Reportage
Paris 2024 : "C'est sans doute la plus belle vague du monde"... Au plus près de la vague mythique de Teahupo’o, à Tahiti, qui fascine les surfeurs depuis des siècles

Son nom signifie "le mur des crânes" en tahitien. Une vague à la limite du sacré pour les Polynésiens et le spot phare de la compétition de surf aux Jeux de Paris 2024.
Article rédigé par Guillaume Battin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L’équipe de France de surf s’entraine sur Teahupo’o, en Polynésie française, un jour de faible houle. (GUILLAUME BATTIN / RADIO FRANCE)

À 54 jours des Jeux olympiques de Paris 2024, direction Tahiti, à 15 000 kilomètres de Paris. La célèbre vague de Teahupo’o vient d’accueillir le Tahiti Pro, la quatrième manche des championnats du monde qui a servi de répétition aux Jeux. Et c’est confirmé, cette vague, qui veut dire "le mur des crânes", est bien la plus belle vague du monde.

Bienvenue à bord du bateau Miliani One. Nous quittons la marina de Taiarapu, dans le lagon bleu turquoise. On aperçoit déjà les poissons colorés et le corail. Des noix de coco flottent et tapent contre le quai. Dix minutes de navigation dans le chenal nous séparent de Teahupo’o, en tahitien "le mur des crânes", en référence à une bataille sanglante où les corps des victimes ont été exposés par les vainqueurs.

Le photographe français Tim McKenna est à nos côtés à bord. C’est lui qui a pris la photo qui a fait connaître Teahupo’o au monde en 2000. "C'est la photo de Laird Hamilton, c'est la première photo qui montrait qu'il y avait d'autres vagues qui pouvaient être surfées avec la technique du surf tracté, avec des jet-skis, raconte-t-il. Pendant une période, les surfeurs de gros allaient soit à Hawaii, soit en Australie, soit en France, surfer des grosses vagues par la taille. Teahupo’o a un peu rebattu toutes les cartes, parce que c'est une vague pas forcément grande en taille, mais qui est très dangereuse, très creuse, et qui crée toujours ce tube parfait. C'est la première fois que les surfeurs de gros pouvaient surfer des grosses vagues mais aussi faire un tube sur une grosse vague. C'est la vague la plus photogénique du monde, donc pour un photographe, c'est le rêve."

Notre embarcation est au bord de la lèvre. Le bateau monte à pic avant que cela casse. C’est le danger d’être au plus près du tube. La star du surf, l’Américain aux 11 titres de champion du monde, Kelly Slater, a remporté cinq fois le Tahiti Pro. "C'est l'un des spots les plus dingues que nous avons dans le monde parce que cette vague a une telle force, une telle puissance, c'est sans doute la plus belle vague du monde", estime-t-il. 

"Ça reste aussi très dangereux, très exigeant, il faut toujours être bien réveillé, avoir les bons réflexes aux bons moments."

Kelly Slater, multiple champion du monde de surf

à franceinfo

Tony Estanguet, le président du comité d’organisation des jeux de Paris 2024, est en visite à Tahiti. Un choix évident pour les épreuves de surf. "C'est sûr que cette vague de Teahupo’o cochait toutes les cases finalement, quand on y réfléchit. C'était, d'un point de vue sportif, la plus belle vague française. Une vague aussi chargée d'histoire avec une activité qui s'est développée ici. C'est même culturel de voir la place du surf dans ce pays. Et puis c'est aussi un écho à tous ces territoires ultramarins français qui font la fierté de la France au quotidien et du sport français. Je trouve ça formidable qu'on ait réussi à travailler ensemble pour mettre à l'honneur la Polynésie française pour cette compétition olympique de surf."

Le photographe Tim McKenna, toujours à l’affût d’une belle photo sur le spot de Teahupo’o, en Polynésie française. (GUILLAUME BATTIN / RADIO FRANCE)

Le surf, pratique millénaire

À Tahiti, tout le monde fait du surf en compétition ou en loisirs. Mais ce n’est pas qu’un sport. Le surf est inscrit dans les gènes des Polynésiens. C’est à la Pointe des pêcheurs, à Punaauia, que les Occidentaux ont relevé les premières traces. Nous sommes le 29 mai 1769, le jour où l’Endeavour, le bateau du capitaine britannique James Cook, mouille dans la baie. Nous y sommes avec Jean-Christophe Shigetomi,  qui vient de publier Horue, l'histoire du surf tahitien"Joseph Banks, le scientifique, avec le capitaine Cook, ont installé leur campement à cette pointe de la côte nord, raconte l'auteur. Et c'est quand ils repartent le lendemain – la houle est peut-être montée dans la nuit – qu'ils voient, pour reprendre de mémoire ce qu'il dit, dix ou douze 'Indiens', comme il les appelle, en train de glisser dans la vague sur des planches ancestrales, couchés, à genoux, même debout, à faire des figures... Ça a l'air d'un divertissement particulièrement apprécié."

Et si on remonte dans le temps, on sait que les Polynésiens pratiquent le surf bien avant 1769, sans doute depuis des milliers d’années. Comme la danse, les percussions et le tatouage. "Le surf était un art pratiqué par des guerriers et des héros, rappelle Hérétu Tétahiotupa, maître tatoueur marquisien. Ces personnes étaient aussi tatouées. L'objectif des Marquisiens, ou Polynésiens en tout cas, était d'augmenter toutes ces compétences qui vont manifester une puissance, puissance physique ou la vitesse, et l'objectif de l'humain est de réaliser son plein potentiel en allant rassembler toutes ces forces, toutes ces puissances."

Voilà pourquoi la vague de Teahupo’o n’est pas une vague comme les autres à Tahiti. Elle est considérée avec respect, à la limite du sacré.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.