Le porte-avions "Charles-de-Gaulle" de retour de mission : a-t-on vraiment besoin d'un successeur ?
Après quatre mois et demi de mission, le porte-avions "Charles-de-Gaulle" rentre à Toulon. À l’heure où son successeur est en cours de conception, la nécessité de l’existence de ces porte-avions pose de plus en plus question dans le monde.
Le Charles de Gaulle rentre vendredi 4 juin au port de Toulon, dans le Var. Le porte-avions est de retour d’une mission qui a duré quatre mois et demi et a notamment participé en avril et en mai à la lutte contre l’organisation État islamique en Irak et en Syrie. Les avions du Charles de Gaulle ont été catapultés depuis la Méditerranée orientale, le Golfe persique ou la mer Rouge au-dessus de l'Irak où Daech est toujours enkysté, plus clandestin, certes, mais toujours bien présent.
"Peu de frappes" mais une "pression continue"
Puisqu'il y a moins d'objectifs évidents et visibles à frapper, que faisaient les Rafale du Charles de Gaulle dans la zone ? "En fait, les missions de ‘Close Air support’ qui visent à appuyer des opérations de troupes au sol continuent, explique le chef d'état-major de la marine, l'amiral Pierre Vandier, présent jeudi sur le porte-avions, au large de Toulon. Dans les montagnes du nord de l’Irak, des caches, des groupes armés agissent toujours. L’armée irakienne va les déloger. Elle a besoin de support aérien. Dans cette mission cette année, il y a eu peu de frappes. On n’est pas dans une période d’offensives. En revanche, on est avec une pression continue pour que les forces ne se reconstituent pas. Et puis notre présence permet de recueillir des renseignements et de manœuvrer des troupes au sol de manière sûre en étant certain qu’au moindre déclenchement d’une offensive, elle va être tuée dans l’œuf."
Bilan du Charles de Gaulle et de ses avions, en 50 jours de lutte anti-Daech : 140 sorties aériennes et une frappe. Mais les Rafale savent aussi faire autre chose que du bombardement, comme l’a rappelé l’amiral Pierre Vandier. Au-delà d'être un outil militaire, le Charles de Gaulle est aussi, pour reprendre la formule du ministère des Armées, "42 000 tonnes de diplomatie", ce qui veut surtout dire que le porte-avions est aussi un outil politique. "Le simple fait de faire appareiller le porte-avions est déjà un signe politique fort et les zones dans lesquelles il est déployé sont des messages envoyés aux régions dans lesquelles il est déployé, développe l'amiral Marc Aussedat, le chef du groupe aéronaval, qui comprend le porte-avions et son escorte. C’est un objet de diplomatie aussi, avant tout un outil militaire mais dans sa présence, dans l’empreinte qu’il a, les endroits où il va faire escale, les rencontres qui sont faites, les interactions qui sont menées, sont autant d’actes à la fois militaires mais qui ont un retentissement diplomatique."
Un nécessité remise en question partout... sauf en France
Si l’utilité du porte-avions est démontrée, certains posent la question de sa nécessité. "Il y a des voix qui s’interrogent aux États-Unis ou au Royaume-Uni sur l’utilité des porte-avions, rapporte Jean-Pierre Maulny, de l'Institut de Recherches internationales et stratégiques. Aux États-Unis, c’est le coût très important, le fait que finalement, il en faudrait peut-être moins. Au Royaume-Uni, il y a eu un grand débat. Ils ont refait leurs documents stratégiques. Il y a eu beaucoup de critiques sur les surcoûts du 'Queen Elisabeth' et de l’utilité des porte-avions dans la guerre moderne, la guerre du futur. Et c’est vrai que les Chinois, qui devaient construire six porte-avions, ont finalement décidé de n’en construire que quatre."
Ce point est toutefois à nuancer, selon une source militaire, qui cite des nations voulant se doter de porte-avions : "les chantiers navals Fincantieri vont aider les sud-coréens à transformer leur porte-helicoptères en porte-avions. Les japonais sont dans une démarche similaire afin de faire décoller et apponter des F-35B (avion américain à décollage vertical)". Sans oublier les turcs, qui aimeraient eux aussi disposer d'un tel outil.
En France, il n'y a pas eu de grand débat ni sur l'utilité, ni sur la nécessité du porte-avions, ne serait-ce que pour des questions de puissance, d'indépendance et de souveraineté. Les Rafale du Charles de Gaulle embarquent l'arme atomique, il est donc un outil de dissuasion nucléaire, donc de puissance.
Un successeur encore plus massif
Le successeur du Charles de Gaulle, qui devrait opérationnel d'ici 2038, sera, lui, "75 000 tonnes de diplomatie". Il ressemblera à son grand-frère mais en plus gros. La piste oblique du porte-avions actuel mesure 200 mètres, elle en fera 230 sur le futur bateau. C'est logique, pourrait-on penser, puisque les avions qui décolleront et apponteront sur le nouveau porte-avions seront un tiers plus lourds, longs et larges que les actuels Rafale qu'ils remplaceront. Mais en réalité, ce qui dimensionne cette piste, c'est le nouveau système de catapultage électromagnétique et les brins d'arrêt, que l'avion qui apponte doit accrocher pour stopper. Les chaufferies nucléaires, deux, seront, elles aussi, un tiers plus puissantes.
Sur les 18 porte-avions en service, seuls les onze américains et le français naviguent à l'atome. Les autres puissances, Chine, Russie, Inde et Grande-Bretagne avancent au diesel. Le choix français tient à deux critères essentiels : autonomie en mer et maintien des capacités de la filière nucléaire française.
Côté équipage, on comptera un nombre identique de membres à bord, 1 200, mais ils seront mieux hébergés. Les chambrées et couchettes du Charles de Gaulle, conçu dans les années 1980, sont bien moins confortables que celles de bateaux plus modernes. Les études et la réalisation du successeur du Charles de Gaulle devraient couter entre 5 et 6 milliards d'euros, dont un milliard pour le nouveau système de catapultage, que les concepteurs américains ne braderont pas, pour remplacer les actuelles catapultes à vapeur.
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