Le brief éco. Birmanie : les groupes français à l’heure des choix
Le putsch militaire qui a renversé Aung San Su Kyi a fait plusieurs centaines de morts et des milliers de disparus. Les Birmans continuent de résister dans la rue, jour après jour. Partir ou rester ? Tel est le choix auquel sont confrontées les entreprises. Et le justifier.
Plus de 550 civils, dont des femmes et des enfants, ont été tués par les forces de sécurité birmanes depuis le putsch du 1er février qui a renversé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi, d'après l'ONG Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Et le bilan pourrait être beaucoup plus lourd : quelque 2 700 personnes ont été arrêtées. Beaucoup, détenues au secret, sans accès à leurs proches ou à un avocat, sont portées disparues.
Malgré la répression, les manifestants sortent tous les jours, souvent en petits groupes, pour protester contre le rétablissement d'un régime militaire après une décennie de transition vers la démocratie. Et pour les entreprises étrangères, et notamment françaises, est donc arrivé l’heure de faire un choix : partir ou rester.
Total reste quand EDF jette l'éponge
Total a tranché : il reste, et Patrick Pouyanné, le patron du géant pétrolier, s’en explique dans une tribune publiée par Le Journal du Dimanche. Il se dit bien sûr révolté par la répression en Birmanie, mais donne toute une série de raisons pour lesquelles il ne passera pas à l’acte. Notamment la sécurité de ses employés dans le pays, qui risqueraient d’être arrêtés et soumis au travail forcé. Une décision qui tranche avec celle d’EDF, qui, il y a quelques jours, a jeté l’éponge, suspendant son projet de construction d’un barrage hydroélectrique pour plus d’un milliard d’euros.
Pourquoi est-il si difficile pour Total de quitter la Birmanie? Parce que Total est dans le pays depuis bientôt 30 ans, et qu’il est lié à ses partenaires locaux par un contrat qu’il est tenu de respecter. Le Français opère dans la zone des gisements de gaz naturel situés en mer, qui alimentent à la fois le marché birman et la Thaïlande voisine. Ce gaz permet à lui seul de produire la moitié de l’électricité de la capitale, Rangoun. Fermer le robinet serait un coup très dur pour la population.
Cette empathie pour le peuple birman, c’est aussi ce que met en avant Accor. Le groupe hôtelier, lui aussi, a décidé de rester. Accor ne quitte jamais un pays quand il souffre, disait récemment son PDG, Sébastien Bazin, sur cette antenne. D’autant que le tourisme est vital pour le pays.
Agir contre le régime birman tout en restant dans le pays
Certains l’ont fait, comme le sidérurgiste coréen Posco, qui dit avoir suspendu tous les paiements de ses dividendes à son partenaire birman. C’est le genre de mesure que demandent les associations de défense des droits de l’homme : arrêter de financer la junte en lui coupant les vivres, quand c’est possible, ou alors bloquer l’argent sur des comptes en attendant le retour de la démocratie.
À l’heure où la RSE (responsabilité sociale des entreprises) prend de plus en plus de place dans la stratégie des grands groupes, travailler avec un régime douteux n’est plus une option. Cette incompatibilité avec sa politique RSE, c’est ce qu’a invoqué EDF pour justifier son retrait. Total l’a bien compris, car lui aussi doit des comptes à ses actionnaires et à ses clients. Pour preuve, le groupe pétrolier s’engage à financer les organisations défendant les droits humains dans le pays, à hauteur de ce qu’il verse annuellement à l’État birman. L’an dernier, c’était près de 150 millions d’euros en droits de production et taxes diverses. Un sacré pactole.
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