Reportage
"Une assurance vie de la planète Terre" : une mission spatiale européenne se prépare pour apprendre à dévier les astéroïdes

La sonde européenne Hera, en test actuellement aux Pays-Bas, aura pour destination finale l'astéroïde Dimorphos. Lancement programmé en octobre prochain.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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  (SJM PHOTOGRAPHY)

Franceinfo part à la découverte du premier vaisseau spatial européen destiné à la défense de notre planète – la défense contre les astéroïdes – car les risques de collision existent, et même s’ils sont plus que faibles, ils sont pris très au sérieux. La première sonde européenne est actuellement en test aux Pays-Bas. Elle s’appelle Hera et sa destination finale sera l'astéroïde Dimorphos.

Dimorphos, c'est un astéroïde que l'on connaît déjà bien puisqu'en septembre 2022, il a été la cible de Dart, un vaisseau conçu par la Nasa. Il s'est écrasé sur cet amas de roches de 150 mètres de diamètre, à 11 millions de kilomètres de la Terre. Sur les images retransmises par l'agence spatiale américaine, on peut voir l'astéroïde se rapprocher petit à petit, puis c'est l'impact et l'image se coupe, sous les applaudissements des équipes à terre.

"Comprendre quelle est la forme de Dimorphos aujourd'hui"

La mission d'Hera, elle, sera justement de retourner sur les lieux de cette collision pour en observer les conséquences. Ian Carnelli, est le responsable du programme à l'Agence spatiale européenne (ESA) : "Dart s'est détruit pendant l'impact. On a besoin de revenir sur site et comprendre quelle est la forme de Dimorphos aujourd'hui. Il nous faut mesurer la masse de l'astéroïde, il faut comprendre la structure interne de l'astéroïde, la composition, etc." 

Pour le moment, Hera se trouve au milieu des champs de tulipes, aux Pays-Bas, près de La Haye, dans les hangars du Centre européen de recherche et de technologie spatiales (Estec). L'engin de plus d'une tonne, doté de panneaux solaires, est soumis à de nombreux tests, notamment de vibrations, pour anticiper celles qui seront produites au décollage. 

La sonde européenne Hera, en octobre 2023. (ESA / SJM PHOTOGRAPHY)

Il s'agit également de vérifier ses douze instruments, dont les deux CubeSats, des satellites miniatures embarqués à bord du vaisseau, explique Ian Carnelli : "C'est comme des drones, des compagnons de voyage qu'on va déployer en proximité de l'astéroïde. Ils vont voler très proche et éventuellement atterrir sur la surface. Et donc mesurer le champ gravitationnel, les propriétés, la thermique de surface et enfin comprendre comment se forment ces astéroïdes binaires et comment on peut interagir avec eux. Ce que j'aime dire, c'est qu'on est en train de mettre en place une assurance-vie de la planète Terre."

L'objectif, c'est bien de protéger la Terre d'une potentielle menace venue de l'espace, un peu comme dans le film Armageddon de Michael Bay, où un astéroïde menace de s'écraser sur la planète. Reste qu'ici, dans la réalité, il n'est pas question de détruire l'astéroïde avec une bombe nucléaire, mais bien de développer une technique de déviation. "Cette technique utilisée par la sonde Dart est l'une des plus efficaces que l'on peut imaginer, souligne Juan-Luis Cano, spécialiste de la défense planétaire à l'Agence spatiale européenne. Mais le problème, c'est qu'il y a des centaines de milliers d'astéroïdes que nous ne connaissons pas... Certains pourraient représenter une menace, tout dépend de leur taille." 

"Un objet de 50 mètres qui s'écrase sur une ville, ce serait un vrai désastre. Et 50 mètres, ce n'est pas si large."

Juan-Luis Cano

à franceinfo

Évidemment, les probabilités d'un tel scénario restent minimes. Mais sans remonter aux dinosaures et à l'astéroïde qui a entraîné leur extinction, le dernier événement notable a eu lieu en 2013 en Russie. Près d'un millier de personnes avait alors été blessées par les conséquences de l'onde de choc produite par la chute d'un météore de 15 mètres de diamètre.

Améliorer les connaissances sur les objets célestes

Grâce à Hera, les scientifiques vont également pouvoir améliorer leurs connaissances. Et il y a, en France, un astrophysicien qui attend avec impatience les données qui seront envoyées par le vaisseau : Patrick Michel. Le directeur scientifique de la mission Hera, chercheur à l'observatoire de la Côte d'Azur et spécialiste des astéroïdes le confie à franceinfo : "Moi, je m'attends à ce qu'on soit surpris, comme on l'a toujours été avec les missions vers les astéroïdes qui sont loin d'être des petits cailloux ennuyeux, mais des vrais petits mondes géologiques avec des avalanches, des cratères, des bassins, des roches. Et ça, évidemment, on en est encore au stade où on essaie de comprendre ce que l'on observe de leur comportement."

Le lancement d'Hera aura lieu en octobre prochain, depuis les Etats-Unis, mais il va falloir attendre un peu avant de recevoir les premières données : le vaisseau européen de défense planétaire aura deux ans de voyage avant d'arriver sur place.

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