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Après l'effondrement de plusieurs cryptomonnaies, les investisseurs déchantent : "J'ai vu mon capital chuter de 99%"

Le crash a fait perdre des centaines de millions d'euros et de dollars aux investisseurs. Au début du mois, deux cryptomonnaies ont perdu la totalité de leur valeur en seulement quelques heures. 

Article rédigé par franceinfo - Thomas Giraudeau
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Romain Saguy, de Coinhouse, dans les locaux de son entreprise, le 23 mai 2022.  (THOMAS GIRAUDEAU / FRANCEINFO)

Anthony, jeune développeur web installé à Montpellier, fait partie de ces Français qui ont énormément investi dans les cryptomonnaies, ces monnaies numériques utilisées sur internet. Comme beaucoup d'autres, il a perdu énormément d'argent depuis le début du mois de mai. 

Le 9 mai dernier, alors que la valeur totale de ces cryptomonnaies dépasse 20 milliards de dollars, des investisseurs se mettent à en vendre en masse, sans véritable explication. Le cours de deux cryptomonnaies, le Terra et le Luna, chutent en flèche. En voyant cette chute, d'autres investisseurs paniquent, et vendent aussi. C'est le crash ! Le 9 mai, un Luna vaut encore 60 euros. Trois jours plus tard, il ne vaut plus rien, à peine 1 centime. 

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Anthony a alors perdu 30 000 euros. "Cela représente une année de salaire. J'ai vu mon capital chuter de 99% tout en étant bloqué. Je ne pouvais pas disposer de mes fonds, explique-t-il. Je ne m'en veux pas d'avoir investi parce que ça fait partie des risques, je croyais au projet. Là où je m'en veux, en revanche, c'est ne pas avoir pris une partie de mes bénéfices au moment où mon capital était au plus haut."

Le jeune homme s’en veut également d’avoir réinvesti 10 000 euros de sa poche en pleine tempête. Le Luna vaut alors 15 dollars, et il parie sur une remontée de celui-ci, qui n’arrivera jamais. "J’ai fait ça par pur appât du gain", regrette-t-il a posteriori. À trois heures du matin, je place 10 000 euros. Quand je me réveille, ils valent à peine 1 500."  

Anthony pense pouvoir regagner ces 30 000 euros mais des investisseurs envoient des messages désespérés sur les réseaux sociaux. Des numéros de prévention anti-suicide ont même été partagés sur des forums spécialisés. Un homme avec qui nous avons discuté et qui préfère rester anonyme, a perdu plus de 200 000 euros. Il est aujourd'hui surendetté. Toutes ses économies sont parties en fumée.   

Le Bitcoin entraîné dans la chute 

La plus puissante des cryptomonnaies, mais aussi la plus connue, le Bitcoin, pèse plus de 500 milliards d'euros sur les marchés. Avec le naufrage de Terra et Luna, elle a plongé de 15%. Le Bitcoin a perdu plus de la moitié de sa valeur lors des six derniers mois. En cause : la guerre en Ukraine, et la Fed, la banque centrale américaine, qui a remonté ses taux d'intérêt. Ainsi, emprunter devient plus cher.

Cela pousse les investisseurs à prendre moins de risques et donc à s'écarter des cryptomonnaies. La capitalisation mondiale des cryptos a ainsi été divisée par plus de deux.  

Le cours du Luna s'est totalement effondrée en l'espace de trois jours, du 9 au 12 mai. (CAPTURE D'ÉCRAN / COINMARKETCAP)


Les cryptos comme le Bitcoin ont été créées avec un objectif politique, celui de ne plus dépendre des États et des banques centrales. En quelque sorte, "d’être indépendant", explique Nathalie Janson, professeur de finance, spécialiste des cryptomonnaies à Neoma Business School. Aujourd’hui, il a été adopté par le système financier traditionnel", ajoute-t-elle. Finalement, les décisions des banques centrales jouent aussi sur la valeur des cryptos. "Elles suivent également de plus en plus la courbe du Nasdaq", l’indice américain regroupant les grandes entreprises technologiques.

