COP28 : l'Australie et le Japon, pourtant directement concernés par par la montée des eaux du Pacifique, continuent à miser sur le charbon
Dans ces derniers jours de négociation de la COP28 de Dubaï, qui fermera ses portes mardi 12 décembre, certains pays souhaiteraient que la feuille de route inclue la sortie, ou au moins la réduction, du recours aux énergies fossiles. Ce n'est pas a priori pas la position que défendra l'Australie, dont le ministre du Réchauffement climatique et de l’Énergie vient d'arriver à Dubaï, ni celle du Japon, qui mise sur une future technologie rendant les centrales à charbon plus vertueuses.
Quatre nouvelles mines de charbon en Australie et un droit d'asile pour Tuvalu
L'Australie est le troisième exportateur mondial d’énergies fossiles, de charbon et de gaz naturel notamment. Par ailleurs, l’Australie représente à elle seule 1% des émissions mondiales de CO2, ce qui est colossal pour un pays de seulement 25 millions d’habitants. Le gouvernement, depuis son élection en 2022, ne cesse de répéter qu’il prend la question du dérèglement climatique au sérieux, mais a pourtant autorisé l’ouverture de quatre nouvelles mines de charbon. Il s'est engagé, à la COP, avec une centaine d’autres pays, à tripler les capacités de l’Australie en matière d’énergie verte d’ici à 2030, et a récemment lancé un vaste plan d’investissement en ce sens. Mais renoncer au charbon et au gaz, tout du moins à en vendre à l’étranger, il n’en est à ce stade absolument pas question.
Ce positionnement passe plutôt mal parmi les nations insulaires du Pacifique, voisins de l’Australie, qui sont les plus directement menacées par le réchauffement climatique et la montée des eaux. Par exemple, le petit archipel de Tuvalu pourrait entièrement être englouti d’ici la fin du siècle, et l’Australie vient même de lui signer le premier accord d’asile climatique. Tous les Tuvalais pourront émigrer en Australie, mais en contrepartie, le pays a dû renoncer à sa souveraineté, puisque les Australiens auront un droit de veto sur toutes les questions relevant de la Défense, des infrastructures stratégiques ou de la cybersécurité. L’accueil de cet accord a donc été plutôt mitigé. Les dirigeants de la région estiment que plutôt que de leur donner une bouée de sauvetage sur laquelle ils n’auront pas une totale maîtrise, mieux vaudrait qu’on arrête de faire couler le bateau. C’est d’ailleurs une condition qu’ils ont posée à l’Australie, qui voudrait organiser avec ces petits pays du Pacifique la COP31 : si Canberra souhaite obtenir leur soutien, il faudra renoncer à exploiter du charbon et du gaz.
Le Japon veut produire et même exporter avec une technologie révolutionnaire à base d'ammoniaque
Au Japon, depuis l’accident de Fukushima, l’énergie nucléaire est à la peine et le pays n'est pas prêt à abandonner le charbon d’ici à 2030, comme le demande le président Emmanuel Macron aux pays du G7. Encore 28% de l’électricité du Japon est produite dans des centrales thermiques au charbon. Le ministre de l’Industrie, Yasutoshi Nishimura, explique qu'il sait très bien que les centrales au charbon dégagent beaucoup de CO2 : "Notre politique de base est de réduire autant que possible la part du charbon dans la production d’électricité, en gardant à l’esprit la nécessité d’un approvisionnement stable". Pour lui, "une réduction brutale" est "risquée", parce qu’il n’y a rien pour remplacer. Pourtant le Japon a promis la neutralité carbone à horizon 2050, mais le gouvernement japonais croit aux centrales thermiques au charbon propres : "Grâce notamment à la co-combustion du charbon avec de l’ammoniaque ou de l’ammoniaque seul, explique Yasutoshi Nishimura, nous allons faire en sorte qu’il n’y plus d’émissions de CO2, ou bien nous allons capturer et réutiliser ce CO2, transformer les centrales thermiques en centrales décarbonées."
Dès l’an prochain, une première centrale devrait fonctionner avec un mélange de 20% d’ammoniaque et 80% de charbon pour prouver la pertinence de cette technologie. Le Japon veut donc prolonger la vie des centrales au charbon, mais également en construire de nouvelles, plus adaptées encore à cette technique. Il compte de surcroît l’exporter dans plusieurs pays d’Asie. Cette stratégie risque de retarder la transition vers les renouvelables, craignent les écologistes. Ils ont d’ailleurs offert au Japon pendant la COP28 un quatrième "fossile du jour", une récompense déshonorante. "Ce 'fossile du jour', réagit le ministre, émane de personnes qui ignorent les technologies japonaises. Ces technologies sont là et grâce à elles, grâce à l’innovation, nous allons pour sûr garantir la neutralité carbone, la croissance et la stabilité de l’approvisionnement énergétique. Les critiques appellent cela du "technosolutionnisme".
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