Destructions d'emplois, sur-consommation, fin du commerce traditionnel... le développement d'Amazon en France suscite de plus en plus d'oppositions
Les nouvelles implantations du géant du commerce en ligne dans l'Hexagone sont très critiquées mais pas forcément là où l'entreprise s'est établie. Reportage en Alsace, à Ensisheim, où Amazon doit construire un nouvel entrepôt.
Avec le confinement et la crise du Covid-19, Amazon est devenue l'entreprise la plus riche du monde. Le géant du commerce en ligne n’en finit plus de se développer, suscitant dans le même temps de plus en plus d'oppositions. Officiellement, on compte sept entrepôts Amazon dans l’Hexagone, et six centres de tri. Mais, on manque de visibilité sur l’étape suivante car le plan de développement de l'entreprise américaine n’est pas public. Des députés qui ont poussé pour un moratoire, parlent d’un doublement des capacités en 2021. Les ONG, qui suivent le géant à la trace, craignent 13 nouvelles implantations.
L’un des secteurs où l’on peut prendre la température de l’opposition au numéro 1 du commerce en ligne est dans le Haut-Rhin : à Ensisheim, entre Mulhouse et Colmar. Sur le parking devant la préfecture de Colmar, mercredi 30 septembre, on compte une cinquantaine de personnes. Elles viennent de monter un petit mur de carton Amazon. Pour tenter symboliquement de faire barrage à un projet d’entrepôts qui a obtenu à l’été 2020 un permis de construire sur la commune d'Ensisheim, situé à 20 minutes en voiture de Colmar par l’autoroute A35.
Des pro et des anti
Marie-Claire Viton, retraitée, a fait 40 km pour tenter de se faire entendre : "Il y en assez je crois que c’est le vieux monde qui a besoin que ça s’arrête. On nous dit qu’il ne faut plus gaspiller les terres, qu’il faut des emplois, qu’on veut un autre monde mais c’est ce vieux monde qui est en train de crever et qui doit arrêter de nous saccager notre planète, notre environnement, de faire de nous des consommateurs-clics."
Visiblement Amazon est le parfait exemple pour la convergence des luttes. Derrière les banderoles, il y a les Verts, La France insoumise, la Confédération des commerçants de France et l'association environnementale Alsace Nature. Mais tous ces opposants viennent de l’extérieur, il n’y a personne d'Ensisheim. Dans l’ancienne commune minière, devenue ville fleurie, les commerçants interrogés ouvrent d’ailleurs les bras à Amazon. "Je n’y vois pas d’inconvénient, répond une commerçante. Je pense que les nuisances ne sont pas vraiment là-bas. Ils ont leur sortie vers l’autoroute je ne pense pas que ça va nuire au voisinage."
Je pense que l’on ne refuse pas les emplois.
Commerçante à Ensisheim
Le projet attend encore le feu vert de la préfecture. L’entrepôt ferait 190 000 m². Il tournerait 24 heures sur 24, avec 300 camions par jours et des robots. Pour les opposants, c’est la signature d'Amazon. Mais il n’y a pas de confirmation parce que dans ces projets, il n’y a pas de transparence, et pas d’exploitant déclaré. Les élus locaux n’ont d’ailleurs pas donné suite aux demandes d'interview.
Des destructions d'emplois ?
Mais il n’y a pas que des écologistes qui sont contre le géant du e-commerce. Amazon doit aussi faire face à la fronde des centres commerciaux. D’abord il y a une distorsion commerciale entre le e-commerce et le commerce traditionnel. Les procédures d’implantations ne sont pas les mêmes. La fiscalité sur les surfaces avantage le e-commerce. Et la vente en ligne a créé une niche pour la fraude à la TVA qui permet de réduire le coût des produits proposés.
L’autre aspect c’est la menace à terme sur l’emploi. Alma Dufour est chargée de campagne à l’association Les Amis de la Terre. L’organisation cible Amazon depuis deux ans et demi. "On a des nouvelles études qui sont tombées des États-Unis où le e-commerce s’est développé bien avant et où Amazon est très hégémonique, explique Alma Dufour. Les chiffres sont effrayants. Les études estiment qu'entre 2008 et 2020 c’est 670 000 emplois qui ont été détruits, en comptant les créations par Amazon notamment".
Ils estiment que pour un emploi créé dans le e-commerce, et notamment chez Amazon, c’est 4,5 emplois qui sont détruits dans le commerce physique.
Alma Dufour, Les Amis de la Terre
Amazon est présent en France depuis plus de dix ans, et visiblement les élus ne s’en plaignent pas.
Un apport financier pour les communes
Certains font même campagne pour le géant du commerce en ligne. C’est le cas de Maryse Vandepitte. Elle est maire de Boves près d’Amiens (Somme), Amazon y est implantée depuis trois ans. Pour elle, le géant du commerce en ligne n’est pas le grand méchant loup : "Avec l’arrivée d’Amazon, nous avons la perception depuis deux ans d’un supplément de taxe foncière. Et ça nous a permis, notamment en octobre 2019, de pouvoir faire bénéficier les parents d’élèves du groupe scolaire d’une baisse de la cantine".
Par ailleurs, nous avons un projet de salle polyvalente. On peut l’envisager beaucoup plus sereinement avec l’arrivée de cette manne financière dans la collectivité.
Maryse Vandepitte, maire de Boves
Derrière Amazon, c’est le modèle de développement qui est questionné. La semaine dernière, la métropole de Rouen s’est prononcée contre l’installation d’un nouvel entrepôt à Petit-Couronne. Mais c’est la préfecture, donc les services de l'État, qui a le dernier mot sur le dossier.
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