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"Une voix intérieure m’a dit : 'il faut que j’aille à l’armée'" : des Juifs ultra-orthodoxes s'engagent dans la guerre entre le Hamas et Israël

Cette communauté est pourtant dispensée de service militaire et se consacre à l'étude de la Torah. Mais après les massacres commis par le Hamas, certains veulent prendre part à l’effort de guerre.
Article rédigé par Agathe Mahuet, Jérémy Tuil - édité par Aurore Richard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le quartier ultra-orthodoxe de Bnei Brak, à Tel-Aviv, le 29 octobre 2023. (AGATHE MAHUET / RADIOFRANCE)

Il nous accueille à Bet Shemesh, ville ultra-orthodoxe près de Jérusalem. Zalman a 36 ans, trois enfants et porte une kippa noire sur la tête. Issu d'une famille d'illustres rabbins, né à Jérusalem, il a toujours baigné dans un environnement ultra-orthodoxe et n’avait jusque-là jamais pensé sa vie autrement qu’à travers Dieu et l’étude de la Torah. Le 7 octobre, jour des massacres commis par le Hamas, a été un déclic pour lui et il a décidé de prendre part à l'effort de guerre. 

"C'était l'apocalypse", justifie Zalman. Il fait partie de ceux, très pieux, qui n’ont appris les massacres, qu’à 19 heures le samedi soir en se connectant enfin aux infos, à l’issue du shabbat. "J’ai compris que cette fois, c’était vraiment près de chez nous, reconnaît-il. Même en bas de la maison, il aurait pu y avoir des terroristes ! Et si ce n’est pas le cas, c’est bien parce que quelqu’un les a arrêtés en chemin. Donc je me suis dit : 'je suis adulte, je ne peux pas me dérober'. Une voix intérieure m’a dit : 'il faut que j’aille à l’armée'"

Zalman s’est donc présenté, la semaine dernière, au bureau de recrutement et mercredi 1er novembre, il va partir pour l’armée : "Je sais que c’est tard mais mieux vaut tard que jamais". Sa femme Tzipi, est à ses côtés, ils ont pris cette décision ensemble et elle le soutient pleinement. Dans un premier temps, Zalman va recevoir une formation théorique. Il n'est pas particulièrement athlétique : "De toute façon, je ne vais pas ramper dans les buissons. En revanche, je suis en train de me préparer à l’idée de porter l’uniforme". Peu importe, ensuite, la mission qu’on lui confiera, il pense qu’on ne lui demandera pas de combattre. 

"On va peut-être me dire de faire chauffeur, ou de couper la salade en cuisine. Et c'est très bien ! Je ferai ce que l’armée veut de moi" 

Zalman, un ultra-orthodoxe qui s'est engagé dans l'armée

à franceinfo

Pour l’instant, seulement 150 juifs ultra-orthodoxes ont été officiellement recrutés au mois d'octobre. Cette communauté d’un 1,2 million de personnes - soit 13% de la population israélienne - est dispensée de service militaire et vit très en marge de la société. Mais l’armée affirme avoir reçu des centaines d’autres candidatures. Elle prévoit que 2 000 de ces "harédim" ("ceux qui craignent Dieu", en hébreu) seront bientôt sous les drapeaux.

L’armée ne peut pas être le rôle des ultra-orthodoxes

Pourtant, la grande majorité des ultra-orthodoxes est loin de franchir ce pas. À Bnei Brak par exemple, un quartier communautaire de Tel-Aviv où les hommes portent tous papillotes, chapeau et costume noir et les femmes, des perruques, Moshe qui est étudiant à la yeshiva (l'école talmudique) se moque de ce qui pousse certains à s’engager comme soldats depuis l’attaque du Hamas. "Quand les gens voient du sang, ils se mettent à avoir peur. Je comprends, mais je pense qu’ils font une grosse erreur", assure Moshe. 

"Cette attaque terroriste nous a surtout permis de constater que l’armée ne peut pas nous sauver. Dieu est le seul à pouvoir le faire"

Moshe, un ultra-orthodoxe de Bnei Brak

à franceinfo

L’armée ne peut pas être le rôle des ultra-orthodoxes, assure le religieux de 21 ans. "Dans la Bible, il y a toujours d’un côté, ceux qui se battent et de l’autre, ceux qui étudient, et font des prières. Il y a déjà assez de laïcs comme ça chez les juifs donc nous, nous devons continuer à étudier la Torah"

 

Pourtant, dans son bureau d’une tour moderne, à deux pas du quartier ultra-orthodoxe, le journaliste Yanki Farber, lui-même "harédi", estime que sa communauté est aujourd’hui suffisamment importante en Israël pour prêter main forte aux militaires. "Si vraiment vous étudiez la Torah, d’accord, mais sinon engagez-vous !", lance-t-il. Il avait intégré, tout jeune, l’une des toutes premières unités de l’armée israélienne exceptionnellement ouvertes aux ultra-orthodoxes et ses proches ne comprenaient pas pourquoi : "Parce que je ne vis pas en Suisse, je vis en Israël, le pays que tout le monde veut détruire !". Yanki Farber pense que sa communauté ultra-orthodoxe est en train de s’ouvrir, de changer en profondeur et il estime que les Israéliens ne savent s'unir que quand on menace de les détruire. 

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