Législateurs ou influenceurs ? À l'Assemblée, 97% des propositions de loi ne sont pas votées
Vous souvenez-vous de cette proposition de loi du député RN Julien Odoul pour interdire la vente de galettes des rois en grandes surfaces pendant le mois de janvier ? Ou celle de Nicolas Dupont-Aignan visant à faire reconnaitre le cheval comme animal de compagnie ?
Pourtant, ces propositions de loi (ou PPL) font partie des centaines de textes dĂ©posĂ©s par des dĂ©putĂ©s chaque annĂ©e. Ils en ont le droit, c’est mĂŞme l’une de leurs fonctions mais on note sous la lĂ©gislature actuelle une inflation de ces textes... surprenants, et qui en grande majoritĂ© ne mèneront Ă rien.Â
Sur 574 textes, seuls 17 ont été adoptés
Selon les chiffres publiés par l'Assemblée nationale, 574 propositions de lois ont été déposées par des députés lors de la session 2022-2023. C’est quatre fois plus que l’année précédente. Sur ces 574 textes, 70 ont été examinés en séance et seuls 17 ont été adoptés. 97% des propositions de loi n’aboutissent donc pas.
On appelle cela des "textes d’appel". Une fonction plus politique que lĂ©gislative, qu'on retrouve aussi frĂ©quemment sur le dĂ©pĂ´t des amendements. Dans une AssemblĂ©e oĂą les parlementaires sont très bridĂ©s, Ă©crire une proposition de loi permet de faire un coup, d'essayer d’imposer une question dans l’agenda politique. En un mot, c’est tenter, tout simplement, d’exister. "C’est difficile d’être visible au milieu des autres dĂ©putĂ©s", reconnaĂ®t une conseillière. Â
En rĂ©alitĂ©, personne n’est dupe. La plupart de ces textes ne sont pas co-signĂ©s. Beaucoup ne sont mĂŞme pas bien Ă©crits, rĂ©ellement Ă©tudiĂ©s ou financĂ©s, mais ils offrent un quart d'heure de cĂ©lĂ©britĂ© sur les chaĂ®nes info. "La classe politique s’intĂ©resse plus Ă ses likes sur instagram qu’au fond des sujets", s’agace Tris Acatrinei, fondatrice du Projet Arcadie qui scrute l’actualitĂ© parlementaire.Â
Le risque démocratique du coup de com' permanent
Cette stratĂ©gie ne touche pas que l'opposition. Dans la majoritĂ© aussi, il y a des propositions de loi "ballon d’essai". Il y a quelques mois, le dĂ©putĂ© macroniste Sacha HouliĂ© relançait l’idĂ©e du droit de vote des Ă©trangers, dĂ©clenchant une bronca immĂ©diate, mĂŞme dans son camp. À l’époque, son entourage en convenait : ce texte n’avait pas vocation Ă ĂŞtre Ă©tudiĂ©. C’était pour "cranter le dĂ©bat". Â
Une proposition de loi, c’est donc un outil de communication. Un outil de rapport de force politique jusque dans la majorité. Mais attention : plus il y a de lois qui ne voient pas le jour, plus vous créez un risque démocratique. Risque de déception chez les électeurs qui peuvent croire, de bonne foi, que leur député se bat pour eux, alors que ce n’est que de la com.
Début juin, le député LFI Louis Boyard annonçait sur TikTok une loi contre le blocage du partage des codes Netflix. Succès médiatique immédiat. Hier soir, le député nous a précisé que ce texte n’a pas encore été déposé. Etre législateur semble plus complexe qu’être influenceur…
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