On a créé un bois ultra-noir

En gravant la surface du bois, des chercheurs canadiens sont parvenus à obtenir une surface qui absorbe 99,32% de la lumière visible : un nouvel exploit dans ce domaine des "couleurs structurales", qui pourraient déboucher sur des technologies de peintures, de capteurs sans produits chimiques.
Article rédigé par franceinfo - Mathilde Fontez
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Au microscope, le bois modifié, ressemble à une sorte de nid d’abeille, finement sculpté. Ce sont ces mailles, les alvéoles du nid, qui emprisonnent la lumière. (CAS / GOOGLE SCHOLAR)

On a réussi à fabriquer un bois plus noir que noir ! Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine Epsiloon, revient sur cette découverte d'une équipe de chercheurs de l’université de Colombie-Britannique au Canada.

franceinfo : Cette équipe a donné vie à un bois ultra-noir, une sorte de nouveau matériau un peu futuriste ? 

Mathilde Fontez : Oui, l’ultra-black, en anglais ça paraît encore plus high-tech. Mais, c’est une découverte un peu à l’ancienne, faite par hasard, au laboratoire, sans l’avoir vraiment préméditée. La fameuse sérendipité.

Ce chercheur, Kenny Cheng, et les membres de son équipe réalisaient des tests pour augmenter les propriétés imperméables du bois, en modifiant sa surface. Et il s’est aperçu qu’il modifiait aussi sa couleur, de manière assez radicale : il obtenait un bois plus noir que noir : une surface qui réfléchit 98% de la lumière – le noir normal, c’est seulement 90%.

Comment peut-on changer la couleur en modifiant une surface ? 

Parce que la couleur, c’est une histoire de réflexion – ou d’absorption – des rayons lumineux par une surface. En la modifiant, on peut donc jouer sur cette absorption, ou cette réflexion. C’est ce phénomène qui donne les couleurs très vives, iridescentes des plumes de paon, ou des ailes de papillon. 

Mais attention, ce sont des gravures très fines, à l’échelle du nanomètre. Kenny Cheng a utilisé un plasma à haute énergie, pour obtenir son bois ultra-noir. Au microscope, le bois, ainsi modifié, ressemble à une sorte de nid d’abeille, finement sculpté. Ce sont ces mailles, les alvéoles du nid, qui emprisonnent la lumière.  

C’est la première fois qu’on obtient un noir aussi profond ? 

Non, il y a plus noir encore. En découvrant leur bois ultra-noir, les chercheurs canadiens ont mis le doigt dans une course technologique, lancée depuis le début des années 2000, grâce aux progrès des nanotechnologies. 

De nombreuses équipes dans le monde s’affrontent pour atteindre le noir absolu. Des chercheurs de l'Institut polytechnique de New York ont réussi en 2008 à atteindre 99,9% de lumière réfléchie, avec une surface faite de nanostructures de carbone, des nanotubes. Une autre équipe, à l’université du Michigan a même atteint 99,965%. Les records sont dans le Guinness Book. 

Et au-delà du noir, des chercheurs sont parvenus, il y a deux ans, à décliner plusieurs de ces "couleurs structurales", avec des nanoparticules de tailles différentes. Mais là, c’est du bois, un matériau unique, il n’y a pas de sous-produit, pas de procédé de fabrication. Juste de la nanosculpture, avec un plasma. 

Pas de produits chimiques ? 

Oui, c’est tout l’intérêt de ces couleurs structurelles. Ce n’est que le début : elles restent chères, délicates à fabriquer, mais l’idée c’est qu’ensuite, on n’ait plus besoin de solvants, de produits chimiques. Des couleurs avec seulement du carbone – qui de surcroît, ont l’avantage d’être beaucoup plus durables dans le temps. 

Pour l’instant, Kenny Cheng et ses collaborateurs pensent à des applications de capteurs solaires.

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