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Covid-19 : la fin du ramadan et la peur d'une flambée épidémique en Tunisie, en Irak et en Indonésie

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction Tunis, Bagdad et Jakarta pour voir quelles restrictions sanitaires ont été décidées lors de l'Aïd.

Article rédigé par franceinfo - Gabrielle Maréchaux, Maurine Mercier, Lucile Wassermann
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Le souk de Tunis quasi désert au premier jour du confinement décrété pour la dernière semaine du ramadan, le 9 mai 2021 (FETHI BELAID / AFP)

Comme l'année dernière, la fin du ramadan, mercredi 12 mai, se déroule dans un contexte particulier. La pandémie de Covid-19 bouscule les habitudes des pays musulmans et les festivités sont soumises à restrictions. Nous partons en Tunisie, en Irak et en Indonésie pour voir quelles mesures ont été prises pour l'Aïd.

Les Tunisiens fêtent l'Aïd confinés

En Tunisie, c’est simple : la population passe toute cette dernière semaine du mois de ramadhan confinés. Impossible de se réunir en famille pour l’Aïd. Le pays est frappé par une troisième vague autrement plus meurtrière que les deux premières avec 90 morts par jour en moyenne.

La Tunisie fait face à la plus grave crise sanitaire de son histoire dit le premier ministre qui, ces dernières semaines, alors que la courbe montait dangereusement, martelait que l’économie du pays ne survivrait pas à un nouveau confinement. Il a été contraint de changer d’avis.

Zina, la quarantaine, couturière, résume bien l’ambiance générale. Elle est soulagée même si ce confinement tombe la dernière semaine du mois de ramadan. Soulagée mais fâchée contre ce gouvernement qui a bien trop tardé à promulguer le confinement : "Je le critique à mort, à mort. Fin mars, début avril, on aurait dû faire un confinement général. On meurt, on meurt tous les jours. Dans notre religion, c’est la santé avant tout ! C’est le bon Dieu qui nous ordonne de faire gaffe à notre santé !"

Le corps médical attendait lui aussi ce confinement à l’instar de Zakaria Bouquira. Ce médecin décrit l’état de son hôpital : "C’est vraiment terrible ce qui est en train d’arriver. Quand il y a des nouveaux patients ils sont sur la liste d'attente. On est arrivés au stade de la saturation." Pour lui, il faudrait non pas une semaine de confinement, mais deux mois minimum afin d'aplanir la courbe. D’autant qu’à peine plus de 2% des Tunisiens ont être vaccinés pour le moment.

En Irak, un couvre-feu peu respecté

L'Irak, pays arabe le plus touché par l'épidémie de Covid-19, ne veut prendre aucun risque. L'Aïd se déroulera en petit comité seulement car un couvre-feu de dix jours commence dès aujourd'hui. Un couvre-feu total qui se prolongera jusqu'au 22 mai. Tout sera fermé pendant cette période normalement synonyme de vacances et de festivités.

Des forces de sécurité quadrillent les villes pour contrôler tous les passages en voiture. Mais les Irakiens sont en quelque sorte inventifs et n'aiment pas beaucoup les règles. Il y a déjà, depuis plusieurs mois ici un couvre-feu, imposé les week-ends, et on voit de plus en plus de voitures dans les rues même pendant ces jours de restrictions. Ce sont des habitants qui ont réussi à se procurer des laissez-passer, normalement réservés aux militaires, médecins, journalistes, etc. Au même titre, d'ailleurs, qu'on voit de plus en plus d'Irakiens se rassembler sur les trottoirs, devant des cafés ambulants sans être trop inquiétés par les forces de l'ordre.

Ce couvre-feu total risque donc de ne pas être totalement respecté. Ce qui fait craindre une hausse des contaminations peut-être dans les prochaines semaines. C'est en tout cas ce que redoute le personnel soignant. L'Irak a vécu une seconde vague très virulente, avec près de 10 000 nouvelles contaminations par jour, "officiellement". Car tous les médecins disent ici que ces chiffres sont sous-évalués.

Tous les services étaient en tout cas surchargés, et ca ne se calme que depuis quelques jours. Ce personnel soignant redoute donc que, malgré ce couvre-feu, de larges rassemblements, familiaux, religieux, soient organisés et aggravent une nouvelle fois la situation. Particulièrement à l'heure où plusieurs cas du variant dit indien ont été détectés en Irak. On sait que ce variant préoccupe beaucoup la communauté scientifique, et en Irak, le système de santé est quasi inexistant. Pour ces médecins ce n’est donc absolument pas le moment de lâcher du lest si l'on veut éviter un scénario catastrophe.

L'Indonésie redoute un scénario à l'indienne

En Indonésie, pays qui compte le plus de musulmans au monde, la fin du ramadan génère d'immenses mouvements de migrations intérieures : c’est le mudik. Des millions de travailleurs retournent dans leur région natale. Cette année, malgré la pandémie de Covid-19 et l’interdiction de voyager, le gouvernement s’attend à ce que 18 millions de personnes parviennent quand même à circuler. Les épidémiologistes redoutent le pire.

C’est la même comparaison qui revient sans cesse, celle d’un scénario à l’indienne. L’Indonésie était déjà mal préparée à la pandémie, avec seulement trois lits de soin intensifs pour 100 000 habitants. Et aujourd’hui, avec les variants sud-africain, anglais et indien qui circulent, un scénario catastrophe est à craindre.

Pour l’épidémiologiste Dicky Budiman ces migrations de fin de ramadan sont terribles car elles mettent à mal un des seuls atouts dont dispose l’Indonésie dans sa bataille contre le Covid-19 : "Comme nous sommes un archipel, nous avons des barrières naturelles, les îles sont de facto confinées, donc il faudrait utiliser cette géographie, mais là c’est trop tard on a perdu cette opportunité."

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Si les voyages sont interdits, comment ces migrations sont elles possibles ? Certains sont partis avant la date officielle d’interdiction, d’autres prennent des petites routes, se cachent dans des camions de marchandise. Pour Dicky Budiman, cette obstination à fêter l’Aïd normalement est aussi le symptôme du peu de crédit qu’ont les autorités sanitaires dans ce pays.

En Indonésie, 80% des gens, lorsqu'ils tombent malades, se soignent par eux-mêmes. En attendant, le virus circule à un taux inquiétant : sur un échantillon de 6 000 voyageurs pris au hasard par le gouvernement, 61% étaient positifs au Covid-19.

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