Cet article date de plus d'onze ans.

Les lettres de prison de Nadejda Tolokonnikova, membre des Pussy Riot

Une correspondance entre Nadejda Tolokonnikova et le philosophe slovène Slavoj Zizek est née il y a quelques mois. Nadejda Tolokonnikova a fait des études de philosophie et elle est très fascinée par la pensée de Slavoj Zizek. Elle vient d'être transférée dans une prison de Tchouvachie, en Russie centrale. Auparavant elle était détenue dans un camp de travail en Mordovie, dans l'Oural, dans des conditions inhumaines.
Article rédigé par Alexandre Lacroix
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
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Elle travaillait 16 à 17 heures par jour, avait un jour de repos
toutes les six semaines, était au bord de l'épuisement et y avait
entamé une grève de la faim parce qu'elle se disait en danger de mort.

Cette corresponce exceptionnelle est dans Philosophie Magazine qui est paru hier et c'est le thème qu'a reteni ce soir Alexandre Lacroix, son rédacteur en chef.

Ces échanges de lettres qui courent
sur dix pages et ont duré six mois. Au départ, il y a proclamation d'une
admiration mutuelle, puis ils finissent par être en désaccord total sur la
vision du capitalisme actuel.

Pour Zizek, le " capitalisme tardif  " ressemble à une
fête, un  "carnaval permanent " : ce n'est plus le capitalisme industriel
du XIXe siècle, ni le capitalisme tayloriste du travail en usine, mais le
capitalisme de la publicité, de la consommation, de l'innovation, de la
nouveauté, de la révolution permanente. Un capitalisme léger, immatériel,
bouillonnant, plein de vitalité. Un capitalisme de soixante-huitards et non pas
d'ouvriers.

Pour Nadejda, une telle vision du capitalisme n'est qu'une
" publicité réussie ". Elle explique à Zizek qu'il se trompe lourdement et que,
pour que des élites à Paris, Londres, New York ou San Francisco puissent avoir
le sentiment de vivre dans le carnaval permanent, il faut que, dans les cales du
navire, de nombreux esclaves rament. C'est par exemple dans les camps de travail
de Russie et dans la Chine autoritaire qu'on travaille dur. Nadejda : " Le
capitalisme contemporain veut nous persuader qu'il agit en total accord avec les
principes de la libre création, du développement sans fin et de la diversité.
Son intérêt, c'est d'occulter le revers de la médaille, à savoir des millions de
gens asservis par la norme de production, omniprésente et – croyez mon
expérience ! – fabuleusement stable. "

 

Ce n'est pas un peu paradoxal, pour la chanteuse
des Pussy Riot, d'être nostalgique du communisme en Russie ?

 

C'est là que Nadejda est une enfant de sa génération. Elle
est née en novembre 1989, à une semaine de la chute du mur. En fait, elle
renvoie dos à dos communisme stalinien et capitalisme, mais reste attachée au
grand rêve d'une émancipation complète de l'humanité ! Le marxisme est une arme
de contestation pour elle, pas un programme.

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