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Témoignages
Législatives 2024 : "Les politiques ne sont pas dans la vraie vie", ces aides à domicile dans l'Yonne votent sans profonde conviction
"Je me dis qu'on a essayé la peste, pourquoi on n'essaierait pas le choléra ?" À moins d'une semaine du premier tour des élections législatives, franceinfo est allé à la rencontre de deux femmes aides à domicile dans l'Yonne.
Aurore Delalande a 32 ans : elle est aide à domicile depuis qu'elle a 19 ans et "aime beaucoup" son métier. Aider les gens à mieux vieillir chez eux et parfois les accompagner jusqu'à la fin, c'est pour cela qu'elle se lève chaque jour. "Cette fille, c'est vraiment une perle, elle est vraiment d'une gentillesse…", témoigne Josette, 88 ans, qui a recours à ses services. "Si les salaires étaient appropriés, en rapport avec ce qu'on demande à toutes ces jeunes femmes..., poursuit-elle d'un ton désolé. C'est vraiment un métier mal considéré", déplore la dame âgée.
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Aurore confirme : ce métier est mal considéré, d'abord socialement. "Il y a beaucoup de gens pour qui ce n'est pas un beau métier", glisse-t-elle. Avant de parler d'argent : pour un contrat de 130 heures par mois, elle gagne 1 400 euros. "Les métiers soi-disant essentiels, qui ont continué à faire tourner le pays pendant le Covid, c'est bien souvent ceux qui sont le plus mal payés", estime-t-elle.
Aurore parcourt des yeux les programmes pour les élections législatives, mais le Smic à 1 600 euros, promis par le Nouveau Front populaire, ne lui semble pas vraisemblable : "C'est sûr, ce serait pas mal, mais je me demande avec quel argent on va financer tout ça." Cette posture de "Robins des bois de la politique", pour elle, ce ne sont que des "belles paroles de plus".
"Taxer les riches pour donner aux pauvres, je me dis : est-ce que ce sera pas comme tous les autres, des belles paroles et puis à la fin, on n'aura rien."
Aurore, aide à domicileà franceinfo
Aux élections européennes, elle a donné sa voix à Jordan Bardella : "Franchement, c'est la première fois, mais j'ai voté extrême droite, avoue-t-elle de sa voix douce. Je me dis qu'on a essayé la peste, pourquoi on n'essaierait pas le choléra ?" Elle réalise que "ce sera peut-être pareil que les autres, ou pire, et que ce sera un peu de [sa] faute". Ce qui l'a séduite ? L'omniprésence de certains lors de la campagne, elle pense même qu'ils ont été "matraqués".
Pour elle, ça s'est passé plutôt sur les réseaux sociaux qu'à la télévision, explique-t-elle d'un ton déjà désillusionné. Quoi qu'il en soit, Aurore estime que son vote ne changera pas son quotidien.
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Autre vote, autre femme rencontrée dans ce secteur en crise de l'aide à domicile : Nathalie Leblond, 60 ans, "adore" également son métier qu'elle a commencé à l'âge de 17 ans. Comme pour Aurore, son planning est chargé et les personnes qu'elle aide ont des profils très variés. Ce jour, elle se rend avec franceinfo chez une dame qui reste toujours couchée, toujours en chemise de nuit, vivant la plupart du temps dans le noir.
Cette femme est tombée en dépression après la mort de son chien. Elle n'a pas de famille et regarde la télévision toute la journée. Nathalie en a vu d'autres, mais elle admet que "c'est très dur, physiquement et moralement". Toujours active, "on se baisse, on se relève", avec "un rythme à tenir" pour suivre le planning, il faut être aussi "costaud" sur le mental, car "ça pèse sur le moral".
Nathalie gagne 1 200 euros en moyenne, pour un contrat de 120 heures par mois. Elle aussi estime ne pas être assez rémunérée. "D'ailleurs on est en manque de personnel, témoigne-t-elle. Moi, il y a 12 ans quand j'ai commencé à l'ADMR (le premier réseau associatif d'aide à la personne), on était 25. Là, on n'est plus que 12." Ce métier effectué à 95% par des femmes est classé par France Stratégie parmi "les moins favorisés de l’ensemble des familles professionnelles". Il manque 60 000 salariés à l’ensemble du secteur.
Mais pour Nathalie, les hommes politiques ne peuvent pas prendre conscience des enjeux : ils sont beaucoup trop loin des réalités. "Il faudrait qu'ils viennent un petit peu plus sur le terrain avec nous, pour se rendre compte", regrette-t-elle. "Les hommes politiques ne sont pas dans la vraie vie. Ces gens-là, ils ne payent pas leurs factures."
"Les hommes politiques ne font pas les courses comme nous. C'est ça le problème, ils ne sont pas dans la réalité des choses."
Nathalie, aide à domicileà franceinfo
Nathalie suit très peu la campagne des élections législatives. Elle a voté Europe Écologie - Les Verts aux élections européennes : un vote pour ses petits-enfants - elle en aura bientôt quatre - en espérant que sa génération pourra au moins sauver l'environnement.
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