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"Tout a dégénéré" : les habitants d'Akko et Haïfa, villes "mixtes", se demandent comment revivre ensemble après le conflit entre Israël et le Hamas

Si en Israël, le bruit des roquettes et des missiles a cessé, à la faveur d'un cessez-le-feu, dans les villes mixtes, les habitants redoutent un nouvel embrasement.

Article rédigé par franceinfo - Farida Nouar
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le restaurant Uri Buri, symbole de la coexistence, où travaillent en harmonie juifs et arabes, a été incendié à Acre, ville mixte, pendant les émeutes. Uri son propriétaire s’est juré de tout reconstruire. (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)

Après les violences en Israël, le calme est revenu à Saint-Jean-d'Acre, que l’on appelle ici aussi Akko en hébreu, ou Akka en arabe, une sonorité quasi similaire pour désigner cette petite ville côtière du nord, multiculturelle et d'ordinaire tranquille. Là-bas, comme dans d'autres villes dites mixtes ailleurs en Israël, le cessez-le-feu tient pour l’instant : il n'y a plus de tirs de roquettes et de missiles. Pour autant, la coexistence y est-elle de nouveau possible ?

Simon, juif israélien, tient une petite épicerie dans le souk. Pendant plusieurs jours, sa ville s’est embrasée, le commerçant montre du doigt un local en face de sa petite échoppe.

Il y a déjà eu ici des manifestations un peu violente par le passé... Mais cela, ce n’était jamais arrivé !

Simon

à franceinfo

Dans sa réserve, Simon garde habituellement toutes ses épices. Le local est complètement carbonisé… "Normalement, explique Simon, ici c’est une ville calme et on coexiste… Au début du conflit, il y a eu des manifestations pacifiques et tout à coup, les extrémistes au pouvoir ont jeté de l’huile sur le feu. À partir de là, tout a dégénéré !"

Saint-Jean-d'Acre a connu plusieurs nuits de violences. Un jeune rabbin a été lynché par des émeutiers arabes, un poste de police incendié, une synagogue visée et des Arabes attaqués dans les rues. D’où venaient ces émeutiers ? D’Acre ou de l’extérieur ? Les habitants répondent qu’ils ne savent pas vraiment.

Sur le front de mer, les débris de verre du restaurant "Uri Buri" jonchent encore le sol. Emblématique sur le front de mer, l’établissement a été totalement détruit et pillé. Dans cette institution travaillent juifs et arabes de la ville depuis des années. "Ils ont détruit cet endroit, soupire Uri, le propriétaire du restaurant. Ils ont essayé de briser la coexistence qui existe ici et moi j’ai immédiatement décidé de ne permettre à personne de détruire cela. Je ne cherche même pas à savoir qui a fait cela, peu importe." "La chose la plus importante est de tout reconstruire, ajoute-t-il. On doit tous leur pour prouver qu’ils ont échoué et ce qui m’encourage, ce sont les habitants. Il y a en effet plus de gens qui m’ont aidé a éteindre l’incendie que de gens qui l’ont allumé !" 

Et je crois moi qu’il faut vivre ensemble : il n’y a pas d’autre alternative dans ce pays !

Uri

à franceinfo

À 24 km au sud, Haifa a, elle aussi, connu des troubles. Sauf qu’ici, les habitants se sont rapidement mobilisés : après la première nuit d’émeute, des habitants juifs et arabes israéliens ont créé un groupe Whatsapp pour protéger leur ville sans distinction et ont monté des gardes dans les quartiers orthodoxes, juifs et arabes.

"Des habitants arabes israéliens nous ont envoyé des photos : les murs de leurs maisons avaient été marqués, comme pour les identifier, se souvient Mohamed, professeur d’université. Les émeutiers ne venaient pas de Haifa : c'étaient des colons, des membres de la Familia, un groupe de supporters de foot d’extrême droite, et aussi des arabes de l’extérieur qui mettaient en péril l’équilibre de la ville. Il fallait les stopper."

Haifa, fragile modèle de coexistence

Haifa a su se protéger, au moins cette fois-ci. Car si la ville semble être un modèle de coexistence, elle pourrait se fracturer face à la montée des discours extrémistes et xénophobes comme celui du député d’extrême droite Itamar Ben-Gvir. Et la colère aussi des arabes israéliens qui se sentent toujours plus discriminés, même ici à Haifa. C’est donc aujourd’hui encore plus qu’hier qu’il faut travailler ensemble pour préserver cette harmonie fragile, explique Rabeh, qui milite dans l’association locale pour la culture arabe.

"Pour qu’il existe une vrai coexistence, dit-il, un vrai dialogue entre juifs et arabes, il faut en finir avec l’occupation, arrêter cet apartheid contre les Palestiniens comme le dénoncent plusieurs ONG. C’est la lutte la plus importante et ce n’est que comme cela qu’on arrivera à une vrai égalité." "Et c’est cela, la vraie coexistence entre juifs et arabes, conclut Rabeh. Pas cette coexistence de carte postale."

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