Une vague record de 18 mètres découverte dans le Pacifique
C’est une vague comme un mur d'eau, une vague scélérate, qui a été découverte par des spécialistes canadiens au large de Vancouver. Un phénomène longtemps incompris – on pensait que les marins fabulaient – mais que la physique explique aujourd’hui par un système d’amplification d’ondes.
Alors que la tempête Eunice s’éloigne de France, on apprend que l’océan maintenant se déchaîne : on a observé une vague record, au large du Canada. Elle s'est élevée en novembre 2020, mais on vient de la découvrir seulement maintenant dans les données scientifiques. Les précisions de Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine scientifique Epsiloon.
franceinfo : Mathilde, cette vague de 18 mètres au large de Vancouver, a intéressé les physiciens ?
Mathilde Fontez : C’est ce qu’ils appellent une vague scélérate. Une vague particulière, légendaire. Le phénomène est rapporté par les marins depuis des centaines d’années.
Le célèbre explorateur et officier de marine Dumont d’Urville avait par exemple été moqué, au début du XIXe siècle, pour avoir rapporté de ses voyages la description de ces vagues : rien à voir avec les rouleaux qui font la joie des surfeurs. Là, on parle d’un mur d’eau, très droit, qui s’élève subitement, et qui atteint des hauteurs beaucoup plus élevées que les vagues environnantes.
Et finalement, ce n’est pas un fantasme. Ces vagues existent bel et bien ?
Ce n’est ni un fantasme, ni un cauchemar, c’est bien réel oui. La preuve donc, avec cette vague mesurée à 7 kilomètres, au large de Vancouver, par une bouée à houle : 17,6 mètres tout à coup – un immeuble de 7 étages – dans une mer très calme.
Elle s’est élevée le 17 novembre 2020, mais les spécialistes canadiens viennent tout juste de la trouver dans les données. Ils en publient une étude détaillée cette semaine. Et ça leur permet d’expliquer, enfin, comment elle se forme. Pourquoi un tel monstre peut surgir tout à coup.
C’est la première fois qu’on mesure vraiment ce type de vague ?
C’est la quatrième vague en fait. Une première avait été mesuré aux abords d’une plateforme pétrolière en mer du Nord, en 1995. Une vague de 26 mètres, dans une houle de 12 mètres. C’est elle qui avait pour la première fois prouvé que le phénomène n’est pas une légende. Et deux autres avaient été mesurées dans les années 2000.
A partir de là, les physiciens ont pu commencer à faire de vraies études : ils ont tenté de reproduire le phénomène en bassin – une première expérience, menée à l’université d’Oxford, a réussi en 2019. Et ils ont modélisé le phénomène pour le simuler avec des études numériques – en mobilisant une grosse puissance de calcul.
C’est ce qu’a fait l’équipe canadienne avec la vague de Vancouver ?
Oui, ils ont réalisé une étude numérique. Et ce qu’ils voient, c’est que la vague se forme par un phénomène qu’on appelle "interférence constructive" : les vagues, ce sont des ondes. Et il arrive que plusieurs trains d’ondes qui proviennent de directions différentes, qui circulent à des vitesses différentes, s’ajoutent par hasard, à un endroit précis. C’est donc comme ça que la mer s’élève tout à coup.
Le mystère des vagues scélérates est résolu. Et ça permet de commencer à faire des statistiques : les chercheurs estiment qu’une vague comme celle de Vancouver se produit tous les 1300 ans. C’est peu. Mais à l’échelle de l’océan, cela donne une vague sur 10 000 qui serait une vague scélérate.
Ce qui veut dire que tout navire a des chances d’en croiser une sur sa route. On estime que 22 cargos auraient disparu en mer, ou auraient été sévèrement endommagés en 25 ans par les vagues scélérates. Ce n’est plus seulement une légende de loup de mer…
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