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Biodiversité : l'Académie des sciences lance l'alerte sur le déclin des insectes

Ce sont les mal aimés de la biodiversité : les insectes. Tellement mal aimés qu’ils sont en train de disparaitre. Cela inquiète l’Académie des sciences qui vient de publier des recommandations pour enrayer leur déclin.  

Article rédigé par Anne-Laure Barral
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un moucheron (illustration). (LYNN ISCHAY / LANDOV / MAXPPP)

C'est la première fois que l'Académie des sciences joue le rôle de lanceuse d'alerte sur la biodiversité. Elle était longtemps restée prudente sur le réchauffement climatique, trop longtemps sans doute. Mais aujourd'hui, pour ces scientifiques, comme Philippe Grandcolasdirecteur de l’Institut de systématique, évolution, biodiversité au CNRS, il y a déjà beaucoup d’études sur le déclin des papillons, des abeilles, coléoptères et de tous les autres insectes. Ils existent depuis au moins 400 millions d’années sur Terre, ils représentent 80% des espèces que l’on connaît. Leur disparition nous fait courir de très grands risques. Pourtant, ces scientifiques ne se sentent pas pris au sérieux. Compter les papillons, est-ce vraiment ce qu'il y a plus de plus important ou de plus urgent ?  

Plusieurs centaines de milliards d'euros de services gratuits


Aujourd'hui, le grand public connaît assez bien le rôle de pollinisateur des fleurs des abeilles mais aussi des bourdons, des papillons pour les végétaux qui nous donnent 70% de notre alimentation : fruits, légumes, céréales... Et sans les insectes, pas de dégradation de la matière organique. Nos champs seraient recouverts de bouse de vache. Un peu comme ce qu'il s'est passé en Nouvelle-Zélande avec l'arrivée des colons et de leur bétail. Le pays a dû importer des coléoptères d'Europe parce qu'il était envahi de mouches. Leurs bousiers locaux n'arrivaient pas à les enfouir dans le sol.

Les insectes jouent aussi un rôle essentiel pour la filtration des eaux. Sans eux, le Covid-19 ne serait pas le plus gros de nos problèmes sanitaires. Les économistes ont d'ailleurs chiffré qu'ils nous rendaient gratuitement des services de plusieurs centaines de milliards d'euros.

On parle plus des guêpes, des moustiques, des frelons qui nous envahissent que des moucherons qui ont disparu de nos pare-brise. Et le constat de leur déclin fait l’objet de vifs débats entre scientifiques. Pour bien compter les insectes, il faut du temps, prendre les mêmes et pas des sous-espèces, revenir au même endroit régulièrement. Une étude, plutôt bien faite, publiée il y a quatre ans dans PLOS one montrait que 75% des insectes volants des réserves naturelles d'Allemagne avaient disparus en 30 ans.

Mais l’an dernier, une méta-analyse faite par des chercheurs allemands et publiée dans Science expliquait qu'au niveau mondial, le constat n'était pas si alarmant. Les insectes aquatiques, eux, se portent même de mieux en mieux. Sauf qu'aujourd'hui plusieurs scientifiques françaises contestent cette analyse et sa méthode. Leurs collègues ont compté des insectes là où on avait créé des mares, donc forcément ils en trouvent plus que les années précédentes. Les scientifiques allemands leur ont répondu qu'ils n'avaient qu'à refaire leur méta-analyse... 

Pas de consensus sur la question au sein de l'IPBES

La science a souvent du mal avec le consensus, il faut dire qu'elle avance avec le doute. Mais cette recherche de consensus est recherché par l'Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES), la plateforme internationale d'experts sur la biodiversité, comme le Giec dans ses rapports sur le climat. Sauf qu'il y a deux ans, quand le résumé du rapport sur la biodiversité a été voté mot à mot, les auteurs et les délégués des pays membres de cette plateforme, dont la Chine n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur le déclin des insectes. L'Académie des sciences estime qu'il n'y pas besoin d'attendre encore un consensus pour éviter leur déclin. Dans son avis, elle vise directement la lutte contre la déforestation, l'artificialisation des sols et l'usages de pesticides. En particulier, les néonicotinoides qui vont faire leur retour dans certains champs français de betteraves le mois prochain.   

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