Cet article date de plus de trois ans.

"Inspirant, apaisant" : quand des lieux de culte sont vendus et convertis en espaces de coworking, hôtels ou autres

Plusieurs dizaines d’édifices religieux, pas que des églises, mais aussi des chapelles, des presbytères, se vendent chaque année en France pour être transformés parce qu'ils n'ont plus d'"utilité" pour l'Église. Reportage à Nantes. 

Article rédigé par franceinfo - Victoria Koussa
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La chapelle Mondésir à Nantes a été transformée en espace de coworking, avril 2021. (VICTORIA KOUSSA / RADIO FRANCE)

À Nantes, un lieu de culte a le droit à une seconde vie depuis plusieurs mois. Une entreprise y a installé un espace de coworking qui attire du monde. De l’extérieur, la chapelle Mondésir ressemble à un lieu de culte comme un autre, de style gothique avec des croix sur la façade. Mais quand on pousse les portes, à l’intérieur, de grandes tables en bois remplacent les bancs des fidèles. Il fait bon et des tapis couvrent le sol. À la place de l’autel il y a un canapé, que les vitraux inondent de lumière, et des divans dans les alcôves pour les appels en visio, devant la statue de la Vierge Marie. Julie est la première à s’être inscrite, à l’ouverture, fin mai dernier. "C’est très inspirant, c’est un lieu qui est très apaisant, serein…", explique cette directrice artistique.

La chapelle Mondésir à Nantes a été transformée en espace de coworking, avril 2021. (VICTORIA KOUSSA / RADIO FRANCE)

Tout autour d’elle, le moderne se mélange à l’histoire de la chapelle. La nef est d’époque mais un immense lustre art déco y est suspendu. Un décor qui ferait presque oublier à Sandia qu’elle est au travail : "Vu l’espace, j'essaye à chaque fois de me placer à différents endroits parce que c’est vrai que le regard est différent. C’est vraiment beau, des fois je lève les yeux et je tombe sur une belle fresque, c’est vrai que ça inspire." Sur le bureau d’à côté, Vincent dessine sur sa tablette. Il n’a qu’à lever les yeux au ciel pour trouver des idées.

La lumière, les décors... Vu que je fais du graphisme peut-être que je suis un peu influencé par tous les éléments que l’on voit.

Vincent

à franceinfo

Sur les 60 postes de l’espace de coworking, une quarantaine sont occupés par des travailleurs nomades qui ne viennent pas tous les jours. Mais, ils sont de plus en plus nombreux. "Depuis à peu près deux mois, j’ai beaucoup de personnes qui viennent pour visiter, indique Marion, la manageuse de l’espace W'in. L’objectif est de sortir justement de chez eux car se retrouver entre quatre murs c’est compliqué. Quand on arrive dans une chapelle, on a une hauteur sous plafond qui est quand même extraordinaire. C’est aussi important de pouvoir sortir croiser du monde et de sortir de chez soi." Ces bureaux collectifs sont même accessibles la nuit pour ceux qui préfèrent une ambiance plus intimiste.

"On n’est pas cramponné à nos pierres"

Les membres du clergé ne sont pas forcément contre ces changements surtout que les édifices vendus sont désacralisés mais il faut pour François Renaud, vicaire au diocèse de Nantes, respecter certaines conditions : "On n’est pas cramponné à nos pierres. Ce qui compte, pour reprendre une expression biblique, ce sont les pierres vivantes, c’est-à-dire les membres de la communauté. Les pierres qui ont servi à édifier la chapelle ne sont que des pierres. Ces lieux ont été faits pour faire grandir l’homme et pour l’élever. Quand il est transformé en un lieu comme un hôtel de luxe ou un restaurant - il y a ça à Nantes - c’est un peu décalé par rapport au projet initial." 

La chapelle Mondésir à Nantes a été transformée en espace de coworking, avril 2021. (VICTORIA KOUSSA / RADIO FRANCE)

D’autres édifices sont d’après lui, détournés pour provoquer comme cette église devenue à Angers une boîte de nuit ou une chapelle en Mayenne reconvertie en gite érotique. Depuis la loi 1905, ce sont les communes qui possèdent la majorité des lieux de culte aujourd’hui mais quand il y a vente, l’Église a son mot à dire. La mairie doit obtenir l’accord de l’évêque avant d’accepter un projet. Mais une fois le bien vendu, le propriétaire peut le revendre et là plus besoin de l’aval du clergé.

"Il y a un gros réservoir d’églises"

Ces églises qui vivent une seconde vie n'existent pas que dans la région de Nantes mais dans toute la France. Le marché est à peu près le même depuis les années 1970 mais pour Patrice Besse promoteur immobilier spécialisé dans la vente d’édifice religieux, il peut exploser. "Il y a un gros réservoir d’églises qui vont être sans utilité dans les années à venir, affirme le promoteur immobilier. Régulièrement, des églises sont désacralisées parce qu’il n’y a plus usage de l’Église, ou parce qu’il y a deux églises dans un village alors qu’il y a un curé pour dix villages et une messe célébrée une fois par mois dans l’église. L’église n’a plus raison d’être." 

Le prix attractif de ces édifices religieux attire les gros projets. Si vous voulez par exemple vous offrir l’ancienne église anglicane de Compiègne à une heure de Paris avec jardin comptez 575 000 euros pour 500 m² soit 1 300 euros le m². Une affaire, si on oublie tous les travaux qu’il y a derrière !

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.