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Paris 2024, J-1 000 : l'objectif est de faire mieux que les 33 médailles de Tokyo mais "pas à n'importe quel prix"

Une course contre la montre est lancée dans toutes les fédérations et pour tous les athlètes français. Objectif : tenter de faire mieux que les 33 médailles de Tokyo. 

Article rédigé par Maxime Fayolle
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'escrimeuse française, Marion Brunet, à l'entraînement à l'Insep avant les Jeux de Tokyo, le 2 juin 2021. (HUGO LEBRUN / HANS LUCAS)

Un peu moins de trois ans. C’est le temps qu’il reste aux athlètes français et à leurs encadrants pour aller décrocher un objectif de 80 médailles aux JO de Paris. Oui, la volonté est de multiplier ces moments qui ont été trop rares à Tokyo. Tandis que Jean-Michel Blanquer avait lancé ce chiffre de 80 médailles lors de sa conférence de rentrée, Emmanuel Macron avait lui demandé aux athlètes médaillés qu’il recevait à l’Elysée de "faire beaucoup plus" à Paris, sans chiffrer sa demande.

À Tokyo, la délégation tricolore s’était illustrée avec un bilan de 33 médailles et seulement 10 titres olympiques, contre 42 breloques et 10 titres à Rio cinq ans auparavant. Pour aller chercher de meilleurs résultats, tous ne sont pas forcément d'accord sur les méthodes à utiliser. 

Cibler moins de sportifs pour mieux les accompagner

Il y a deux ans, la France a créé l'Agence nationale du sport pour accompagner les meilleurs sportifs vers les titres olympiques. Une création qui partait d'un constat simple : "Depuis vingt ans, on voit bien que nos résultats ont ralenti. Cette progression n’est plus à l’ordre du jour, constate Claude Onesta, le manager général de la haute performance. Le sport de haut niveau et la haute performance c’est la gestion des meilleurs, la capacité à faire des choix. Il y a 5 000 sportifs de haut niveau listés en France. Quand on dit faire des choix, c’est admettre que dans une cible il y a des zones prioritaires", explique-t-il.

"Les 400 premiers, on fait en sorte de les traiter de manière spécifique. C’est passer du prêt-à-porter à la haute couture."

Claude Onesta, manager général de la haute performance

à franceinfo

Selon l’ancien sélectionneur des handballeurs français, proposer un accompagnement sur mesure à ces supers champions n’est pas assez fait, que ce soit à l'Insep ou dans les Creps. Un point que réfute Ghani Yalouz, ancien directeur général de l'Insep. "On ne va pas tout balayer d’un bloc, surtout à moins de trois ans des Jeux. On optimise l’existant dans nos structures. Il y a plusieurs chemins qui mènent à la réussite, on le sait très bien. Mais aujourd’hui, il y a une singularité des disciplines, il y a aussi une évolution, la concurrence n’est plus la même, note-t-il. Qu’on fait les Italiens, les Hollandais ? Ils vont vous dire ‘on a pris exemple sur le modèle français’, donc il n’est pas si mauvais. On a des structures, des entraîneurs, on a tout ce qu’il faut en France", affirme Ghani Yahouz.

"Je veux juste qu’on ne fasse pas des gens qui sont dans une logique du sport à n’importe quel prix, d’une médaille à n’importe quel prix."

Ghani Yalouz, ancien directeur général de l'Insep

franceinfo

Près de 300 millions d'euros sont consacrés aux sportifs de haut niveau dans le budget de l'État. La question est surtout de savoir comment les répartir. Aujourd'hui, Claude Onesta l'a dit, il faut faire des choix. Une situation problématique selon l'ancien champion olympique de boxe Brahim Asloum. "On avait un système par le passé où on investissait sur tous les sports. C’est pour ça que dans la masse on arrivait à sortir des médaillés olympiques, analyse-t-il. Quand j’essaie de faire les sélections à l’Insep, on décide de me prendre pour m’observer et voir qui j’étais parce qu’on entendait parler de moi, mais on ne misait pas sur moi."

"Là, on va cibler certaines disciplines. Ça peut être bien parce qu’on va aller chercher la performance et faire du sur-mesure, mais on risque de laisser certaines personnes sur le bas-côté."

Brahim Alsoum, champion olympique de boxe à Sydney

C'est pourtant ce qui se fait chez nos concurrents, se défend Claude Onesta. Un modèle que la France a décidé d'adapter : "C’est vrai que le modèle anglais qui fait souvent référence est un modèle qui s’est fait par l’élimination. Ils ont dit 'cette discipline on voit qu’on a un potentiel de médaille donc on va y investir et celle d’à côté on voit qu’on est trop loin donc on met zéro', explique-t-il. Mais ça ce n’est pas possible en France. Donc, Brahim, n’aie pas peur ! Le prochain Brahim Asloum, je suis persuadé qu’on saura l’identifier et qu’on l’accompagnera de la meilleure des façons."

Une réforme trop tardive ?

Néanmoins, nombreux sont ceux à se poser la question : cette nouvelle façon de repérer et de former des champions arrive-t-elle à temps ? Si trois années paraissent longues pour les fans de sport, c’est une marge très courte pour les sportifs. La réforme de la haute performance arrive sûrement un peu tard pour répondre à l'objectif des 80 médailles admet Claude Onesta. "Quand on fait l’analyse de ce qui a été fait par les autres, ceux qui préparaient des Jeux à la maison, la plupart d’entre eux s’y sont pris plus tôt", reconnaît-il.

"Oui, ça va être court pour avoir réellement un impact très fort à Paris, mais c’est sûr que cette construction sur la durée nous procurera d’évidence des résultats sûrement plus conséquents à Los Angeles et après."

Claude Onesta

à franceinfo

Surtout, il reste un critère tout aussi insondable que déterminant : celui du mental du sportif lors de Jeux à la maison qui peuvent décupler la motivation. La performance se joue aussi et avant tout dans la tête raconte Brahim Asloum en revenant sur ton titre à Sydney en 2000. "C’est facile de dire aujourd’hui ‘oui j’ai travaillé trois fois plus que les autres’, mais c’est un travail qui ne se voit pas au quotidien. C’est un travail qui était fait avec moi-même, la dureté que je m’étais imposée, le fait de ne jamais tricher aux entraînements, de ne pas me trouver de facilités, des excuses. Le vrai déclic est psychologique, c’est là où on va aller chercher des ressources qu’on n’imaginait pas. Aujourd’hui, je ne suis pas capable de faire le dixième de ce qu’on me demandait de faire quand j’étais en préparation olympique. C’est ou on fait le minimum et on est comme tout le monde, ou on en fait trois fois plus pour espérer essayer de faire un podium olympique." 

Pour accompagner la performance mentale, la France veut aussi mettre l’accent sur la formation des entraîneurs et optimiser la performance en vue du jour J.

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