Guerre en Ukraine : qui est Emmanuel Quidet, le président de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe naturalisé par Vladimir Poutine ?
L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Quiconque dans la communauté française de Moscou a fait du business avec la Russie connait cet homme qui a co-fondé il y a 25 ans cette chambre de commerce et d’industrie franco-russe. La soixantaine, célibataire, Emmanuel Quidet est aujourd’hui l'"incontournable", l'"homme pivot"… Celui par qui l’on passe forcément qu'on soit chef d’entreprise, diplomate, politique et qu’on s’intéresse à la Russie.
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Moscou est sa 2e patrie, même s’il parle russe "comme une vache espagnole", déclare-t-il. Il y est arrivé au milieu des années 1990. Après un parcours assez linéaire : il sort diplômé de l’European business School en 1985 à Paris et met immédiatement un pied chez Ernst and Young, qu’il ne quittera plus. Il fait du conseil, d’abord à Paris, il couvre pendant plusieurs années l’Afrique et le Moyen-Orient, il passe aussi par la Pennsylvanie, avant d’être envoyé à Moscou où il est donc toujours associé.
Un duo dans la "décennie dorée"
Cette place centrale à Moscou se joue sans doute durant la "décennie dorée", la décennie 2000. Et ce n’est pas Quidet seul, mais le duo qu’il forme, lui le consultant plutôt calme et un certain Jean-Luc Pipon, avocat d’affaires haut en couleur. Après des années 1990 difficiles pour le business àla suite de la chute de l’Union soviétique, les deux hommes surfent sur ces années 2000. La diaspora française se bouscule à leurs "soirées vin-fromage". Avec les ambassadeurs et les chefs de mission économique, ils reçoivent et accompagnent tous ceux qui veulent investir le moindre euro en Russie. Le Medef fait souvent le voyage. "Une époque pleine d’excès, avec un côté Las Vegas", m’a dit, un peu sibyllin, l’un de leurs interlocuteurs réguliers. "L’argent coule à flot, sans qu’il n’y ait encore de législation bien établie."
Un avocat d’affaires internationales Frédéric Belot décrit la même effervescence en France autour de ces relations avec la Russie, avec "pratiquement toutes les semaines, un évènement (réunion/colloque/cocktail) à Paris". C’est l’époque où Dominique de Villepin, premier ministre lancera avec son homologue Mikhaïl Fradkov le "dialogue franco-russe", co-présidé par le patron de Renault, louis Schweitzer. Jean-Luc Pipon partira ensuite monter son propre cabinet pour travailler avec des entreprises russes. Emmanuel Quidet se retrouve alors en première ligne et encore plus, depuis le décès brutal de son complice il y a trois ans.
Une médaille russe pour sa "contribution à la coopération internationale"
Avec le pouvoir, ses relations sont pour le moins soignées ! Depuis le printemps 2022, il siège au conseil d’administration de Novatek, le géant gazier allié de total Energies, de son ami l’oligarque Guennadi Timtchenko. Il est réputé ne jamais critiquer Moscou mais plutôt les sanctions occidentales contre la Russie, ce qui lui vaut depuis longtemps une solide réputation Pro-Poutine. En 2015, en pleine crise ukrainienne première période qui refroidit déjà les investisseurs français, Serguei Lavrov, ministre des affaires étrangères, avait pris un malin plaisir à lui remettre une médaille pour sa "contribution à la coopération internationale".
Depuis la signature de l’oukase présidentiel lundi, Emmanuel Quidet ne s’est pas exprimé sur son nouveau passeport russe. Nous l’avons évidemment sollicité… sans succès. D’autres médias également. Il est le 28e dans cette liste de naturalisés qui compte 72 étrangers (dont Edward Snowden, le lanceur d’alerte américain, ainsi que 11 autres français, majoritairement descendants d’émigrés russes blancs.) Il avait manifestement fait la demande il y a longtemps. La nouvelle en tout cas suscite pas mal de remous dans la communauté française, surtout en plein référendum sur les annexions en Ukraine et alors que les binationaux (dont lui théoriquement !) peuvent désormais être "mobilisés" pour le front ukrainien.
"C’est sans doute parce qu’il souhaite rester en Russie", a conclu tout simplement une de mes sources. De fait, même si beaucoup de français sont partis depuis le printemps, même si le journal le Courrier de Russie qu’il avait créé a été fermé, Emmanuel Quidet ne semble pas prêt de faire ses valises.
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