Covid-19 : Obépine, l'indicateur qui permet de repérer le virus dans les eaux usées, n'est pas suffisamment exploité
C'est un indicateur précoce de la circulation du virus, très utile lors des campagnes de tests locales. Mieux suivre cette donnée permettrait de contenir l'épidémie avant l'explosion des services de réanimation des hôpitaux.
Le nombre de patients atteints du Covid-19 en réanimation dépasse mercredi 31 mars les 5 000 cas en France. Les contaminations ont augmenté ces dernières semaines, mais la présence du virus dans nos eaux usées montrait déjà une circulation plus active depuis plus d’un mois.
Il y a aujourd’hui 150 stations d’épuration en France où l’on collecte et analyse la présence de virus. Sur 22 000 ce n’est pas beaucoup mais cela donne déjà un bon maillage de notre territoire. Les données sont publiées toutes les semaines, 72h après avoir été transmises aux élus locaux. Elles sont très éclairantes sur la remontée des contaminations ces dernières semaines. Pour les responsables de ce réseau de surveillance appelé Obépine, il y a clairement eu un changement de tendance dès la fin janvier.
Aujourd’hui, les courbes sont parfois surprenantes. Elles montrent que la présence du virus continue de grimper même dans des villes sous restrictions comme Nice. Il n'y a pas de baisse majeure liée au confinement même si les gestionnaires d'Obepine se méfient des interprétations.
Un indicateur crédible...
Dès l'an dernier, une équipe de l’université de Canton en Chine avait montré la présence de virus dans les selles de patients Covid, y compris asymptomatiques. Aux Pays-Bas, des chercheurs ont repéré les traces du virus dans les eaux usées de l’aéroport d’Amsterdam, quatre jours seulement après l’annonce du premier cas dans le pays.
En France, un groupe d’épidémiologistes, chimistes, mathématiciens a donc décidé de plonger dans nos égoûts pour aussi suivre ces traces. Ce réseau coordonné notamment par Vincent Maréchal, professeur de virologie à l’université Paris-Sorbonne, a construit un indicateur plutôt solide. Obépine tient compte évidement du nombre d’habitants qui dépendent de la station d’épuration, de la dilution du virus dans l’eau après de fortes pluies par exemple. Cet indicateur doit encore gagner en précision notamment, par exemple, pour pouvoir déterminer un nombre moyen de personnes infectées. Savoir quel pourcentage de personnes asymptomatiques peuvent être concernées. Mais il permet quand même de voir, avant que tout le monde tousse ou aille faire un test, si le virus circule déjà beaucoup à l’échelle d’une commune ou d’un groupe de communes.
...mais pas suffisamment exploité
Pour les chercheurs, cet indicateur seul ne suffit pas. Il doit être complété de campagnes de dépistage, de contrôles du port du masque, du respect des protocoles dans les écoles. Ce qui n'a pas été suffisamment fait à temps selon eux. Sauf à de rares endroits comme par exemple sur l’île d’Yeu. La mairie a vu l’augmentation du virus avec les vacances scolaires de février. Elle a communiqué ses résultats sur la radio locale et a aussi monté une opération de tests et repéré les patients asymptomatiques.
Au niveau local, c’est donc un outil très utile pour contenir la maladie. C'est plus facile à faire sur une île pour controler les entrées et les sorties, mais les chercheurs regrettent qu’il n’ait pas été plus exploité plus tôt pour être plus vigilant avant que les hôpitaux ne soient au bord de l’explosion. Dans les prochains jours, ils comptent publier une carte météo de la circulation du virus dans nos eaux usées, afin de mieux prendre en compte cette donnée. Leur programme est monté en puissance depuis l'été dernier. Mais il a un financement déterminé qui arrive à terme dans les prochains mois. La question est de savoir si ce service restera public et géré par les chercheurs ou s'il va passer aux mains des opérateurs privés comme Suez. Ces derniers proposent aussi aux collectivités de suivre cet indicateur pour leur compte.
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