Comment la Norvège, championne de l'électrique, et le Brésil, futur organisateur de la COP, développent leur production d'énergies fossiles

Alors que la Norvège, premier producteur pétro-gazier d'Europe, multiplie les forages d'hydrocarbures (qu'elle vend en dehors de ses frontières), le Brésil, 9e producteur mondial de pétrole, brigue la 4e place... Nos correspondants décrivent la situation sur place.
Article rédigé par franceinfo - Carlotta Morteo, Jean-Mathieu Albertini
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Le parc éolien offshore flottant, situé entre les champs pétroliers et gaziers de la société Equinor norvégienne dans la mer du Nord, le 23 août 2023. (OLE BERG-RUSTEN / NTB/AFP)

La Norvège, premier producteur d’hydrocarbures européen, ne compte pas réduire ses activités pétro-gazières, bien au contraire. Le gouvernement a octroyé 62 licences d'exploration, contre 47 en 2023. Ces licences autorisent 24 compagnies pétrolières, dont Total Energie, à forer en mer du Nord, en mer de Norvège et en mer de Barents, dans des zones dites "matures", c’est-à-dire déjà exploitées. 

Au Brésil, Lula souhaite être un leader international de la lutte contre le réchauffement climatique. Pourtant, dans le même temps, il encourage le développement des énergies fossiles dans son pays, y compris dans la baie de l'Amazone. Une politique controversée, qui tranche avec les ambitions d'autres pays d'Amérique du Sud, qui tentent de leur côté de favoriser la transition énergétique. 

La Norvège extrait proprement des hydrocarbures qu'elle vend au loin

Les arguments avancés  par le gouvernement norvégien sont toujours les mêmes : l’emploi et l’intérêt économique. La Norvège a généré 1 285 milliards de couronnes grâce à l’industrie pétrolière, dont près de 79 milliards d’euros vont dans les caisses de l’État et dans le fonds souverain, qui pèse désormais 1 310 milliards d’euros. Ces chiffres, qui donnent le tournis, assurent la prospérité du pays, la garantie d'une indépendance vis-à-vis de la Russie, mais permettent aussi à l’industrie d’investir dans sa décarbonation, c’est l’argument environnemental avancé par le ministère de l’Énergie norvégien.

Les ONG norvégiennes dénoncent l’hypocrisie et le double discours de la Norvège. Ce pays en pointe en matière d’électrification (c’est le pays où roulent le plus de véhicules électriques au monde et où se trouve la plus grande usine de recyclage de batteries d'Europe) promet de produire des énergies fossiles, mais pas de les utiliser sur place. Elle les vend, et les hydrocarbures sont brûlés ailleurs, générant du CO2 par-delà les frontières. La Norvège réplique cependant que le pétrole norvégien contribue à réduire globalement les émissions de CO2, puisqu’il remplace le charbon, ou des combustibles produits dans d’autres pays dans des conditions beaucoup moins propres. 

Au Brésil, Lula a besoin de la manne pétrolière pour ses grands programmes sociaux

Le président brésilien Luiz Inacio Lula affiche fièrement ses très bons résultats dans la lutte contre la déforestation en Amazonie et se prépare déjà à organiser en grande pompe la COP30 en 2025. D'un autre côté, le Brésil a organisé en décembre une immense vente aux enchères de blocs pétroliers et d'importants investissements ont été annoncés pour développer le secteur.

Lula souhaite exploiter du pétrole dans la baie de l'Amazone. C'est ce projet qui inquiète particulièrement les écologistes. Pour le moment, l'institution chargée de protéger l'environnement a refusé de délivrer l'autorisation d'exploitation. Mais les pressions sont très fortes, et le projet, soutenu par de puissants ministres, est loin d'être abandonné. Il faut dire que les réserves estimées sont immenses, avec plus de 14 milliards de barils. Au-delà des aspects géopolitiques, Lula compte sur l'argent du pétrole pour financer, comme lors de ses précédents mandats, ses grands programmes sociaux.

Cette politique du pétrole contraste avec les ambitions des autres pays de la région. Si la majorité des pays d'Amérique du Sud sont producteurs de pétrole, l’Équateur a rejeté par référendum l'exploitation  de pétrole dans un parc national, tandis que la Colombie, qui veut se poser en leader de la transition énergétique, a assuré qu'aucun nouveau droit d'exploitation ne sera délivré. Pour ces deux pays à la production modeste, se priver de la manne financière pétrolière est un sacrifice, mais le Brésil, 9e producteur mondial, a beaucoup plus à perdre. Loin de vouloir limiter l'exploitation de l'or noir, le Brésil vient d'adhérer à l'OPEP+, l'alliance informelle des pays producteurs de pétrole et a pour ambition de devenir le 4e producteur mondial.

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