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Coupe du monde 2022 : qui est Cheikha Moza, la "Cléopâtre qatarienne"

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Sheikha Moza bint Nasser lors des Championnats du monde d'athlétisme de l'IAAF 2019 au stade Khalifa International de Doha, le 4 octobre 2019. (KARIM JAAFAR / AFP)

Cheikha Moza est tellement centrale au Qatar que c’est dans sa ville d’origine, Al-Khor, à 50km au Nord de Doha, qu’a été lancé, dimanche 20 novembre, le Mondial qatarien dans ce stade aux allures de tente bédouine qui s’appelle d’ailleurs "la maison", Al Baÿt. Cheikha Moza Bint Nasser est la mère de l’émir Tamim - quand on sait ce que ça représente dans la culture arabe, on comprend son rôle absolument unique. Et ça a commencé bien avant qu’il arrive au pouvoir en 2013 car comme épouse, cette fois, c’est déjà elle qui est aux côtés de l’émir précédent, Hamad, en 2010 le jour où la Coupe du monde leur est attribuée et on la voit exulter dans cette tenue pourpre très chic qui a marqué les esprits. 

Une vie principalement en exil jusqu'à ses 18 ans 

Elle-même n’est pourtant pas issue de la tribu de l’émir, les Al Thani. C’est le premier élément étonnant. Elle nait en 1959 dans la tribu du principal opposant des Al Thani : les Al-Missned tribu richissime Son père est jeté en prison quand elle est enfant – et à sa libération en 1964, Cheikha Moza a 5 ans, la famille part vivre en exil - au Koweït puis en Égypte, jusqu’à sa majorité l’année de ses 18 ans, elle rentre à Doha, commence des études de sociologie à l'Université. Et l’histoire dit que Hamad, l’héritier du trône, voit cette femme magnifique et qu’un mariage est arrangé essentiellement pour réconcilier les deux clans. Et si vous suivez bien : son beau-père est donc celui qui a jeté en prison son propre père.  

Cheikha Moza devient la deuxième épouse (sur trois) du futur émir.  Au début de son mariage, elle vit de façon traditionnelle, elle met au monde sept enfants dont deux fils tout en finissant ses études de socio et en décrochant une maîtrise en politique publique en islam. Et c’est là que Hamad, son mari, prend le pouvoir profitant que l’émir est en voyage pour faire un coup d’État et s’installer à sa place. On est en 1995. Sheikha Moza a 35 ans, et elle joue un rôle dans cette prise de pouvoir au sens où elle soutient l'homme qui est central à ce moment-là, qu'on appelle par ses initiales "HBJ" : ministre des Affaires étrangères de l’émir précédent qui va devenir le Premier ministre de son mari.  Elle s'en méfie ... mais elle le soutient parce qu’il a compris que son mari avait été vexé, lors de ses voyages, qu’on connaisse davantage Dubaï et Abou Dhabi que le Qatar. Et c'est le trio finalement prend le pouvoir pour donner la visibilité et la puissance d'aujourd'hui à ce tout petit pays du golfe ! 

Une épouse visible à l'international


Pendant les 18 ans de règne de Hamad, elle sera la courroie de transmission entre son mari et HBJ. Tout en commençant à faire l’escabeau à son propre fils Tamim pour qu’il devienne prince héritier – elle fait changer l’ordre de succession. Elle s’arrange aussi pour que HBJ joue un rôle important dans son éducation. Il y a vraiment un côté Cléopâtre chez les qatariens. Dès le coup d'État de 95, elle est la seule des trois épouses visible à l'international. Son grand sujet : l'éducation. Elle sera envoyé spéciale de l'UNESCO. Un atout de com, de charme, et diplomate soufflant le chaud et le froid au gré des intérêts de sa Qatar Foundation - budget de plusieurs milliards de dollars - elle va chercher le soutien des universités américaines et monte des écoles partout dans le monde. 

>>>  Coupe du monde 2022 : Tamin Ben Hamad Al Thani, l'émir d Qatar qui a fait du sport son instrument de "soft power"


Elle n'a pas toujours eu que des amis dans la société conservatrice du Qatar parce que exubérante, aimant le luxe, la mode, elle a même voulu créer un centre pour la liberté de la presse pour lequel elle avait recruté Robert Ménard dans les années 2000. Mais elle est déroutante aussi pour nous, européens, en tant que femme riche, puissante, qui pourfend le féminisme laïc et défend la polygamie.
Et aujourd'hui ? Eh bien, je vous le redis : c'est la mère de l'émir ! Tout est dit. Ceux qui connaissent bien le Qatar vous disent qu'elle a plus de poids que l'épouse, sa belle-fille. Cheikha Moza a 63 ans, 800.000 followers sur Instagram. Il y a quelques heures, mardi 22 novembre, pour sa fondation "Education Above All", elle recevait le secrétaire général de l'ONU, Antonio Antonio Guterres. En pleine Coupe du monde au Qatar ! 

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