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La science bute sur l’effet des sondages

L’influence des sondages sur le vote des électeurs, c’est une question étudiée depuis l’apparition des sondages, au début du XXe siècle. 

Article rédigé par franceinfo - Mathilde Fontez
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Les chercheurs ont du mal mettre au point des expériences pour étudier le phénomène des sondages en laboratoire, de manière contrôlée. (Illustration) (TAPANAKORN KATVONG / EYEEM / GETTY IMAGES)

Le billet science du weekend avec Mathilde Fontez, rédactrice en chef du nouveau magazine scientifique, Epsiloon, évoque aujourd'hui le sujet des sondages qui sont apparus au début du XXe siècle.

franceinfo : Il y a beaucoup de polémiques au sujet de la fiabilité des sondages, mais au-delà de ça, est-ce qu’ils peuvent influencer les électeurs ? La science a du mal à répondre...

Mathilde Fontez :  Oui… il arrive que la science bute. Et là, c’est bel et bien le cas. Pourtant, l’influence des sondages sur le vote des électeurs, c’est une vieille question. Elle est étudiée depuis l’apparition des sondages, au début du XXe siècle. Et elle se pose d’autant plus aujourd’hui, alors que nous sommes pris d’une frénésie.

Il y a déjà eu plus de 60 sondages pour l’élection présidentielle 2022 en France. Il y en a eu 560, en tout, pour l’élection présidentielle de 2017. Et c’est le cas dans toutes les démocraties occidentales. Une étude a quantifié le phénomène en Grande-Bretagne : depuis 1945, le nombre de sondages a été multiplié par 50 !  

Quels effets pourraient-ils avoir sur le vote ?

Quatre principaux effets ont été recensés et sont étudiés. Il y a l’effet qu’on appelle "du train en marche" : la bonne vieille tendance que nous avons à nous conformer à l’opinion dominante, et donc à voter pour le candidat en tête dans les sondages.

Mais il y a aussi son opposé : par sympathie pour les petits candidats les moins en vue, on pourrait avoir tendance à voter pour eux. Il y a l’effet "vote utile" : on délaisse son candidat préféré pour en choisir un autre qui est proche et qui a plus de chance de l’emporter.

Et il y a l’effet sur la participation : les sondages pourraient nous décourager d’aller voter… Sauf que sur les quatre effets, les études donnent des résultats très faibles, qui ne veulent en fait rien dire. Ou bien des résultats contradictoires.  

Comment ça s’explique ?

En fait, c’est très difficile d’étudier les sondages. On peut les comparer, après coup, aux résultats d’un vote, mais c’est un peu le poisson qui se mord la queue. Et les chercheurs ont du mal mettre au point des expériences pour étudier le phénomène en laboratoire, de manière contrôlée : les jeux de rôles dans lesquels on met des participants sont toujours trop artificiels, trop caricaturaux.

Et le pire, c’est qu’ils donnent eux aussi des résultats très faibles, alors que normalement, ce type de test est connu pour accentuer les effets.  

Ces tests ne concluent rien…

Ils concluent, mais très faiblement. Par exemple, une grosse étude réalisée sur 10 ans, dans 7 pays, sur près de 23 000 personnes, publiée le mois dernier, montre un tout petit effet en faveur du favori des sondages, mais ça reste dans la barre d’erreur. Donc scientifiquement, ça ne montre rien.

Finalement, l’effet le plus saillant, c’est celui sur les journalistes – oui, on se sent un peu visés. Alors pas sur le vote, mais sur leur manière de traiter l’info : les sondages poussent à couvrir les élections sur le mode de la course de chevaux, à dire qui gagne ou perd du terrain, sans parler du fond.

Et il y a tout de même un effet prouvé qui concerne tout le monde. C’est la conviction que les sondages ne nous touchent pas nous. On a tous tendance à penser qu’ils n’ont d’influence que sur les autres. 

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