Que se passe-t-il à la centrale nucléaire de Taishan en Chine ?
C'est le seul endroit au monde où des EPR, conçus par EDF, sont en fonctionnement. Les révélations de la chaîne CNN montrent de grosses tensions entre les opérateurs français et leurs partenaires chinois sur les seuils de sûreté à ne pas dépasser.
Que se passe-t-il sur l’EPR numéro 1 de la centrale de Taishan en Chine ? Lundi 14 juin, la chaîne de télévision américaine CNN a révélé des documents et des témoignages sur des échanges tendus au sein de la centrale entre les partenaires français et chinois. L’entreprise française Framatome a même alerté le gouvernement américain d’une "menace radiologique imminente" en provenance de cette centrale.
Pour l'instant, il ne s’agit pas d’une fuite dans l’environnement mais d’une fuite au sein du cœur du réacteur de nouvelle génération, EPR, conçu par EDF. Les barres de combustibles qui contrôlent la fission ne sont plus étanches. Du coup, des gaz radioactifs comme le xénon, sont en train de se répandre et d'empoisonner l’eau de la chaudière. Ces gaz peuvent être épurés avec des produits chimiques pour être retirés du circuit primaire, celui de l’eau chauffée par le réacteur qui tourne en circuit fermé. Ils sont ensuite stockés dans des réservoirs tampons. On attend ensuite quelques semaines, qu’ils soient moins radioactifs, pour les relarguer dans l’atmosphère. D’ailleurs, l'observatoire de la radioactivité de Hong Kong a repéré un rejet début avril en provenance de Taishan.
Comme toutes les centrales nucléaires, elle fonctionne avec des rejets dont les autorités fixent les niveaux. La Chine vient récemment de s'accorder des marges supplémentaires. C'est pourquoi dans un communiqué, les autorités chinoises parlent de niveaux environnementaux normaux.
Des seuils différents entre la Chine et la France
Nous sommes encore loin du stade d'un accident mais il y a aussi des questions de seuils à ne pas dépasser. Framatome, filiale d’EDF, a fabriqué ses barres de combustibles dans son usine de Romans-sur-Isère avant qu’elles ne soient utilisées en Chine. Elles contiennent des pastilles d’uranium entourées d’une gaine métallique. Ces gaines fuient, ce qui peut aussi arriver dans nos réacteurs. On surveille et quand il y a trop de gaz, on intervient.
Les seuils atteints fin mai à la centrale chinoise provoqueraient en France un arrêt du réacteur sous 48 heures. Il faut dire que nous avons des niveaux très élevés de sûreté. Mais connaître la différence de niveau entre les deux est une question à laquelle les opérateurs français comme EDF ou Framatome refusent de répondre. C'est visiblement sur ce point que la filiale américaine de Framatome a décidé de contacter le département américain à l'énergie.
Des tensions entre les partenaires chinois et français
Taishan est la fierté d’EDF. Deux EPR qui fonctionnent, de quoi faire oublier les déboires de Flamanville et d’Olkiluoto en Finlande. L’énergéticien compte sur des contrats en Inde, au Royaume-Uni, en Pologne mais aussi en France avec six nouveaux EPR, si le gouvernement français donne son feu vert. C’est surtout le signe d’une tension très forte entre les entreprises chinoises qui conduisent la centrale de Taishan et les opérateurs français, EDF et Framatome qui l’ont fabriquée. Une tension qui dure depuis des mois, puisque la fuite a été repérée depuis octobre.
Il faut bien comprendre qu’il y a plusieurs barrières de protection entre la radioactivité du réacteur et l’extérieur. Mais, pour les experts français, quand une première barrière est tombée, il ne faut pas forcément compter sur les autres avant de faire quelque chose. EDF, actionnaire minoritaire de Taishan, a demandé samedi dernier un conseil d’administration extraordinaire. On comprend qu'aujourd'hui, ces seuils opposent ceux qui ne veulent pas arrêter le réacteur pour vérifier ce qu’il se passe et ceux qui s’inquiètent d’être tenus responsables d’un défaut de conception.
Il faut dire que la reprise économique est forte en Chine et le besoin d'électricité grimpe en flèche. Le nucléaire ne représente que 5 % de la production du pays encore très dépendante du charbon. Néanmoins Pékin compte beaucoup sur cette source décarbonnée pour atteindre la neutralité carbone en 2060 et respecter l'accord de Paris sur le climat.
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