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Emmanuel Macron garde un oeil sur l'islam de France

Le conflit qui mine le culte musulman autour de la "Charte des principes de l'islam de France" n’arrange pas les affaires de l’exécutif. Mais le chef de l'État a un plan.

Article rédigé par franceinfo - Neïla Latrous
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des membres du CFCM à l'Elysée le 17 janvier 2021 pour la signature de la "Charte des principes" de l'islam de France (LUDOVIC MARIN / POOL)

Résumé des épisodes précédents : pour lutter contre les séparatismes, Emmanuel Macron a poussé un texte, la "Charte des principes pour l’islam de France", qui réaffirme la compatibilité de l’islam avec la République. Et qui engage notamment les signataires à renoncer à l’islam politique, ou à ne plus criminaliser l’apostasie.

Le problème, c’est qu’en janvier, trois fédérations membres du Conseil français du culte musulman - le CFCM - ont annoncé refuser de parapher cette charte. La décision a été condamnée par les autres organisations signataires et ce week-end, quatre d’entre elles ont claqué la porte du CFCM pour créer leur propre instance. 

Ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’exécutif, parce que le CFCM était jusqu’ici le partenaire des pouvoirs publics dans la réorganisation de l’islam de France. Ses secousses internes ralentissent les chantiers lancés par Emmanuel Macron, comme la création du Conseil national des imams, pour "labelliser" des ministres du culte qui ne soient ni des radicaux, ni des charlatans - "l’imam YouTube" -, ni des ambassadeurs officieux de pays musulmans - les imams détachés, rémunérés par des pays étrangers.

Diluer l'influence du CFCM

Le ministère de l’Intérieur assure prendre tout cela avec philosophie, appelant à ne pas surestimer ce qui se passe... Place Beauvau, on assure avoir anticipé ces secousses. Car aux divergences idéologiques entre fédérations s’ajoutent des contentieux personnels très anciens entre représentants du culte musulman. "Le CFCM a besoin d’évoluer", reconnaît un conseiller.

Surtout Emmanuel Macron a un plan, pour continuer à dérouler sa feuille de route : multiplier les interlocuteurs. Dit plus clairement par l’Elysée : le chef de l'Etat veut appuyer sur plusieurs leviers. Le CFCM certes, organisé au niveau national, mais aussi des figures qui n’en font pas partie, des indépendants comme le grand imam de Bordeaux Tareq Oubrou.

L’exécutif travaille aussi sur un maillage départemental : fédérer des acteurs locaux pour installer un dialogue au niveau des préfets. Tout cela revient d’une certaine façon à diluer l’influence du CFCM. "On peut aisément faire avec un Conseil dans un format réduit, qui gère les affaires courantes", reconnaît un familier du dossier.

Choisir ses interlocuteurs

Cela ne veut pas dire tourner le dos à l’instance, dont le président sera d’ailleurs reçu, plutôt la semaine prochaine, par le ministre de l’Intérieur. Gérald Darmanin, qui est aussi ministre des Cultes, ne va pas lui dire comment organiser le Conseil, la laïcité ne le lui permet pas. Il va le prévenir en revanche que "l'État ne peut pas porter le même regard sur ceux qui ont fait preuve d’audace et signé la charte, et ceux qui la refusent." "On ne peut pas laisser lettre morte les choix faits par certains", explique un conseiller.

"On sait à qui on n’a pas envie de parler, complète le même. On parlera à ceux qui ont pris des positions fortes sur les valeurs et les principes." Cela peut conduire le CFCM à faire le ménage dans ses rangs.

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