Ultradroite à Romans-sur-Isère : une organisation "quasi-militaire" mise à jour lors du procès
À Romans-sur-Isère, l’ultradroite s’est mobilisée samedi 25 novembre pour organiser une "descente" dans le quartier de la Monnaie, une semaine après la mort de Thomas lors d’une fête de village à Crépol, dans la Drôme. Le tribunal de Valence a commencé, lundi 27 novembre, à analyser les coulisses de cette expédition punitive dans le quartier de la Monnaie dont étaient originaires certains des suspects impliqués dans la mort de Thomas.
Certains cadres de l’ultra-droite disposaient d'ailleurs des adresses complètes de ces personnes. Cette information étonnante a pu être vérifiée car des jeunes du quartier ont subtilisé samedi 25 novembre le portable de l’un de ces militants d’extrême droite en fuite. franceinfo a pu authentifier son propriétaire et il s'avère qu'il s'agit d'un militant rouennais de la "Division Martel", un groupuscule néonazi. Sur l’un des fils de conversation de ce portable, il y avait une liste partagée par au moins 31 personnes, où figurent les noms complets des principaux suspects de l’affaire Thomas, leurs adresses, leurs numéros de téléphone et même, les noms et prénoms de membres de leurs familles habitant ce quartier.
Ces militants de l’ultra-droite n’avaient, en effet, pas seulement l’intention de se rassembler mais bien de pénétrer en force dans cette petite cité. Comment et auprès de qui ces jeunes néonazis se sont-ils procuré ces coordonnées ? Cette liste accrédite en tout cas l’idée d’une expédition punitive. La police exploite déjà plusieurs téléphones portables de ces militants. Celui que franceinfo a pu consulter doit être bientôt remis à un avocat et aux enquêteurs.
Des "chefs de section" aux commandes
Au tribunal correctionnel de Valence, l'audience a donc reconstitué l'organisation de cette expédition punitive à Romans-sur-Isère par ces membres de l'ultra-droite. Six militants de cette mouvance étaient jugés en comparution immédiate, 11 autres, eux aussi interpellés au cours du week-end du 25 et 26 novembre, attendent d’être jugés. Lundi 27 novembre, à la barre, sous la pression du président du tribunal et parce que la police a saisi certains de leurs téléphones, les six "patriotes" comme ils se surnomment entre eux, ont décrit la façon dont ils ont convergé de toute la France vers Romans-sur-Isère.
Sur des chaînes privées de propagande sur TikTok ou Telegram, ils voient d’abord les vidéos, les posts appelant à venir en force à la Monnaie. Des convois sont organisés avec des points de ramassage. Des directives et d’autres points de rendez-vous sont donnés. Des directives sur l’usage ou non des téléphones et l’inventaire des armes à apporter sont transmis à des "chefs de section" qui ont pour mission de ne rien laisser s’ébruiter. C'est organisation "quasi-militaire" résume le président du tribunal.
Malgré tout, cela n’a pas empêché la police d’anticiper leur venue dans le quartier de la Monnaie. Lors des perquisitions à leur domicile, les enquêteurs ont retrouvé des armes blanches, des poings américains, des battes de baseball, des armes à air comprimé, des symboles aussi de groupuscules comme le GUD, de la littérature sur le IIIe Reich dont un exemplaire de Mein Kampf. À l’audience, les six ne se réclament d’aucun groupe en particulier. Condamnés à des peines allant de six à dix mois de prison ferme, ils sont tous insérés dans la société. L'un est étudiant en philosophie, l'un est développeur en informatique et un autre est militaire. Un seul a déjà été condamné pour violence.
"Une affaire d'Etat"
Dans le quartier de la Monnaie, la situation reste sous tension face à cet engrenage de violence autour de l'affaire Thomas. Si certains jeunes fanfaronnent parce que l’ultra-droite n’est pas vraiment entrée dans le quartier, d’autres plus posés et plus âgés, ont bien conscience des enjeux. Le drame de l’affaire Thomas va laisser des traces profondes et stigmatiser un peu plus encore leur quartier à majorité maghrébine.
"Ça, c'est un prétexte, la haine anti-maghrébins, anti-cités, elle a toujours existé. Même les anciens nous le disent"
Fouad, qui habite le quartier de la Monnaieà franceinfo
"Mais là, même des gens de Rouen, du Havre viennent ici et pourquoi faire ?, s'interroge Fouad, l'un de ces jeunes. Nous, on est une petite ville de 33 000 habitants et dans le quartier, on doit être 3 000 mais on n'est pas tous mauvais. On essaie de s'en sortir, on est comme tout le monde, comme toutes les autres cités de France. Je ne comprends pas toute cette haine envers nous. Là, ça prend une toute autre tournure. Ce n'est plus une affaire Thomas, c'est une affaire d'État".
Si l’expédition punitive de ces groupuscules a échoué le week-end du 25 et 26 novembre, elle a tout de même réussi à installer un climat de crainte dans ce quartier de Romans-sur-Isère et le sentiment que de nouvelles violences sont toujours possibles.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.