Mathieu Jamar dirige DCY, une société de gestion de crypto-actifs : "C'était très agréable de ne pas avoir autant de corrélation. Et là, elle est vraiment très importante", regrette-t-il. Ce n'est donc pas agréable car cela traduit un marché crypto inerte. Malheureusement, il dépend des aléas de l'économie. Il y a une certaine remise en question de ce qui m'a intéressé dans les cryptos initialement. C'était d'être à la pointe, et de ne pas être sur quelque chose de tout à fait commun, assimilé aujourd'hui."  

8% des Français ont investi dans les cryptomonnaies

Les cryptomonnaies ne sont aujourd'hui plus réservées aux seuls spécialistes de l'informatique. Selon une étude du cabinet KPMG, réalisée par l’Association pour le développement des actifs numériques, 8% des Français en ont dans leurs poches, et 16% des Américains. La majorité (46%) sont des jeunes hommes, de moins de 35 ans. 

Ces Français doivent-ils s'inquiéter de voir l'effondrement de certaines cryptomonnaies ?  Pour Romain Saguy, de Coinhouse, une banque qui propose des placements dans ce secteur, s'il y une baisse de la valeur, elle est "normale" car le marché est "cyclique" et "avait connu des précédentes crises, comme en 2018."

Pour lui, le marché va se consolider d’ici cinq à dix ans autour de quelques cryptos, comme le Bitcoin, leader du marché, et l'Ethereum, une autre monnaie qui le talonne. "C'est normal et c'est sain. Il faut voir que le marché des cryptoactifs est très récent. Le Bitcoin a 12 ans, l'Ethereum date de 2015-2016. Actuellement, vous avez deux cryptos solides. Tous les autres projets, il faut les voir un peu comme des start-up. Peut-être que dedans, vous aurez les Google et Facebook de demain. Cependant, le tri va se faire entre les projets viables et ceux qui ne le sont pas."  

"Il est probable qu'un grand nombre de cryptomonnaies disparaissent car nous sommes encore dans un marché immature qui se cherche."

Romain Saguy, Coinhouse

à franceinfo

Romain Saguy appelle les investisseurs à limiter les risques, en plaçant la majorité de leurs investissements en cryptomonnaies dans l’Ethereum et le Bitcoin, et en ne plaçant pas plus de 5 à 10% de leur patrimoine. "Il faut seulement investir l’argent que l’on peut se permettre de perdre", répète-t-il régulièrement.   

"Un marché qui pose question"

Pour l'instant, la chute de Terra et Luna n'a pas fait tomber les grandes places boursières, comme en 2008 lors de la crise financière des subprimes. C'est cependant un avertissement, pour Nathalie Janson : "Cela reste un marché moindre au niveau de sa diffusion. Néanmoins, il y a eu des analyses qui tendent à montrer qu'on a un plus grand lien aujourd'hui. Le fait que le marché des cryptos prenne de l'ampleur pose cette question. Le risque d’effet en cascade commence à grandir. Ce n'est pas un hasard si les régulateurs veulent intervenir."  

La Commission et le Parlement européens planchent sur une directive et un règlement pour encadrer les cryptomonnaies. Elle s'appuie notamment sur la loi Pacte, votée en France il y a trois ans. Elle oblige les gestionnaires d'actifs crypto à s'enregistrer auprès de l'Autorité des marchés financiers.

L’objectif est également de limiter l’usage des cryptomonnaies pour le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Celles-ci n’étant pas tracées par des banques ou banques centrales, leur usage est moins contrôlé. À noter également que des pays s’intéressent de très près aux cryptomonnaies. Le Salvador a fait de la crypto une monnaie légale, à côté du dollar, en septembre 2021. Depuis, l’État a acheté des bitcoins, et en a revendu une partie pour financer divers projets.  La ville de Miami a elle lancé sa propre cryptomonnaie. Elle a perdu 95% de sa valeur, en l’espace de huit mois.

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