Wegovy, Mounjaro... Les médicaments anti-obésité "changent la vie" des patients et aiguisent l'appétit de l'industrie pharmaceutique
"Perdre quarante kilos, je ne pensais pas..… J'espérais évidemment, mais je ne pensais pas que c'était possible", assure Natacha, qui a testé le Wegovy, un médicament contre l'obésité. En un an et demi, cette Lyonnaise, qui pesait près de 150 kilos, a donc perdu 40 kilos. Ce médicament a été approuvé par les autorités sanitaires françaises le 8 octobre 2024, mais Natacha a pu le tester en avant-première, comme environ 8 000 autres patients français.
Des médicaments contre l'obésité arrivent sur le marché, alors qu'environ un milliard de personnes dans le monde sont obèses. Après les autorités sanitaires américaines, c'est au tour de la France d'autoriser deux d'entre eux, très attendus par les patients et leurs médecins, deux coupe-faim, dont les résultats sont spectaculaires : le Wegovy, donc, et le Mounjaro. "Il y a de super résultats et ça change la vie au final", explique Natacha.
"J'ai repris le sport que je ne pouvais pas faire avant, et même des choses toutes bêtes comme faire mes lacets, m'habiller, me laver... Tout ça, c'était très compliqué. Et là, maintenant, j'y arrive normalement"
Natachasur franceinfo
Le Wegovy est administré par piqûre dans le ventre, une fois par semaine, avec un stylo injecteur qui libère une molécule. Celle-ci a un double effet : elle ralentit la vidange gastrique et, dans le même temps, elle envoie au cerveau un signal de satiété. "Par exemple, avant, je pouvais manger un pack de yaourts d'un coup et là, si je mange deux yaourts, j'ai trop mangé en fait. Donc, on mange moins et moins souvent", explique Natacha.
Un espoir pour les personnes souffrant d'obésité...
Avec le Wegovy et Mounjaro, les personnes obèses peuvent perdre en moyenne 15% de leur poids. Un espoir pour Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d'obèses (CNAO) : "Surpoids et obésité en France, ce sont 33 millions de personnes, et dans le monde, c'est la quatrième cause de mortalité, et elle n'est qu'en constante progression. Et je rappelle que durant le Covid, on représentait 47% des gens en réanimation et 40% à la morgue", souligne-t-elle.
Mais attention, rappelle Anne-Sophie Joly, ces médicaments doivent être réservés aux malades qui souffrent d'obésité, car c'est une maladie chronique. "Ce n'est pas un choix de vie. Je vous le dis très clairement : c'est une souffrance à plein de niveaux, insiste-t-elle. Il faut que ça soit véritablement pris au sérieux. On n'est pas des influenceuses qui vont prendre un médicament pour rentrer dans une robe. On n'en est pas là, nous, on est sur des espérances de vie".
... mais un encadrement strict en France
Depuis plusieurs mois aux États-Unis, de nombreuses d'influenceuses chantent les louanges de ces médicaments, mais également des stars, du milliardaire Elon Musk jusqu'à la présentatrice télé Oprah Winfrey.
Il faut rappeler qu'il s'agit-là de médicaments, avec des effets secondaires, dont les plus fréquents des nausées, vomissements et diarrhée. Toutefois, rien à voir avec le Mediator détourné en son temps comme coupe-faim, et qui a tué en France environ 2 000 personnes.
Le Mounjaro étant toujours en phase d'évaluation, les autorités sanitaires ont déjà décidé d'encadrer strictement la prescription du premier médicament approuvé pour l'obésité, le Wegovy. Il faut un indice de masse corporelle (IMC) de plus de 35, c'est-à-dire qu'il faut souffrir d'une obésité sévère, et l'ordonnance doit être rédigée uniquement par un médecin spécialisé en endocrinologie-diabétologie-nutrition.
"Perdre énormément de poids, mais avoir des carences nutritionnelles ou développer des troubles alimentaires, parce qu'on a maigri trop vite, trop fort, sans être encadré, ça n'a aucun sens, explique le professeur Sébastien Czernichow*, chef du service nutrition à l'hôpital Georges Pompidou à Paris. "Les patients doivent bénéficier d'une prise en charge globale : être suivis sur le plan diététique, faire de l'activité physique adaptée. Il faut pouvoir perdre du poids mais en étant accompagné", insiste-t-il.
"Il faut pouvoir perdre du poids, mais en étant accompagné et sans en avoir des conséquences négatives"
Sébastien Czernichow, chef du service nutrition à l'hôpital Georges Pompidousur franceinfo
Avec ces médicaments, il ne s'agit pas que de perdre des kilos, mais aussi de gagner une meilleure santé. Pour le Wegovy, une étude montre qu'il réduit de 20% le risque de mourir d'une maladie cardiovasculaire, réduction aussi du diabète, de l'hypertension. En tout, 18 maladies sont associées à l'obésité.
L'appétit gigantesque des laboratoires
Ces médicaments, presque miraculeux, sont une aubaine pour les laboratoires qui les fabriquent, face à un marché gigantesque. En 30 ans, le nombre d'adultes obèses dans le monde a doublé, atteignant presque le milliard. De fait, le Wegovy, par exemple, est vendu cher. En France, il coûte environ 300 euros par mois. Il n'est pas remboursé par la Sécurité sociale, mais pourrait le devenir l'an prochain. Aux États-Unis, il est même vendu 1 300 dollars par mois.
Tout cela offre de "très bonnes perspectives" aux laboratoires, confie Etienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk France, le laboratoire danois qui le produit. "Aujourd'hui, on est à peu près un peu plus d'un million de patients qui sont traités pour l'obésité, détaille-t-il.
"Je pense que, face à la vague d'obésité, on aura multiplié par dix certainement la prise en charge d'ici quelques années"
Etienne Tichit, directeur général de Novo Nordisk Franceà franceinfo
Côté bourse, la valeur du laboratoire Novo Nordisk a désormais dépassé le PIB du Danemark.
À l'heure où l'on s'inquiète en France des risques sur l'emploi à cause du Doliprane qui devrait passer aux mains d'un fonds américain, c'est tout l'inverse pour les fabricants de médicaments anti-obésité. Novo Nordisk prévoit de doubler les capacités de production de son site français de Chartres, dans l'Eure-et-Loir. L'Américain Eli Lilly, qui produit le Mounjaro (encore en cours d'examen par les autorités sanitaires françaises), compte investir 160 millions d'euros dans son usine de Fegersheim, en Alsace.
De quoi être jalousé par tous les autres laboratoires pharmaceutiques... Pfizer, Sanofi, AstraZeneca, Roche et les autres, sont désormais en quête des médicaments anti-obésité du futur, des médicaments qui seront encore plus efficaces.
*Le professeur Sébastien Czernichow tient à préciser qu'il a des liens d'intérêt avec les laboratoires Novo Nordisk, Eli Lilly et Boehringer Ingelheim, qui produisent des molécules anti-obésité ou font de la recherche sur le sujet.
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