Guerre entre Israël et le Hamas : dans les coulisses du cabinet de guerre israélien, miné par "un manque de confiance total" entre ses membres
Depuis les attaques du Hamas du 7 octobre, Israël a crée un organe appelé "cabinet de guerre", chargé de conduire la riposte du pays. Il est normalement le gage de l'unité nationale, mais il apparait aujourd'hui profondément divisé. Ce cabinet a été constitué et présenté au monde entier le 11 octobre 2023, quatre jours après les attaques du Hamas.
Face aux caméras : deux hommes, Benyamin Nétanyahou et son rival politique Benny Gantz. Sous la pression, le Premier ministre israélien accepte enfin de former un gouvernement d'unité nationale. "Israël est unie, et aujourd'hui ses dirigeants sont aussi unis", voilà ce que disait le Premier ministre israélien il y a un mois. Pour bien faire comprendre le message, depuis, tous les membres du cabinet de guerre portent une chemise noire en signe de deuil. Pourtant un mois après, cette unité de façade paraît bien mise à mal.
Des conférences de presse scrutées à la loupe
Pour bien comprendre les failles de cet organe, il faut rappeler que le cabinet est composé de cinq hommes, aux profils très différents. D'abord évidemment, le Premier ministre, pur politique. À côté de lui, le ministre de la Défense, Yoav Gallant et deux membres de l'opposition, Benny Gantz et Gadi Eizenkot. Tous les trois ont la particularité d'être d'anciens généraux de l'armée israélienne. Pour compléter le cabinet, Benyamin Nétanyahou s'est adjoint l'un de ses plus proches amis : l'américain Ron Dermer. On le présente même comme son deuxième cerveau.
Officiellement, rien ne filtre des réunions et des éventuels débats entre ces hommes mais lors des rares conférences de presse, les gestes de chacun sont très observés. Et le dernier exemple en date était le samedi 11 novembre 2023. "À la fin de la conférence de presse, Nétanyahou s'est levé et de l'autre côté, Gantz et Gallant se sont serrés la main comme de bons camarades, se souvient Daniel Ben Simon, ancien membre du parti travailliste. Ils se sont presque embrassés en laissant Nétanyahou de côté, comme s'il n'existait pas. Cela veut dire qu'il y a un problème dans ce cabinet : un manque de confiance total."
Ron Dermer, "l'ombre de Nétanyahou"
Un homme dans ce cabinet était supposé jouer le rôle de modérateur, l'américain Ron Dermer, nommé notamment pour faire le lien avec la Maison Blanche. Mais c'est un proche de Donald Trump, ce qui ne facilite pas le dialogue avec l'administration Biden. Et puis cet homme, né en Floride, n'a pas fait l'armée israélienne. C'est un réel handicap pour Daniel Ben Simon : "Il parle à peine hébreu… Il est collé à Benyamin Nétanyahou, c'est tout. Dermer, c'est l'ombre de Nétanyahou. Mais est-ce que ça veut dire qu'il a une grande influence ? Non. Les autres généraux ne le prennent pas au sérieux."
Cela dit, ces divisions au sein du cabinet de guerre ont moins de conséquences sur le terrain, sur la façon dont est conduite la guerre, qu'on pourrait l'imaginer. Car les cinq hommes en noir du cabinet ne sont pas seuls à décider. Ils sont conseillés par des responsables de l'armée, des services de renseignement. Il y a aujourd'hui consensus sur les deux objectifs principaux : éradiquer le Hamas et récupérer les otages. En revanche, sur l'après Hamas, l'après guerre, cela reste très flou. D'autant que l'extrême droite au gouvernement, exclue du cabinet de guerre, tente de faire pression mais pour le moment sans succès. "L'extrême droite, Smotrich et Ben-Gvir, n'ont pas une grande influence, analyse Ilan Greilsammer, professeur de sciences politiques. Nétanyahou les a pris parce qu'il n'avait pas de coalition sans eux, mais il s'en méfie. Donc on peut au moins se rassurer sur ce point : il n'y aura pas de retour des colonies dans la bande de Gaza."
Quel avenir pour Nétanyahou après la guerre ?
Enfin surtout, ce qui divise le cabinet c'est l'avenir de Benyamin Nétanyahou après la guerre. Le Premier minsitre semble bien décidé à se maintenir au pouvoir à tout prix. "Nétanyahou est un menteur pathologique, estime Emmanuel Navon, proche du Likoud. C'est une personnalité pourrie. Il est clair qu'il veut gagner la guerre, mais il est clair aussi qu'il pense déjà à l'après, qu'il le prépare déjà. Il essaye de cacher des documents donc il pense à lui-même en pleine guerre."
Preuve supplémentaires que "Bibi" compte bien rester en place, lorsque le cabinet sera dissout à la fin de la guerre : on a appris lundi 13 novembre au soir que son directeur de cabinet aurait cherché à récupérer les traces de ses appels téléphoniques passés dans la nuit du 6 au 7 octobre, la veille des attaques. L'objectif est de prouver que le Premier ministre n'était au courant de rien.
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