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Mathématiques et carrelage : un amateur parvient à dessiner une tuile de pavage pour couvrir une surface sans répétition

Les carreleurs pourront bientÎt avoir la possibilité de recouvrir les murs de parfaits pavages "apériodiques", grùce à la découverte d'un retraité, aidé par trois mathématiciens et informaticiens professionnels.
Article rédigé par franceinfo - Hervé Poirier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une forme géométrique légendaire : le pavage mono-tuile ou pavage apériodique. (DAVID SMITH / JOSEPH SAMUEL MYERS / CRAIG S. KAPLAN & CHAIM GOODMAN-STRAUSS)

Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon, nous parle aujourd'hui de ces mathématiciens qui ont réussi à dessiner une forme géométrique légendaire, que l'on appelle une monotuile apériodique.

franceinfo : Une tuile apériodique ? De quoi s'agit-il ?

HervĂ© Poirier : C’est David Smith, un retraitĂ© de 64 ans Ă©tabli dans le Yorkshire, au Royaume-Uni, qui l’a dessinĂ©e, aidĂ© par trois mathĂ©maticiens et informaticiens professionnels. C’est une figure Ă  13 cĂŽtĂ©s qui ne ressemble pas Ă  grand-chose. Enfin, si : elle ressemble un peu Ă  un fantĂŽme. Et c’est en partie pour cela qu’elle a Ă©tĂ© baptisĂ©e le "spectre". Mais ce nom vient aussi du fait que cette figure hantait les mathĂ©maticiens depuis le dĂ©but des annĂ©es 60 : ce "spectre" est la premiĂšre vĂ©ritable monotuile apĂ©riodique.

Imaginez que cette forme soit une petite plaque de carrelage, disponible en grand nombre. Eh bien, avec elle, un carreleur peut recouvrir parfaitement un sol Ă  l’infini, sans laisser ni de trou, ni de chevauchement. Surtout, il obtiendra un motif global qui ne se rĂ©pĂšte pas. Pas comme dans votre salle de bain, donc, oĂč vous avez sĂ»rement un schĂ©ma qui se retrouve de façon pĂ©riodique. Ici, non : le motif est apĂ©riodique.

Et donc, cela faisait longtemps que les mathématiciens recherchaient une telle forme géométrique ?

Oui. Le premier pavage apĂ©riodique a Ă©tĂ© dĂ©couvert en 1964, mais nĂ©cessitait pas moins de 20.426 formes de tuiles diffĂ©rentes. Ce nombre a rapidement Ă©tĂ© ramenĂ© Ă  6, puis Ă  2. Mais depuis, le compteur restait bloquĂ©. La solution est donc venue de David Smith, qui est d’abord tombĂ© sur une forme qui relevait presque le dĂ©fi : elle permet un pavage apĂ©riodique, Ă  condition de pouvoir mettre la tuile Ă  l'endroit et aussi Ă  l’envers – une astuce qu’aucun carreleur sĂ©rieux n’accepterait. Mais en modifiant subtilement cette premiĂšre forme, grĂące Ă  des outils informatiques, le Graal du carreleur est finalement apparu, le "spectre".

À quoi cela sert-il ?

Des informaticiens vous expliqueront que ce dĂ©fi est liĂ© Ă  d’intĂ©ressantes questions de calculabilitĂ© – savoir si un problĂšme peut ĂȘtre systĂ©matiquement rĂ©solu par un algorithme ou non. Des physiciens vous rĂ©pondront que l’apĂ©riodicitĂ© dans la structure atomique de certains matĂ©riaux, comme les quasi-cristaux, influence leurs propriĂ©tĂ©s.

Mais les mathĂ©maticiens vous diront surtout que c’est une question de principe : c’est pour "l’honneur de l’esprit humain". Reste aussi que c’est aussi une aubaine pour les carreleurs, qui vont bientĂŽt pouvoir recouvrir les murs de parfaits pavages apĂ©riodiques.

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