Le président accusé de dédain, les mauvais résultats, la démission de l'entraîneur... Les supporters de l'OM en crise avec leur club
Les violences commises au centre d'entraînement de l'équipe de football marseillaise ont mis en lumière la défiance des supporters. La colère contre les dirigeants n'est pas nouvelle, mais elle a été ravivée par les déclarations du président, dans le contexte tendu du Covid-19.
Entre le coup de sang et les violences de 300 supporters samedi 30 janvier à la Commanderie, le centre d’entraînement, les mauvais résultats sportifs, dont le match nul mercredi soir à Lens, précédés la veille par l'annonce de la démission d'André Villas-Boas, l’entraîneur, en pleine conférence de presse, la crise à l’OM fait beaucoup parler à Marseille. "Moi je vais au stade depuis le début de l'ère Tapie [l'homme d'affaires avait racheté le club phocéen en 1986] donc forcément, j'ai connu le caviar, lance un supporter, et là ça fait quand même des années qu'on mange du pâté."
"Râler contre les dirigeants"
Oui, effectivement, l'ambiance n'est pas au mieux à l’OM. Au point que certains en sont venus à pénétrer dans l’enceinte du centre d’entraînement samedi 30 janvier. La manifestation de 300 personnes devant la Commanderie a dégénéré. Les images impressionnantes de l’incendie ont fait le tour du monde. La direction du club a porté plainte pour vol et dégradation, 14 manifestants sont passés en comparution immédiate, six d'entre eux sont en détention provisoire, dont les quatre clients de l’avocat Nicolas Besset, en attendant le procès prévu le 24 février.
"J'ai vu des gamins qui étaient dépassés par ce qui leur arrive. Dans ceux qui sont là, certains sont adhérents de groupes de supporters, certains ne le sont même pas, affirme maître Besset. Ils ont pu l'être, ou ils peuvent être sympathisants, ils aiment le football, l'OM, etc. Il y a ceux qui sont venus pour casser, qui venaient pour manifester et qui se sont improvisés casseurs. 'Il y a un mouvement, une manifestation, on y prend part parce que ça nous amuse, parce qu'on a envie de voir, de voir râler contre les dirigeants que certains ont dans le nez' et puis ils se font attraper parce qu'ils sont là."
Ça chauffe à La #Commanderie ! Plusieurs groupes ont arrosé l’entrée du centre d’entraînement avec des fumigènes et des feux d’artifice. Ils essaient de pénétrer à l'intérieur de l’enceinte (Crédit : Cédric Monné) #OM #TeamOM pic.twitter.com/jasL2Ef6ch
— La Provence (@laprovence) January 30, 2021
Qui sont ces dirigeants qui mettent les supporters en colère ? Toute cette rage se concentre sur un seul homme, le président de l’Olympique de Marseille : Jacques-Henry Eyraud, arrivé à l'OM il y a un peu plus de quatre ans. Jeudi encore, le communiqué commun des clubs de supporters réclamait à nouveau sa démission.
À Marseille, les supporters ont plus de poids que partout ailleurs en France. Pour l'ambiance, pour la gestion des abonnements, aussi notamment. "Beaucoup ont voulu faire passer cette crise qu'il y a eu à la Commanderie pour les résultats sportifs, mais c'est plutôt les résultats d'une posture d'un homme qui a humilié les Marseillais et les Marseillaises", juge Hervé Bercane, supporter et intervenant régulier dans plusieurs forums et web-télés, comme le Football club de Marseille. "Ce n'est pas le fait qu'il soit parisien, puisque Bernard Tapie, qui est une idole, ici est parisien."
C'est une histoire de mépris, de dédain, de donneur de leçon, de dire qu'avant lui, tous les présidents étaient des tocards et c'était de la magouille.
Hervé Bercane, supporter, à propos de Jacques-Henry Eyraudà franceinfo
"Le mauvais scénario pour moi, poursuit Hervé Bercane, c'est encore une ou deux phrases malheureuses de la part de la direction représentée par monsieur Eyraud et dimanche, ça peut repartir. Donc j'espère vraiment que tout le monde va garder la raison et que l'on va revenir à des sentiments plus nobles."
"Il n'y a pas de fumée de fumigène sans feu"
Cette colère contre les dirigeants de l’OM ne date pas d’hier. Même les rappeurs marseillais en parlent dans leurs chansons, à l’image de Mika alias le Muge Knight, supporter du club phocéen depuis plus de 30 ans. En 2016, il sort le titre Bielsa, en duo avec Adikson, un autre rappeur, en hommage à Marcelo Bielsa, entraîneur de Marseille entre 2014 et 2015. Le club était à l’époque dirigé par Vincent Labrune, aujourd’hui président de la Ligue de football professionnel. La chanson commence comme ça : "Ici on aime les fous du genre Maradona. Les caves, ils ont cru qu’on était à Auxerre. Qu’ils dégagent tous et qu’ils vendent. On veut changer l’atmosphère".
"À l'époque c'était Labrune et on pensait que c'était le pire président de l'histoire, raconte Muge Kight. Et l'histoire nous montre que l'on peut avoir pire. Il y a cet abcès, qui gonfle de mois en mois avec aussi ce contexte du Covid, des gens qui ont en ont marre, il y a le couvre-feu, les gens sont enfermés. Ils sont supporters, ils vivent pour le club. Les résultats ne sont pas là, tu as un président qui fait des déclarations qui peuvent choquer, tout ça... Comme on dit, il n'y a pas de fumée de fumigène sans feu."
Le maire veut vendre le stade Vélodrome
La crise de l’OM n’est pas cantonnée au club et aux supporters. Elle a gagné la sphère politique. Samia Ghali, l’adjointe au maire, a rencontré les supporters et le maire Benoît Payan veut vendre le stade Vélodrome. "Je veux le vendre parce qu'il nous coûte trop d'argent, parce que c'est une gabegie financière. Je l'ai dit quand j'étais dans l'opposition, je le ferai quand j'aurai un acheteur et je me débrouillerai dans les mois, dans les années qui viennent, pour trouver un acheteur", insiste l'élu.
Le stade, ce n'est plus possible, niet, terminé : 15 millions d'euros de la poche des Marseillaises et des Marseillais pendant 30 ans, terminé.
Benoît Payan, maire de Marseilleà franceinfo
Le stade du club en vente, les supporters en colère qui réclament la démission du président, les défaites qui s’enchaînent... Il ne manque plus qu’une humiliation dimanche à domicile face au PSG et Marseille s’enfoncera encore un peu plus dans la crise.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.