Gigafactory : qui est Yann Vincent, l’ancien de Renault et PSA qui s’attaque au monopole chinois sur les batteries électriques ?
C’est bel et bien une nouvelle filière industrielle qui a été lancée mardi 30 mai au matin à Billy-Berclau dans le Pas de Calais. La première usine produisant sur le sol français des batteries pour voitures électriques a été inaugurée en grande pompe par six ministres de trois pays différents, en présence d’une centaine de journalistes. L’usine, qui s’étend sur 700 mètres de long, l’équivalent de huit terrains de foot est la première d’ACC (Automotive Cells Compagny), un groupe qui réunit depuis 2020 Stellantis, TotalEnergies et Mercedes et dont la production doit démarrer cet été.
Aux commandes, un ancien routier de l’automobile, Yann Vincent, 65 ans, dont 42 passés dans le secteur auto. Il a été, à 41 ans au début de l’époque Carlos Gohn, le plus jeune directeur d’usine Renault à Douai mais également patron de Renault Russie et patron du programme Megane. Il part ensuite cinq ans chez Alstom et enfin six ans chez PSA. Une preuve que certaines trajectoires se prennent parfois sans le vouloir, Yan Vincent débarque dans ce secteur dès sa sortie de l’école Centrale mais pas du tout par passion pour l’automobile contrairement à un Carlos Tavares réputé dingue de pilotage. Yann Vincent était plutôt du genre course à pied depuis ses 10 ans. Il avait un critère très basique en tête. "Je voulais être dans une entreprise dont je pourrais parler des produits assez facilement à mon entourage, dit-il. C'est le produit d'un stage que j'avais fait au CEA, un stage de fin d'études à Centrale. Là, j'étais sur un sujet de thèse dont je pouvais parler de cinq personnes, et encore, dans le monde."
Déterminé et "élastique"
De ce point de vue-là, la voiture était la bonne idée. En 40 années dans l’industrie automobile, il l’a pourtant vu évoluer, perdre des emplois, délocaliser. Mais pour lui, la date clé qui déclenche tout jusqu’à la création de l’usine d’aujourd’hui, c’est 2018. "Indiscutablement la réglementation sur le CO2 en 2018 a changé du tout au tout la manière dont on appréhendait les choses, reprend Yann Vincent. Cette compréhension que l'électrique allait devenir la technologie dominante dans les immatriculations a permis de réaliser que pour un composant majeur comme la batterie, nous étions en très forte dépendance vis-à-vis de l'Asie. D'où le projet ACC, contributif à la transition énergétique, à la réindustrialisation de la France, à recouvrir notre souveraineté."
Yann Vincent était clairement le choix de Carlos Tavarès, pour Stellantis, validé par Patrick Pouyanné, chez TotalEnergies. D’après le secrétaire général d’ACC, Matthieu Hubert qui travaille avec lui depuis ses années Renault en 2005 : c’est avant tout comme diplomate contorsionniste qu’il a été choisi. "C'est exactement lui ce projet, estime Matthieu Hubert. Un projet hors-norme avec potentiellement des actionnaires dont les intérêts ne sont pas toujours parfaitement alignés. Vous mettez deux constructeurs automobiles dont un très marqué haut de gamme et un pétrolier gazier. Pour être capable de gérer cette gouvernance très particulière, il faut quelqu'un qui soit à la fois très élastique et savoir exactement où on souhaite aller."
"Rendre cette mobilité propre"
Dès cet été, ACC produira donc des batteries pour les voitures électriques avec en ligne de mire l’objectif du gouvernement d’électrifier le marché jusqu’à atteindre deux millions de voitures électriques par an d’ici 2030. D’une certaine façon, remplacer le parc thermique actuel par un parc électrique. Et à ceux qui questionnent plus globalement la place de la voiture dans la société, il répond que "la voiture restera un élément de mobilité individuelle que beaucoup de citoyens ont envie de concerner. J'aborderai plutôt cette question sociétale sous l'angle: 'que peut-on faire pour rendre cette mobilité propre', plutôt que sur un bannissement de celle-ci, ici ou là."
Depuis sa création en 2020, ACC embauche deux personnes par jour. C’est l’une des fiertés de Yann Vincent qui a bien l'intention que ça continue, avec à titre plus personnel, un autre objectif pour 2023 : disputer un nouveau marathon alors que des pépins physiques l’ont un peu éloigné de la course à pied temporairement. De l’avis de ses collaborateurs, quand une réunion commence à 7 heures, il est fréquent que le patron se soit levé à 5 heures du matin pour aller courir. C’est son défouloir. Avec une certitude : ne jamais être à court de batterie !
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