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Comment l'Allemagne, la Chine et le Moyen Orient attendent le résultat de l'élection américaine ?

Dans le Club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se fait ou se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, il s'agit de l'élection américaine et de son dénouement interminable qui est critiqué en Chine, au Moyen Orient et en Allemagne.

Article rédigé par franceinfo - Simon Leplâtre, Aurelien Colly et Nathalie Versieux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des étudiants chinois qui étudient aux Etats-Unis suivent l'élection américaine dans un appartement à Pékin, le 4 novembre 2020 (photo d'illustration). (GREG BAKER / AFP)

Les Américains ne savent pas encore le nom du vainqueur de la course à la Maison Blanche, vendredi 6 novembre. Une attente interminable avec des annonces de recours et de recomptage de voix qui provoque de nombreuses critiques sur la première puissance mondiale. Direction la Chine, le Moyen Orient et l'Allemagne pour voir comment est perçue cette incertitude sur le prochain président des États-Unis, et comment se positionnent les pays entre Joe Biden et Donald Trump.

En Chine, des moqueries sur le combat interminable

En Chine, les médias traditionnels sont très contrôlés par la censure et donc très discrets au sujet de l'élection présidentielle américaine. En revanche, les internautes s'amusent beaucoup de ce processus et de la contestation du résultat. Il faut savoir que les réseaux sociaux chinois sont eux aussi très censurés. Donc les réactions qui restent sont plutôt sur la ligne officielle antiaméricaine. Beaucoup se moquent de ce combat interminable entre "deux vieillards" et insistent sur la division des États-Unis, ce qui est vu comme une très bonne chose pour la Chine. Certains s'inquiètent pour la sécurité des citoyens, et notamment des émigrés chinois, en cas de violences, soulignant qu'il y a des armes partout dans le pays. Et puis certains ironisent, comme cet utilisateur anonyme qui se demande si Trump n'est pas un agent secret chinois envoyé pour semer la discorde dans le pays.

En ce qui concerne les deux candidats, on pourrait penser que la Chine a une préférence. Donald Trump a attaqué la Chine comme jamais un président américain avant lui. Certes, la guerre économique et surtout technologique coûte cher à certaines entreprises chinoises comme Huawei. Mais le président américain a aussi décrédibilisé les États-Unis sur la scène internationale et il a adopté une politique isolationniste. En ce sens, il a permis l’émergence de la Chine dans le monde.

À l’opposé, Biden est vu comme un candidat plus raisonnable, peut-être moins agressif avec la Chine, donc potentiellement bénéfique à court terme, mais qui pourrait rassembler les pays occidentaux autour de lui pour former une alliance contre la Chine. De quoi peser plus lourdement sur les questions commerciales par exemple, ou les droits de l’homme. La Chine sait que la rivalité avec les États-Unis est structurelle, et ne s’attend pas vraiment à des jours meilleurs, quel que soit le résultat des urnes.

Au Moyen Orient, silence chez les alliés de l'Amérique, et railleries chez les ennemis

La tournure que prend l’élection américaine suscite de nombreux commentaires au Liban. "Ce n’est pas une scène digne de la première puissance mondiale, mais plutôt d’un État du tiers-monde", peut-on lire dans les colonnes du journal saoudien Asharq Al-Awsat. "On pensait que le sous-développement politique était l’apanage des pays du Moyen-Orient, voilà que les États-Unis, phare de la démocratie et des libertés, sont rattrapés par la 'bananisation' de leur république", est-il écrit dans le quotidien libanais francophone L'Orient-le-jour. "L’Amérique en 2020 : une démocratie pourrie", titre carrément Al-Akhbar, un journal libanais proche du Hezbollah, le parti libanais chiite inféodé à l’Iran.

L’Iran et ses alliés, ennemis jurés de Washington dans la région, ne ratent d'ailleurs pas "le grand Satan américain". Le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a ironisé par un tweet sur cette Amérique divisée avec sa démocratie ébranlée. Pas de commentaire du genre de dirigeants arabes sunnites : Égypte, Arabie Saoudite ou émirats du Golfe. C’est logique pour ces alliés historiques de l’Amérique qui étaient plutôt satisfaits de Donald Trump. Le président sortant est silencieux sur leurs dérives autoritaires et sans concession sur leur grand rival chiite iranien. 

Pour l’Iran, Joe Biden est évidemment moins pire que Donald Trump, qui est sorti de l’accord sur le nucléaire, a relancé des sanctions sans précédents et a fait éliminer le Général Qassem Soleimani, le n°2 du régime. Joe Biden n’aurait pas cette stratégie agressive, de bras de fer. Il veut revenir sur l’accord nucléaire signé au temps de Barack Obama et souhaite des discussions, de la diplomatie avec l’Iran qui pourrait voir l’étau se desserrer un peu. Si on se place du côté des pays sunnites, notamment l’Egypte ou l’Arabie Saoudite, on préfère Trump à un Biden aux accents d’Obama, perçu comme un enfer, pour avoir insufflé le printemps arabe, avoir était mou sur la Syrie et faible avec l’Iran. Ces pays sont néanmoins des alliés historiques de l’Amérique et ils s’adapteront si le démocrate Joe Biden s’impose. 

L'Allemagne est inquiète de la situation chez un partenaire privilégié

Angela Merkel dont les relations avec Donald Trump sont particulièrement tendues s'est bien gardée de commenter l'élection américaine dont on attend toujours les résultats. Son entourage a multiplié les petites phrases depuis mardi comme le ministre des Affaires étrangères, le social démocrate Heiko Maas qui estime qu'il "est important que tous les responsables politiques créent la confiance dans le processus électoral et les résultats", ou encore la ministre de la Défense Annegret Kramp-Karrenbauer, un temps considérée comme la dauphine d'Angela Merkel, qui estime que "la situation est très explosive aux États-Unis". Ces prises de position en disent long sur l'inquiétude en Allemagne, dont les États-Unis sont un partenaire particulièrement privilégié, tant du point de vue économique que diplomatique.

Le gouvernement allemand souhaite l'élection de Joe Biden. Les attentes de Berlin sont considérables. Elles vont de la politique climatique avec un retour espéré des États-Unis dans le processus de Paris à l'apaisement sur le dossier énergétique Nord Stream en passant par la fin de la guerre commerciale qui handicape les entreprises allemandes. Même si Angela Merkel sait que pour un président Biden, les relations transatlantiques ne seraient pas prioritaires et que les attentes des démocrates sont tout aussi élevées que celles des républicains au sujet des dépenses militaires de l’Allemagne.

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