudi 8 avril à l'Assemblée nationale, l'euthanasie est déjà légale de l'autre côté des Alpes. Il existe en Suisse assez peu de critères pour demander une aide au suicide. Il faut être capable de discernement, pouvoir s'administrer la dose de poison seul et ne pas le faire sous l'influence de quelqu'un qui aurait un intérêt égoïste dans la mort du demandeur. Il faut également bien sûr être malade, mais sur ce dernier point, certains en Suisse voudraient aller plus loin.
L'Espagne est le 4e pays d'Europe à autoriser l'euthanasie
En Espagne, une loi toute récente, approuvée définitivement le 18 mars par le Parlement, autorise sous conditions l'euthanasie. L’Espagne est le quatrième pays d’Europe à autoriser cette pratique, après le Benelux, et le cinquième au monde, après le Canada. Le texte légalise l’euthanasie dans le cas des personnes qui souffrent d’"une maladie grave et incurable" et qui leur provoque "une souffrance intolérable". Elle autorise dans ce cas-là l’administration d’une substance par le personnel soignant, dans le cas d'une euthanasie proprement dite, ou bien “l’autoadministration d’un produit fourni ou prescrit par le personnel soignant et provoquant sa mort”, dans le cas de ce que l'on appelle en France le suicide assisté.
Une série de garde-fous assez sévère est établie : le patient doit résider en Espagne depuis un an, demander l’euthanasie par écrit par deux fois séparées de 15 jours, confirmer également deux fois sa volonté lors d’un entretien avec son médecin, qui doit l’informer des alternatives, se soumettre à l’étude d’une commission qui peut refuser sa décision. Ainsi, pendant un délai d'au minimum une quarantaine de jours, le malade doit être conscient, extrêmement déterminé et peut bien sûr interrompre le processus à tout moment.
La loi n'entrera en vigueur qu’au mois de juin, sauf si la Cour constitutionnelle se prononce contre le texte. La loi a enregistré un soutien assez large, 202 voix sur 350 députés, c’est plus que la grande majorité des textes, seule la droite et l’extrême droite ont voté contre. Et c’est l’extrême droite, Vox, qui a annoncé un retour. Mais la légalisation de l’euthanasie suscite l’adhésion de 87% de la population et toutes les couches de la société espagnole, à droite comme à gauche, les athées comme les catholiques pratiquants, sont majoritairement favorables à la réforme.
La Pologne, à forte tradition catholique, pénalise l'euthanasie
En Pologne, "quiconque tue un homme à sa demande risque trois mois à cinq ans de prison", dit le Code pénal, même si, dans certains cas exceptionnels, la justice peut décider de réduire la peine, voire de l’annuler. L’influence de l’Eglise catholique est très importante et la question de l’euthanasie est tant une question idéologique que politique, dans un pays dirigée par un gouvernement ultra-conservateur. Un exemple en témoigne bien : en janvier dernier, un Polonais vivant en Angleterre s’est retrouvé dans un état végétatif, après une crise cardiaque. Les médecins anglais ont décidé de mettre fin à son traitement, s'opposant à une partie de sa famille qui explique qu’en tant que catholique, le patient aurait eu des souhaits différents.
L’Église polonaise s’était aussi fortement indignée de cette décision, tout comme le gouvernement polonais, qui avait délivré un passeport diplomatique en urgence au patient pour pouvoir échapper aux décisions de la justice anglaise.. "Dans nos traditions, il y a la protection de la vie, de la conception à la mort naturelle", avait alors déclaré le gouvernement.
Le dernier sondage sur la question remonte à 2013 : 53% des Polonais s’étaient dits en faveur de l’euthanasie, mais le sujet n’est pas au cœur de débats politiques. Il est pourtant parfois utilisé comme un argument de campagne : lors de la présidentielle l’an dernier, l’homme fort conservateur de Pologne, Jaroslaw Kaczinski avait prétendu que si l’opposition gagnait, l’euthanasie pour les personnes âgées pourrait être introduite.
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