Industries de santé : l'innovation et le haut de gamme, "recette magique" des entreprises françaises
La crise sanitaire, ses pénuries de masques, d’oxygène et de médicaments ainsi que l'échec dans l'élaboration d'un vaccin contre le Covid-19 ont mis en évidence pour Emmanuel Macron la nécessité pour la France de regagner sa souveraineté industrielle.
Les entreprises du secteur le disent : il est possible de réussir en France quand on est un industriel, mais il faut absolument remplir plusieurs conditions, sous peine d’aller droit vers la faillite. Exemple à Veauche, près de Saint-Etienne, dans l’usine du groupe Urgo. On y fabrique des bande de compression pour cicatriser les escarres et les plaies provoquées par des ulcères. Et l’usine double sa surface, avec l'inauguration 31 janvier d'une extension. Ces bandes de compression, c’est un marché de niche et une belle réussite : le groupe français est leader avec 16 millions de ces bandes vendues chaque année, une progression de 15% par an.
Ce qui explique le succès de ces ventes, selon le groupe, c'est la faculté d'innovation : pour réussir, quand on est un industriel français, il faut se démarquer, ne pas faire des produits basiques sur lesquels les industriels asiatiques, chinois notamment, seront plus compétitifs. Il faut au contraire proposer des produits différents, compétitifs, en l’occurrence une bande qui est extensible, qui adhère bien et qui est pratique à poser sur une plaie. "C'est ce qui nous différencie d'autres industries qui vont faire le choix du 'moins cher'," confirme le directeur d’Urgo Médical, Guirec le Lous.
"Il faut faire le pari de la valeur ajoutée, faire les meilleurs produits du monde, ceux qui vont ensuite se diffuser le plus largement possible auprès de tous les patients qui en ont besoin."
Guirec Le Lous, directeur d'Urgo Médicalà franceinfo
Et pour proposer un produit différent, haut de gamme, il faut forcément innover en permanence : "Il faut toujours garder une longueur d'avance, continuer d'investir dans la recherche, le développement, dans l'innovation. Au total, on va investir 30 millions d'euros sur le site, précise Guirec le Lous. Cela fait partie de la recette magique : quand on réussit à avoir un bon produit, qui plaît aux patients et qui du coup 'grandit' bien, cela permet de continuer à investir dans la recherche et le développement pour créer les produits de demain. C'est comme ça qu'on réussit."
Autre exemple à Cébazat, près de Clermont-Ferrand, avec le Puy-de-Dôme en toile de fond. L'usine Luxfer, qui fabriquait notamment des bouteilles d’oxygène médical, a fermé il y a trois ans. L’industriel britannique s’est retiré. Mais les anciens salariés comme Axel Peronczyk ont relancé un nouveau projet d’usine, avec l’industriel girondin Europlasma : "Aujourd'hui c'est un terrain vague. Ce sera un bâtiment de 30 000 ou 35 000 mètres carrés, qui va comporter des activités de forge, d'usinage... Tout ce qu'il faut pour fabriquer des bouteilles de gaz haute pression à destination de l'industrie médicale."
Des projets difficiles à financer sans argent public
Des bouteilles haut de gamme, peut-être un peu plus chères à l’achat, mais un produit innovant. "Par exemple, on fait du portatif : pour l'oxygénothérapie à domicile, qui est en vogue en ce moment. Plus vous faites des produits légers, plus c'est agréable pour le patient ; en tout cas cela lui simplifie la vie. Donc ça implique de maîtriser la technique des alliages et techniques de forge pour réduire les poids, ou d'augmenter la pression dans les réservoirs pour en contenir toujours plus dans un moindre encombrement, explique Axel Peronczyk, qui parle de revanche : "Cela prouve qu’on peut rouvrir des industries."
À quel prix ? 100 millions d’euros pour ce projet, financé pour moitié par le groupe Europlasma, et pour l’autre moitié par l'État et les collectivités locales. "C'est un projet d'envergure, d'industrie lourde. Cela aurait été très compliqué sans l'intervention des services publics et des collectivités locales", reconnaît Axel Peronczyk.
"Pour un projet comme celui-là, il fallait de la volonté de tous les côtés."
Axel Peronczykà franceinfo
De l’argent public : c'est l’un des ingrédients essentiels pour que la greffe industrielle fonctionne. Dans le cadre de son plan d’aide aux industries de santé, le gouvernement a ainsi déjà soutenu environ 130 projets depuis deux ans, pour un montant de 160 millions d’euros.
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