"On ne doit pas être les oubliés de cette pandémie" : des malades du "Covid-19 de longue durée" se débrouillent seuls pour se soigner
Des malades du Covid-19 ont encore des symptômes plusieurs mois après avoir été infectés. Certains ne sont pas pris en charge par l'hôpital et se sentent oubliés des pouvoirs publics.
On les appelle "les Covid longue durée", 5 à 10% des malades du Covid-19 ont encore des symptômes six mois après le début de l’épidémie. Les plus gravement atteints sont suivis à l'hôpital mais les autres doivent se débrouiller tout seuls.
Dans les Yvelines, Katell Burban nous reçoit chez elle appuyée sur une canne. Elle a toujours un appareil respiratoire à portée de main. Cette enseignante de 43 ans a attrapé le Covid-19 il y a six mois. Depuis, elle n'a pas pu retourner travailler à l’école. "Les maux de tête ne sont jamais partis, décrit-elle. Les céphalées sont assez fortes parce que ça tape dans les tempes, ça fait comme un casque. La dyspnée, c’est-à-dire l’essoufflement, n’est jamais partie non plus. Dès que je fais la moindre chose, rien que de parler déjà, ça m’essouffle, pourtant je suis assise. Et toujours des douleurs thoraciques, cardiaques avec le coeur qui s’emballe parfois alors que je n’ai jamais eu aucun souci à ce niveau-là."
C’est compliqué, je ne peux pas conduire car des fois j’ai des vertiges ou des étourdissements. Si je conduis et qu’il m’arrive ça, je fais quoi ?
Katell Burban
"Mes jambes ne suivent pas non plus, poursuit l’enseignante. J’ai vraiment la sensation de ne plus maîtriser mon corps et d’avoir limite un handicap. Tenir debout c’est compliqué."
"Ça ne se voit pas sur les analyses"
Katell Burban n’est pas assez atteinte pour être prise en charge à l’hôpital. Elle doit donc se débrouiller toute seule pour trouver des médecins en ville. Un chiropracteur la suit pour stimuler son système nerveux. "Sortez la langue, demande le praticien qui lui pose des électrodes dessus. Vous me dites si c’est trop fort." Denis Alémi a pris en charge plusieurs patients comme Katell, les "oubliés du Covid" : "Pour beaucoup des patients que je vois, qui ont des migraines ou des vertiges, on leur a fait des scanners et des IRM et il n’y a rien. Ça ne se voit pas sur les analyses ou sur les examens parce qu’il n’y a pas de pathologie mais le système nerveux ne fonctionne pas comme il devrait."
Le système nerveux travaille à 60% au lieu de fonctionner à 100%. Donc il faut rééduquer le système.
Denis Alémi, chiropracteur
Ces malades post Covid-19 sont en majorité des hommes autour de 30 ans et des femmes entre 40 et 50 ans qui étaient en bonne santé jusque-là.
Une consultation express pour les généralistes
On ne le sait pas forcément mais la plupart des hôpitaux ont mis en place un suivi pour ces malades qui ont des symptômes persistants. Mais il y a peu de places et elles sont réservées aux plus gravement atteints.
À l’hôpital Foch de Suresnes à côté de Paris, Nicolas Barizien suit une trentaine de malades qui sont passés par la réanimation ou les soins intensifs. Ils sont maintenant traités au sein de l'unité "Rehab Covid" . "Ça c’est le plateau de rééducation où on fait du reconditionnement à l’effort de patients avec de multiples pathologies et en particulier après le Covid, décrit le chef du service de réadaptation fonctionnelle. Il y a aussi une salle de test d’effort dans laquelle on va les tester sur un exercice d’intensité maximale. On les fait pédaler jusqu’à ce qu’ils n'en peuvent plus."
Et les résultats sont bons, après deux mois ses patients ont récupéré 80% de leurs capacités. Ce qu'il aimerait maintenant c'est que les malades comme Kattel puissent en bénéficier. Nicolas Barizien a donc imaginé une consultation express destinée aux généralistes.
Ceux qui ont fait leur petit Covid à la maison, même si pour eux ce n’était pas un petit Covid, ils ont du mal à trouver une prise en charge.
Dr Nicolas Barizienà franceinfo
"C’est pour ça qu’aujourd’hui j’essaye d’alléger mon bilan, qui aujourd’hui prend trois heures, explique-t-il, pour faire quelque chose de plus léger et pour pouvoir le partager avec les confrères médecins généralistes parce qu’aujourd’hui c’est eux qui sont au plus près de ces patients."
Une consultation express pour que les médecins généralistes puissent repérer et traiter ces "oubliés du Covid", serait déjà une partie de la solution
Un manque de reconnaissance
Katell Burban est responsable du "Collectif des malades du Covid-19 au Long Cours", ils sont plusieurs milliers à s'organiser pour être reconnus et surtout pris en charge. "Il faudrait que la liste des symptômes persistants soit réellement établie parce qu’il y en a énormément et qu’on puisse avoir comme un genre de protocole qui dirait selon tel type de symptôme, il faut faire tel type d’examen, explique-t-elle. On ne doit pas être les oubliés de cette pandémie. On en fait partie, on n’a rien demandé non plus."
Nous aussi on pensait qu’on allait guérir en 14 jours et ce n’est pas le cas. Entre la grippette et la réanimation, il y a une case : c’est nous ! C’est vraiment urgent que le gouvernement nous reconnaisse réellement.
Katell Burban
Ils voudraient que le syndrome post Covid-19 soit reconnu comme une affection longue durée. Cela implique des financements, un gros travail de collecte de données et ce n'est pas vraiment la priorité du gouvernement. Le conseiller d'un ministre nous a confié qu'ils n'en étaient pas encore là. L'urgence est d'empêcher l'épidémie de progresser.
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