On a vu un fleuve cosmique
Avec Mathilde Fontez, rédactrice en chef au magazine scientifique Epsiloon, on explore aujourd'hui l’espace, avec le télescope ALMA, à la recherche des fleuves cosmiques, avec une observation astronomique qui va faire date.
franceinfo : Des astronomes ont réussi à voir des fleuves cosmiques ?
Mathilde Fontez : Oui, c’est l’expression des chercheurs : "des fleuves cosmiques", ou des "courants cosmiques". Bien sûr, il ne s’agit pas d’eau, mais de gaz. Et ce gaz n’a pas été trouvé dans notre Système solaire, mais bien plus loin, en dehors des galaxies, près d’une galaxie en particulier, la Fourmilière, à 12 milliards d’années-lumière de nous.
Mais ce gaz coule bel et bien, c’est un grand courant qui se détache dans le noir de l’espace. Il est gigantesque : il fait 300.000 années-lumière, c’est 3 fois le diamètre de notre galaxie. Il a été vu par le radiotélescope ALMA, l’un des plus puissant du monde, situé au Chili, par une équipe internationale.
Ce gaz coule dans l’espace intergalactique ?
Oui, il coule en dehors de la galaxie, et il plonge dedans. En fait, les astrophysiciens soupçonnaient l’existence d’une telle structure. Leurs simulations numériques, les modèles avec lesquels ils étudient l’univers, leur avaient montré que ces fleuves cosmiques devaient exister. Il y avait déjà eu des observations indirectes ou incomplètes.
Mais pour la première fois, on voit vraiment un fleuve. Même si l’image est un peu cryptique : ça ressemble à une succession de bulles floues, alignées les unes derrière les autres. Ça confirme que ces fleuves, il doit y en avoir partout, entre toutes les galaxies. L’univers finalement, ce n’est pas une collection de galaxies bien compactes, et du vide autour. Des rivières coulent partout entre les structures.
Pourquoi n'avait-on pas vu ces fleuves cosmiques, jusque-là ?
Parce qu’ils sont très froids, - 260°C. Or tout ce qui est froid, brille très peu, c’est très difficile à voir au télescope. Et aussi parce qu’ils sont très peu denses : il ne faut pas imaginer un flot furieux. Ces rivières, ce sont plutôt des volutes : leur densité est un milliard de milliards de fois, moins grande que celle de l’air que vous respirez. Mais c’est dans ce courant très fin, que réside la résolution d’un grand mystère : il avait été posé dès les années 1950 : pourquoi les galaxies forment-elles encore des étoiles ?
Pourquoi notre Soleil est-il né, alors que notre vieille galaxie, normalement, ne devait plus avoir de gaz pour donner naissance à de nouveaux astres ? La réponse est dans ces fleuves cosmiques : ce sont eux qui alimentent les galaxies en matière, et qui leur permettent de concentrer de nouveaux nuages de gaz, qui s’effondrent en étoiles. En gros, c’est grâce à ces fleuves cosmiques que nous sommes là.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.