Fermeture des refuges sur la voie normale du Mont-Blanc : qui est Antoine Rattin, gardien des refuges et de la liberté des sommets ?
L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Il s’appelle Antoine Rattin, 49 ans, guide de haute montagne et gardien coordonnateur des refuges : c’est-à-dire le Gouter 120 places situées à 3 825 m, la Tête Rousse à 3 260 m et le Nid d’aigle, beaucoup plus bas, à 2 450 m. Les deux premiers ont été fermés le 5 aout sur décision du maire de Saint-Gervais, et n’ont pu rouvrir que le 20 août. Quand je l’ai eu en ligne, il était d’abord un peu agacé de la mauvaise publicité faite au sommet des Alpes cet été : "Cet été, il y a trois pierres qui sont tombées deux fois. Il y a un Indien qui a filmé un gros bloc qui tombait. Mais au mois d'août 2020, des blocs comme ça, il en est tombé plusieurs fois par jour et on n'a pas fermé pour autant. "
On comprend qu’au moment de la fermeture, il y avait 80 randonneurs au refuge du goûter, et qu'après deux étés de Covid-19, l’activité avait enfin repris et que tout le monde s’en réjouissait. Fermer les refuges, cela impacte le travail de 50 salariés dont il a la responsabilité. Or, à l’entendre, les chutes de pierre sur cette façade ouest n’ont pas été pires que d’habitude, loin de là.
"Des gens qui ne sont pas du tout à leur place"
En réalité, ce qui pose vraiment problème, et il en convient, ce sont surtout les comportements de certains randonneurs, qui montent donc par le petit train depuis la gare de saint Gervais-Le Fayet. Certes ils doivent obligatoirement avoir une réservation dans un refuge faut de quoi ils font demi-tour. Mais cela n’évite pas certains comportements inadaptés. Ce qui a fait prendre cette décision au maire de Saint Gervais, Jean-Marc Peillex, qui n’hésitait pas à faire le parallèle avec Disneyland. "On n'était pas loin de ça, confirme Antoine Rattin, parce qu'on avait quand même des gens qui, au lieu de faire une cordée de deux ou de trois comme c'est l'usage, c'était des personnes qui tentaient l'ascension par groupes de sept, huit, dix. Au bout d'un moment d'ailleurs, ils savaient même plus qui était avec qui et pas forcément encordés. Quand ils arrivent au refuge, ils se rendaient compte que tout le monde avait des crampons, mais pas eux. Donc ils demandaient s'ils en louaient. Ce sont des gens qui ne sont pas du tout à leur place."
Ce qui est étonnant, c’est qu'Antoine Rattin explique qu’il n’était pas du coin. Il ne vient pas de bien loin, il est originaire de l’Oisans. Il a d’ailleurs fait beaucoup de randonnée, puis d’alpinisme. Le déclic c’est son service national au centre de formation des CRS en montagne à Chamonix. Il a fait toute une série d’ascensions pour pouvoir candidater à l’examen de guide. Finalement, c’est seulement en 1999 - il était aspirant guide - qu’une touriste japonaise lui a demandé de l’emmener au Refuge du Goûter et qu’il a découvert l’endroit.
"Des îlots d'humanité"
Il a gardé ce refuge pendant quatre étés de 2016 à 2019, de juin à fin septembre. Désormais, il coordonne les trois refuges depuis la Vallée, gère les questions techniques, les équipes ou l’hélicoptère. Car oui, c’est un peu schizophrène mais il y a un hélicoptère pour acheminer les vivres, ou redescendre les déchets. Aujourd’hui, il passe encore un tiers des quatre mois d’été là-haut et on l’écouterait des heures en parler. " Le refuge du Goûter, comme tous les refuges de haute montagne, on est des îlots d'humanité dans un milieu hostile à l'homme", raconte Antoine Rattin.
"Le refuge, c'est un peu les phares de l'altitude ou les alpinistes viennent se reposer à juste titre se réfugier, manger, dormir et repartir. C'est un privilège que d'être dans les refuges. On est aussi dépositaire de l'information que nous rapportent les cordées."
Antoine Rattin, gardien du refuge du Goûterà franceinfo
Le réchauffement, il le constate, à l’échelle de sa vie d’homme. En 1998, il a fait partie de la dernière promotion d’aspirant guide à passer son épreuve de glace au glacier des Bossons, après il était inaccessible du fait du retrait glaciaire. LMême chose pour la Mer de Glace. Tous ceux qui y sont allés le savent : l’escalier était à quelques minutes. Il faut aujourd’hui marcher très longtemps avant de le rejoindre. Fait rarissime durant cet été 2022 très chaud et qui a frappé Antoine Razttin : il y a eu de la pluie au refuge du Goûter. "Habituellement à 3 800 m d’altitude en été, il fait 4, 6 ou 8 degrés la journée, mais la nuit, les températures sont négatives et quand il y a des précipitations c’est de la neige, raconte-t-il. Cette année, c’était de l’eau !"
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